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De la beauté qui passe

A l'occasion d'une lecture me sont venues (revenues) ces quelques impressions sur la beauté que nous tous cherchons tout au long de notre vie.

 

ans un roman policier récemment lu, j'ai découvert une espèce de définition de la beauté qui m'a interpellé et m'a conduit à m'interroger encore un peu sur ce sujet qui me traverse.

Comme la plupart des gens, j'ai eu l'occasion, le devoir pour ainsi dire, d'y penser en terminale durant mes cours de philo. Un prof que j'aimais pour sa passion et sa distraction nous a entretenus de l'esthétique, l'incarnation savante, scolaire, formatée de la beauté. De Hegel et d'autres philosophes percutants, profonds et attelés à ne rien oublier pour mettre le sujet bien en cage et bien en lumière, il ne m'est resté que des impressions. L'impression d'un sujet particulièrement ardu, voué à controverses et exposés abscons.

Je préfère me souvenir d'un adolescent, un parmi tant d'autres dans ces classes dont les contingents sont voués à la casse, au travail fatiguant, payé par une aumône, qui me glissa, un soir où en tant que surveillant d'internat je surveillais vaguement la cour d'un LEP : « il est beau ce couchant ». Il me parlait, lui qui parlait peu et jamais de ces choses. Je crois que je lui répondis « c'est vrai », et la conversation s'arrêta là.

Je ne sais pas grand-chose de la beauté, sauf que j'y pense constamment, finalement. Car, c'est bien ce sentiment qu'à éveillé, réveillé peut-être en moi ce passage du roman policier dont je parlais plus haut. Ce sentiment qui me tient, me tire, quand j'aborde la page blanche.

C'est Baudelaire, je crois, qui a dit que la poésie naît dès qu'il y a effort sur le style. Je peux reprendre ce mot pour moi. La beauté, pour moi écrivain, c'est cet effort particulier que consciemment, et bien trop consciemment parfois, je produis. Pour faire quoi ?...Pour livrer une langue qui parle comme je respire. Une langue qui dit l'inconnu, le caché et révèle d'une autre façon des choses qui sont devant nos yeux, mais disparaissent de par leur évidence aveuglante.

C'est cette tension qui me fait palper, trier, choisir et jeter les mots, les phrases. Elle se repaît du magnifique et de l'horrible, la beauté. Mais c'est toujours vers elle que je veux partir et emmener mon lecteur.

Quand elle s'est posée, comment la décrire ?...Une intuition. La ménagère connaît peut-être cela, qui voit sa maison en ordre, mieux, en harmonie. Ou en désordre, singulière dans son désordre des choses où passe quelque chose de celle qui l'habite. Oui, m'encourager à habiter mes propres mots, voilà le but de la beauté qui me pousse. Elle connaît la géométrie où elle se déploie, elle sait où est sa place.

Elle a tous les mots, toutes les images et tous les sons du monde, mais elle n'a pas de nom. Que laisse-t-elle en nous au fil du temps ? Quelque chose comme une trace informe mais profonde. Elle ne relève pas de l'excitation, du désir, elle n'est pas bruyante ou débridée. Elle ressemble à la lumière d'une luciole aperçue dans un champ, quand la nuit est douce et qu'on s'attarde à prendre cette douceur pour supporter les moments plus sombres.

Apaisement, harmonie. Harmonie apaisée, elle répond à cette quête de sens, de conformité entre nous et le monde que nous cherchons tout au long de nos vies.

Elle a mille visages et parfois le même pour beaucoup. Elle m'a donné quelques moments suspendus devant une page, un tableau ou un être. Chacun peut l'aider à naître, ou la reconnaître quand il a la chance de la croiser.


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6 réactions à cet article    


  • Yaltanne 18 juin 2012 10:48

    bonjour :)

    Et… Quelle est cette espèce de définition de la beauté que vous avez lue dans le roman dont il est question en intro ?


    • ALasverne ALasverne 18 juin 2012 12:06

      Noon Moon - Percy Kemp


    • easy easy 18 juin 2012 11:19

      Je la crois complètement culturelle la beauté, y compris d’une rose ou de la Lune.

      Et ça part de quelque chose qui ne semble pas culturel au sens initiatique mais qui l’est tout de même, l’amour.
      Ce qu’on aime, on lui colle le qualificatif de ’beau’ lorsque ce qualificatif existe et qu’il est pratiqué dans sa langue, dans la communication courante.

      La beauté d’un requin ou d’un dauphin dépend donc de l’amour ou attirance qu’on ressent ou pas pour lui.

      C’est donc davantage de l’étendue du champ de l’amour dont il faut parler car c’est de lui que dépendent tous nos qualificatifs. Qualificatifs divers et variés, qui évoluent selon notre âge et le contexte et qui contiennent toujours quelque indication sur ce qu’on aime ou qu’on déteste.

      C’est cette étendue qui est mystérieuse car si elle comporte un centre de gravité relativement commun à tous dans une culture donnée, elle comporte aussi des écarts d’individualisation ou personnalisation.


      Rien de nous individualise plus que le champ de nos attirances, que le contre-champ de nos répulsions.


      Nous comprenons tous ça.
      Et quand une personne dit à une autre son amour pour un lieu commun, tel un coucher de soleil (car dans leur culture supposée commune, sa beauté est convenue), cela signifie qu’elle cherche à établir un contact amical, voire plus si...

      Déclarer à quelqu’un qu’on trouve belle la tour Eiffel signifie de manière détournée qu’on a des dispositions à l’amour, qu’on estime ou espère que l’autre aussi et qu’on estime ou espère que l’autre partage bien le même centre de gravité culturel.
      Ca n’engage à quasiment rien de déclarer qu’on aime un centre de gravité culturel quand on est situé dans cette culture.

      Ca commence à être bien plus vertigineux, audacieux voire provocateur de dire à un quidam qu’on trouve belles les colonnes de Buren et ça l’est bien davantage encore de dire qu’on trouve belles les fissures d’un mur.




      • Gabriel Gabriel 18 juin 2012 11:37

        La beauté comme la laideur, comme le chaud et le froid, sont d’ordre identique, subjectif. La laideur est fonction de celui qui joue sur le curseur de la beauté. On défini de beauté ce qui plaît et de laideur ce qui déplaît, mais entre eux, comme entre le chaud et le froid, il existe un degré d’indifférence, tout conventionnel, le zéro. Mais là, à l’encontre du zéro thermométrique, le zéro callimétrique ne peut être fixé, même par une convention. Il varie d’individu à individu, entraînant avec lui toute la série des degrés. L’un trouve beau ce que l’autre trouve laid, comme le climat de Toulouse peut paraître chaud à un esquimau et froid à un africain. 


        • Suldhrun Suldhrun 18 juin 2012 13:50

          Le bonjour ALasverne

          Le style , de votre texte , je lay reconnu .

          La beauté , un aspect énergétique de la nature universelle , qui nous console de l aberrance en arguments discourtois du quotidien .

          Que vive la beauté !


          • ALasverne ALasverne 18 juin 2012 21:54

            Je ne souhaite pas faire une thèse, tous vous l’avez compris. Et j’en serais bien incapable, de toute façon.
            Tout ce que je peux ajouter à vos questions et vos délicats ressentis, c’est que la beauté à un rapport avec l’imperfection de notre condition et notre lien difficile à l’autre. Ainsi, elle est forcément singulière sans s’interdire d’accéder à l’universel. Comme l’homme, solitaire et solidaire.

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