De l’insurrection violente à la révolution pacifique
Rarement, un mouvement de revendications citoyennes français a connu une telle détermination collective à se faire entendre. Plus étonnant encore, malgré les violences engendrées par la lutte, violence qui ont passé un cap ce samedi, la population française soutient encore massivement le mouvement. Mais pour passer de l’insurrection à la révolution, une seule solution, c’est la Constitution qu’il faut changer. Si la suppression du Sénat a pointé son nez dans les revendications des gilets jaunes, alors chiche au pouvoir ! Remplaçons-le pas une assemblée de citoyens tirés au sort et laissons les prendre collectivement la décision qui s’imposera et celles qui suivront. Seule solution pour que cette insurrection, si elle devait continuer, ne nous fasse pas revivre le cirque électoral de 2017.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH349/tirage_au_sort-32dff.jpg)
Chiche ! Que la France soit le premier pays à instaurer une assemblée de citoyens tirés au sort dans sa constitution et elle verra que de nombreux pays suivront. Les peuples se soulèveront pour le réclamer quand ils verront que dans le pays voisin la chose est possible. Et la chose est possible parce que les citoyens sont capables de discuter et de trouver des solutions ensemble. Ceux qui ne le savent pas apprendront sur le tas. On a suffisamment confiance au peuple que l’on tire au sort pour être jury d’assises. Ils suivront aussi parce que toutes les républiques démocratiques basées sur le suffrage électoral sont au bord de l’agonie et, dans chacun de ses pays, une revendication collective revient : redonner le pouvoir au peuple.
Supprimons le Sénat et remplaçons-le par une assemblée de citoyens tirés au sort. Discutons des modalités : l’âge, la représentation territoriale et sociale, le volontariat ou l’obligation, la durée des mandats, le nombre de citoyens ou encore les interactions avec l’assemblée… Les options sont multiples, il s’agit d’imaginer la démocratie participative de demain. Celle qui soignera peut-être le mal-être, l’intolérance et la division des républiques démocratiques d’aujourd’hui. Discuter, comprendre, choisir en responsabilité, ça s’apprend. Et souvent, quand une situation s’impose, on apprend vite.
A l’idée du tirage au sort, on rétorque le plus souvent l’incompétence citoyenne. Une idée lointaine qui a fait que ce mode de redistribution du pouvoir a raté la marche de la Révolution Française. Nos amis des Lumières l’ont fait en connaissances de cause. Avant l’événement des Républiques basées sur le l’élection, rendues possible grâce aux philosophes de la Révolution, la démocratie était basée sur le tirage au sort, justement pour ne pas exercer de rupture entre gouvernants et gouvernés. L’élection, jugée trop oligarchique, basée sur l’idée du « meilleur » pour gouverner, était du côté de l’aristocratie.
Le grand abbé Sieyes par exemple, si actif en 1789, a prononcé ces mots oubliés lors d’un discours du 7 septembre de la même année : « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »
La violence monte et il y a fort à parier qu’elle ne faiblira pas. Peut-être qu’elle perdra en soutien, mais ce qu’elle perdra en soutien, elle le retrouvera du côté de la radicalité. Pour éviter les morts et il y en a déjà trop, les cartes sont dans les mains du pouvoir. La révolution peut redevenir pacifiste. Je fais le pari qu’établir une assemblée de citoyens dans les enceintes du Sénat pendant un laps de temps déterminé, pour choisir comment remplacer la fin des taxes sur le carburant sans faiblir sur la transition écologique, calmera la situation. Et qui sait, leurs idées seront peut-être plus efficaces et plus justes que celles du gouvernement. Macron peu même s’en sortir par le haut en devenant le premier à le faire : instaurer une démocratie nouvelle, avec une assemblée tirée au sort.
A part cette solution, quel processus pourrait unir l’ensemble de l’échiquier politique ? Quel processus pourrait mettre ultra gauche et gauche, ultra droite et droite autour de la table et les faire discuter dans le respect et la tolérance ? Avec une assemblée tirée au sort, tout devient possible. Alors enfin, viendra l’heure des citoyens ! Parce que pour le moment, nous ressemblons plus à des êtres économiques, qu’à des êtres politiques. Le citoyen est celui qui participe à l’organisation de la cité. Actuellement, à part voter et nous opposer de fait les uns et aux autres, que sommes-nous si ce n’est des êtres de consommation, de simples homo economicus, comme dirait Hannah Arendt.
Pour recréer de la mixité et du lien social, pour permettre aux populations de trouver l’art de la discussion, de décider collectivement et de récupérer le pouvoir, le tirage au sort d’une assemblée de citoyens est une option qui doit questionner et interroger. Il faut être curieux. Tout le monde attend de ce mouvement qu’il change la société, tout le monde veut un nouveau monde, alors pourquoi pas ? Vous n’y croyez pas ? rappelez-vous que « toute vérité franchit trois étapes : D’abord, elle est ridiculisée, ensuite elle subit une forte opposition, puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. » écrivait Schopenhauer.
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