De l’importance des fruits et légumes en politique
« Faire de la politique, c’est proposer des salades suaves pour servir des soupes aigres. » (Aymeric de Nozerolle)
Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, point n’est besoin en France d’avoir de l’oseille à titre personnel pour diriger le pays. On peut même gagner une élection sans (officiellement) avoir un radis. À condition de ne pas sucrer les fraises à la manière d’un Biden. Ni de présenter un faciès jaune comme un coing ou vert comme un poireau, révélateurs l’un comme l’autre d’un état de santé médiocre. Mieux vaut également ne pas être doté(e) d’un cœur d’artichaut, synonyme de nunucherie, ni être haut comme trois pommes, une petite taille étant généralement rédhibitoire.
Pour mener efficacement campagne, mieux vaut avoir physiquement la pêche et, plus encore, être apte – les yeux dans les yeux sous l’œil inquisiteur de la caméra – à raconter des salades aux électeurs pour les séduire, à leur donner des baies pour déjouer leur défiance induite par les expériences antérieures, à ramener sa fraise avec une conviction assumée sur les sujets importants. Et cela sous peine de faire chou blanc le soir du scrutin en ayant l’air d’un cornichon dans les médias au terme de mois d’efforts intenses, accomplis pour des prunes. En politique comme en sport, seul le vainqueur a la banane !
Macron – les mois de pouvoir l’ont montré – est assurément du genre butté comme un champ de patates. Autre caractéristique du personnage : il n’a pas du sang de navet dans les veines, ni un pois chiche dans la cervelle, n’en déplaise à ses contempteurs. C’est surtout, sous ses airs de premier de la classe, un opiniâtre. Mais aussi un chanceux. C’est ainsi que lors de la Présidentielle de 2017, il a su tirer les marrons du feu d’une ouverture politique née de la déliquescence du PS et de LR dont les grosses légumes maison ont précipité la chute.
Ayant compris que les électeurs marchent à la carotte, il lui a suffi, c’est bête comme chou, de s’engager par son action politique à mettre du beurre dans leurs épinards pour se qualifier au 2e tour et aborder le duel contre Le Pen dans les meilleures conditions. Cerise sur le gâteau électoral, son adversaire, tantôt enragée comme un blé d’Inde, tantôt en se fendant la poire d’un air goguenard, avait choisi, lors de cette confrontation, de distribuer des châtaignes au bébé Rothschild afin de le déstabiliser. Or, c’est aux fruits qu’on connaît l’arbre, et ceux de Le Pen sont apparus blets.
Bref, beaucoup d’efforts pour des nèfles : la cheftaine du RN, empêtrée dans des arguments monétaires à la noix, et prise au piège de ses propres peaux de banane, s’est rapidement retrouvée dans les choux, sèchement dominée par un jeune loup au calme olympien dont les arguments économiques, souvent fallacieux mais mitonnés aux petits oignons, ont fait mouche face à des attaques qui ne valaient pas une cacahuète. Résultat : une large victoire de l’ambitieux amiénois, et un président de la République qui a immédiatement pris le melon pour ne plus le quitter.
Sonnée par cette défaite, Le Pen n’est pas tombé dans les pommes, bien qu’elle en ait eu gros sur la patate de s’être si douloureusement pété la cerise. Mais elle s’est vite ressaisie en axant sa stratégie sur la dédiabolisation du RN. Le scrutin de 2022 en tête, elle a repris sa course à l’échalotte avec Macron, bien décidée à courir sur le haricot du président le plus souvent possible pour lui mettre la tête comme une citrouille et réussir ainsi à perturber sa suffisance. Cela n’a pas gêné outre mesure le locataire de l’Élysée : habitué à prendre des marrons distribués par ses opposants, il ne s’est pas pris le chou pour si peu.
2022 est arrivé, et l’on a eu droit à un remake du duel de 2017. Certes, Le Pen ne s’est pas, cette fois-ci, conduite comme une courge. Mais face à un adversaire sûr de lui, bien décidé à tirer les fruits de son travail, et surtout persuadé qu’il ne pouvait pas avoir la guigne, la candidate du RN a trop voulu faire ses choux gras des questions d’immigration et d’’insécurité, en oubliant que là n’était pas la préoccupation majeure des Français*. Et c’est ainsi qu’elle a perdu une deuxième fois face à Jupiter : dès avant le scrutin, les carottes étaient cuites pour elle. Le coup sur le citron n’en a pas été moins rude.
Vainqueur, Macron s’est bien gardé de se fendre la pêche et s’est engagé à appuyer sur le champignon des réformes lorsque le parlement serait constitué. Mais c’est un chef d‘état mi-figue mi-raisin qui a découvert quelques semaines plus tard les très médiocres résultats des Législatives pour le camp présidentiel. Dès lors, allait-il : ici, devoir couper la poire en deux en termes d’ambitions réformatrices ? là, vendre quelques avantages aux caciques de LR contre un plat de lentilles ?
L’histoire du deuxième mandat allait nous éclairer. En plus chaotique : entre des ministres qui se renvoyaient les patates chaudes, d’autres qui se mêlaient des oignons d’autrui, ou bien encore ceux qui n’en fichaient pas une datte ou se contentaient de discours creux comme des radis, tous ou presque ont laissé Élisabeth Borne tenter, rude mission, d’adoucir les pommes de discorde et, bonne poire, assumer les remontrances élyséennes. Jusqu’à l’estocade du 8 janvier qui a sonné pour la dame d’enfer la fin des haricots.
Disons-le tout net : sous Macron, les choses ont empiré en termes de constat social : pressés comme des citrons, nombre de nos compatriotes, qu’ils soient grands comme des asperges, maigres comme des échalotes, rouges comme des tomates ou blancs comme des endives, sont de plus en plus précaires, de plus en plus mal-logés, de plus en plus amenés à faire en vain le poireau dans les locaux de France Travail (ex-Pôle Emploi). Puissent-ils voir un jour leur situation évoluer favorablement avant qu’ils ne mangent des pissenlits par la racine. Tout le monde devrait pouvoir profiter d’embellies de son existence !
* Cf. étude BVA d’octobre 2021 sur les préoccupations des Français : lien.
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