De la capacité des banques généralistes à conseiller les investisseurs
Les investisseurs que je rencontre au quotidien en RV, sur mon blog ou dans les forums spécialisés, s’interrogent sur l’intérêt d’avoir affaire à un conseiller indépendant plutôt qu’à leur interlocuteur habituel de la banque pour la gestion ou l’amélioration de leur patrimoine.
Leur enseigne est rassurante, mais ce n’est plus suffisant.
Quelques pistes pour comprendre.
Des distributeurs généralistes
Aujourd’hui, le rôle du banquier n’a plus la valeur d’avant. Quelles sont leurs préoccupations majeures quotidiennes ?
Ils commencent par relever les compteurs, à savoir, prendre connaissance des alertes des comptes dans le rouge. Il y a le planning des réunions, des formations, des RTT, des récupérations de jours de congés. Puis, il y a les promos en cours, les actions menées pour attirer telle ou telle clientèle, mettre en avant un produit grand public plutôt qu’un autre. Il y a les nouveaux produits pour lesquels il faut apprendre l’argumentaire commercial.
Si au siècle dernier (le XXe), une banque se contentait de proposer des services financiers, aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
L’assurance des biens et des personnes, la télésurveillance, le voyage... bien des produits qui nous éloignent du métier.
La promo de la semaine
Dernier gadget en vogue, la décoration de la carte bancaire.
A se demander ce qu’ils vont inventer pour gagner de l’argent, voilà les banques qui proposent un vrai grand, nouveau, indispensable service :
Ma carte bancaire me ressemble, j’ai besoin d’une déco personnalisée ! ... Et ils sont là pour nous aider, c’est ce que dit la pub.
Si on peut lire : pour 1 euro de plus, il faut comprendre que c’est par mois. Donc cela majore le prix de la carte, selon les options, de 50 % !
Et comme les d’jeuns sont bons à plumer, pour eux, pour avoir le droit d’exhiber le logo d’un label de musique important, ce sera 2 €/mois...
Que fait le conseiller à ce moment. Son chef de service lui a demandé de mettre en avant cette révolution du monde de la finance et le propose à tout le monde.
Une personnalisation de l’offre
Il y a quelques semaines, c’était la promo sur une carte "gold". Au guichet, une dame d’environ 80 ans, à demi impotente, se voyait proposer ce produit. A la question : mais que voulez-vous que j’en fasse ?, le guichetier répond : "vous pourrez retirer l’argent que vous souhaitez à l’étranger, à New York ou Pékin !"
Si cet homme avait fait attention à sa cliente, il aurait compris qu’elle n’avait pas mis les pieds à la préfecture depuis des années...
Un suivi à long terme
Un dossier de financement en vue de l’acquisition d’une résidence principale dure parfois deux années, le temps de trouver le bien.
Un placement du type Assurance Vie dure au minimum huit années.
Un investissement locatif défiscalisant dure entre douze et quinze ans.
Quelle est la durée moyenne de la présence d’un conseiller dans une agence bancaire ?
Un jeune sorti des écoles va passer six mois dans une agence. S’il est bon, il va vouloir changer, évoluer. Quand il aura atteint un début d’expérience, il sera muté dans un autre service, il prendra des responsabilités et répondra aux disponibilités de postes, quelle que soit leur situation géographique.
S’il est vraiment bon, il montera dans les étages pour aider aux décisions.
S’il est très bon, tout le long de son parcours, il pourra offrir ses services ou sera approché par la concurrence.
Certains directeurs d’agence ayant cinq personnes sous leurs ordres et les responsabilités qui vont avec, après dix années d’expérience, n’atteignent pas les 3000 €... brut/mois ! Ils peuvent être tentés de répondre à des offres alléchantes.
Combien de fois, en tant que particulier ou entreprise, vous avez entendu ce discours : "bonjour, je suis M. XYZ, votre nouveau conseiller. J’aimerais vous rencontrer pour faire plus ample connaissance".
