De l’usage des trombinoscopes de l’Assemblée Nationale

Depuis le début des débats à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi HADOPI, nous sommes plusieurs citoyens à prendre sur notre temps personnel et professionnel pour assister aux débats depuis les tribunes publiques de l’hémicycle et prendre des notes sur le déroulement des séances.

Le 17 Avril, suite aux propos de Jean-François Copé sur "la fin du parlement godillot" deux d’entre nous avons décidé de mettre à profit ces notes pour identifier, recenser et informer sur DéputésGodillots.info des députés faisant acte de présence sur les bancs dans le seul but de voter les dispositions exigées par le gouvernement, sans même prendre part au débat ni écouter aucun argument mais plutôt en s’affairant avec leur ordinateur portable, leur téléphone, la presse ou tout simplement un bon livre : il s’agit des députés dits godillots, en mémoire d’Alexis Godillot, inventeur au 19ème siècle de brodequins militaires différenciant le pied gauche du droit, comme le rappelle le député Didier Mathus durant la séance du 6 Mai 2009 au soir :

En un peu plus de trois semaines, le site héberge désormais déjà près de 25 députés godillots et lors de la reprise des débats sur la loi Hadopi pour la seconde lecture suite au rejet du compromis de la Commission Mixte Paritaire le 9 Avril, les députés informés de l’existence du site ont réagi diversement. Un député déjà recensé, Jean-Michel Ferrand nous a ainsi fait l’honneur le 5 Mai au soir de nous adresser spécifiquement l’une de ses invectives tout en agitant la main dans notre direction : "Youhouh ! Députés Godillots !". Le 6 Mai 2009, le député Jean-Louis Gagnaire cite pour sa part le site dans une de ses interventions, nous offrant ainsi un lien depuis le compte-rendu officiel de l’Assemblée, une première à notre connaissance pour un site internet cité en débats :

Afin de poursuivre notre initiative citoyenne d’observation des débats parlementaires, nous nous sommes équipés pour les débats en seconde lecture du trombinoscope officiel de l’Assemblée Nationale disponible gratuitement au téléchargement sur le site de l’Assemblée ou en vente pour 8 euros à la librairie de l’Assemblée. Il était ainsi beaucoup plus aisé d’identifier les nombreux nouveaux députés agissant surtout comme des godillots. Il s’agit d’un document officiel de l’Assemblée Nationale et le Règlement du Bureau autorise le public à s’en munir dans les tribunes.

Cela a visiblement intrigué quelque peu dans les rangs de l’hémicycle et des bruits de couloirs affirment que Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale qui présidait la séance du 29 Avril à la reprise des débats, se serait interrogé sur ce que faisaient ces personnes avec des trombinoscopes dans les tribunes.

La réaction fut rapide : le 5 Mai, le personnel de séance nous installait soudainement en tribune A, sur la gauche de l’hémicycle, et non plus en H ou I, à droite, comme à l’ordinaire. Nous surplombions donc désormais l’opposition et non plus la majorité. Et par définition les godillots sont plus nombreux de l’autre côté. Et si cela restreignait la visibilité des activités godillotes plus lointaines, les lecteurs et texteurs en tout genre restaient bien visibles et pouvaient avec le trombinoscope être identifiés bien plus aisément puisque désormais de face. Ce fut également l’occasion pour nous de repérer certains godillots de l’opposition comme Sylvia Pinel ce dimanche et ainsi réaffirmer notre indépendance politique.

C’est ensuite le Mercredi 6 Mai que les choses se durcirent à nouveau : à notre arrivée aux vestiaires, le personnel de séance nous apprenait qu’une note du Bureau de l’Assemblée leur avait été soumise interdisant le port du trombinoscope dans les tribunes par le public. Tard dans la soirée, l’information ayant circulé parmi les groupes politiques, la députée Martine Billard prononce un rappel au règlement à ce sujet :

Suite à cette intervention, tout rentrait dans l’ordre le lendemain soir et le personnel de séance nous expliqua à l’entrée que le public était à nouveau autorisé à se munir de trombinoscopes.

Il semble en tout cas que cette mise en avant du trombi a rappelé son existence à de nombreux députés ! Cette dernière semaine, on pouvait très fréquemment observer des députés en train de le parcourir.

Ainsi le député Jean-Pierre Brard affirme même en séance s’en être servi pour identifier des députés qu’il ne connaissait pas parmi les godillots. C’est l’occasion pour le réalisateur de zoomer et faire de jolis cadrages sur les godillots environnants, prochainement recensés parmi nos députés godillots !

Photos par Richard Ying, CC by-nc-sa / LePost.fr / 04 et 06 Mai 2009