Traduction : mon prédécesseur est (encore) parti... je sors des écoles où on m’a appris le marketing de service que je m’empresse de mettre en pratique. La dernière réunion nous a incité à vendre du PEA, LDD, carte gold, assurance, télésurveillance (rayer la mention inutile) et je compte bien me faire remarquer par mon directeur.
Une proximité
Quand avez-vous eu votre conseiller au téléphone ?
Plate-forme téléphonique, vérification de votre numéro de compte, de votre interlocuteur... désolé, il est en formation, rappelez, je laisse un message...
Essayez d’ouvrir un compte dans une banque de guichets en prenant un RV par téléphone afin d’éviter de perdre du temps. Vous aurez peut-être droit à ce scénario.
Je vous passe l’attente et le discours sirupeux prônant tous les bienfaits, l’attention, l’écoute, le service personnalisé de cet établissement... Enfin ça décroche :
• C’est pour prendre un RV.
• Votre n° de compte.
• Je n’en ai pas, c’est pour en ouvrir un.
• Qui demandez-vous ?
• Je ne sais pas, je viens pour ouvrir un compte.
• Si vous ne me dites pas qui vous voulez avoir, comment voulez-vous que je vous le passe.
• Madame, je ne connais personne dans cette agence.
• Il me faut un nom.
• Le directeur, alors, passez-moi le directeur.
• Il n’est pas là.
• Passez-moi son adjoint, une personne qui veuille bien me recevoir.
• Non, ce n’est pas possible, je ne peux pas vous passer n’importe qui si vous ne savez pas...
Ce n’est pas de la fiction, c’est la triste réalité de nombreux établissements, essayez, vous penserez à moi...
Les prises de décisions
Les agences bancaires ont de moins en moins de délégation. Cela veut dire que même le directeur a une limite pour décider d’un prêt ou d’une action avec un client. S’ils peuvent vous accorder jusqu’à 10 000 euros, c’est déjà une chance pour vous. Au-delà, il faudra monter, monter, monter dans les services selon la taille de votre dossier. De toute façon, vous ne pourrez pas le défendre.
Votre interlocuteur, réduit à la fonction de tuyau, vous assurera qu’il mettra une petite note favorable. Qui dirait le contraire ?
Les services financiers et fiscaux "haut de gamme"
Vous pensez bien qu’après ce pamphlet, je ne peux pas imaginer pouvoir leur confier un projet d’investissement avec un montage financier pointu, me permettant d’améliorer mon patrimoine, économiser de l’impôt et garantir ma succession en cas de pépin.
Bien entendu, le "conseiller" vous dira qu’il peut le faire, qu’il va vous faire rencontrer le spécialiste "maison", un de ceux qui est monté dans les étages avant de monter en région ou en capitale ou à la concurrence.
Prendra-t-il le temps de venir chez vous, faire un audit patrimonial en présence de votre conjoint ?
Reviendra-t-il avec une stratégie globale, financière, fiscale et patrimoniale sur le long terme, avec une validation des étapes dans le temps ?
Vous permettra-t-il de comprendre l’ensemble des lois financières et fiscales qui vous correspondent ?
Sera-t-il indépendant des solutions proposées ?
S’engagera-t-il personnellement sur ses propos ou sera-t-il couvert par sa banque, donc inattaquable ?
Vous aidera-t-il à remplir les documents fiscaux pour être à jour de toute déclaration ?
Ce sont bien là les questions que doivent se poser tout investisseur.
La banque a bien changé, comme beaucoup de commerces et de prestataires de services.
Ils sont devenus des distributeurs, des diffuseurs.
Il ne faut pas se tromper, c’est le métier qui veut ça, pas les hommes qui l’exercent. Nombreux sont parmi eux qui voudraient faire un vrai métier de conseil, de suivi, de personnalisation, de responsabilité, d’engagement... Vous savez, ce métier que font les conseillers indépendants.
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