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De la casse sociale en prévision chez Engie

La stratégie du président du conseil d’administration d’Engie est clairement orientée par le cours de Bourse et la rémunération des actionnaires. Une orientation purement financière qui pourrait aller jusqu’à une vente à la découpe du grand énergéticien français ?

Plusieurs articles de presse font état depuis un mois de la volonté du conseil d’administration d’Engie et de son président, Jean-Pierre Clamadieu, de vendre les activités gazières du groupe afin de doper le cours de l’action en Bourse et de permettre ainsi à l’Etat de vendre sa participation au meilleur prix. Un projet qui ne fera pas l’économie de l’éviction de la directrice générale, Isabelle Kocher, laquelle n’a pas caché son opposition à tout démantèlement du groupe.

 

Un plan de démantèlement d’Engie ?

Lorsqu’il a été nommé président du conseil d’administration en mai 2018, Jean-Pierre Clamadieu a reçu pour mission d’augmenter la valeur d’Engie en bourse. L’Etat, qui détient encore près de 24 % du capital, souhaite se désengager, comme l’y autorise la loi Pacte, et valoriser au mieux sa participation. Un besoin de cash rendu d’autant plus urgent pour les caisses publiques que la privatisation d’Aéroports de Paris pourrait être prochainement abandonnée.

En vendant les infrastructures gazières héritées de Gaz de France (GRDF et ses dix millions de clients dans la distribution, GRT Gaz et sa filiale Elengy dans les réseaux de transport de gaz, Storengy dans les activités de stockage), Engie récolterait des milliards et ferait monter rapidement son cours de Bourse. Tel serait le scénario concocté par une partie du conseil d’administration, avec l’aval de l’Etat et sous l’œil très intéressé des marchés financiers et des banques d’affaires qui s’activent déjà en coulisses. Il est vrai que toutes ces activités, qui assurent aujourd’hui de manière récurrente – grâce à des tarifs régulés – 40 % des bénéfices d’Engie, ont de quoi aiguiser les appétits. Qu’importe, apparemment, pour les promoteurs de ce plan, si le groupe était amputé, par la même occasion, de l’essentiel de ses profits.

Selon BFM Business, au sein du conseil d’administration, certains ont déjà pris position, en particulier deux proches du président, Jean-Pierre Clamadieu. C’est le cas de l’ancien patron d’Airbus, Fabrice Brégier, qui défend « une stratégie alternative de rationalisation et de scission du groupe », et du président de Safran, Ross McInnes, particulièrement critique sur la stratégie de la directrice générale.

 

Au service des actionnaires

La stratégie de Jean-Pierre Clamadieu semble clairement orientée par le cours de l’action en Bourse et la rémunération des actionnaires. L’homme est un habitué des conseils d’administration des grandes entreprises, ces instances de contrôle qui représentent les actionnaires. Tour à tour administrateur de la SNCF (2008-2013), de Faurecia (2007-2018) et de Solvay, dont il était également le président du comité exécutif de 2012 à 2019, il siège aujourd’hui au conseil d’Axa et d’Airbus, tout en présidant bien sûr celui d’Engie… Et aussi, accessoirement, dans son temps libre, celui de l’Opéra national de Paris.

Homme de réseaux, Jean-Pierre Clamadieu est également très présent dans les clubs patronaux. Il est notamment président du groupe de travail « Energie et climat » de l’Afep (le lobby des grandes entreprises), membre de l’ERT (la table-ronde des industriels européens) et du Siècle (le fameux club d’influence regroupant des dirigeants politiques, économiques, culturels et médiatiques français). Il est également administrateur du conseil international des associations de la chimie (ICCA) et membre du comité exécutif du World business council for sustainable development (WBCSD). Auparavant, il a aussi présidé le Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC), le Conseil des chefs d’entreprise France-Brésil du Medef International, ainsi que la commission Développement durable du Medef. Il est aussi membre du très discret cercle des Canetons du Chatelet, dénoncé par certains comme un club très influent sur le pouvoir en place, dans lequel serait organisé et pensé la libéralisation et la dérégulation de l’économie.

Cet ingénieur des Mines de 61 ans, ancien conseiller technique de Martine Aubry au ministère du Travail, « sert aussi de lien entre le business et les politiques » écrit le mensuel Challenges dans un portrait qui lui est consacré. « Fin stratège et politique, Jean-Pierre Clamadieu a toujours su cultiver ses réseaux et son influence ». On le dit aussi « décidé » et « sans affect », d’une « extrême détermination », « sans états d’âme ». « Auprès de Martine Aubry, chargé des affaires industrielles, il s’est aguerri en négociant les plans de restructuration dans la métallurgie et l’automobile », raconte le magazine économique. Entre 2003 et 2008, il a supprimé un millier d’emplois chez Rhodia, réduisant l’activité de l’entreprise aux métiers les plus rentables. Les investisseurs ont apprécié, les salariés beaucoup moins. Un syndicaliste souligne son côté très « marche ou crève ».

 

Manœuvres en coulisses ?

Jean-Pierre Clamadieu est-il mandaté pour céder à marche forcée les activités les plus rémunératrices du groupe ? En coulisses, les financiers sont déjà aux aguets, voire s’agitent autour d’Engie. On remarquera par exemple que David Azéma, un proche de Jean-Pierre Clamadieu et lui aussi membre des Canetons du Chatelet, est désormais chargé d’implanter en France la banque d’affaires américaines Perella Weinberg, spécialisée dans les fusions-acquisitions. Objectif affiché : participer aux opérations annoncées sur les entreprises à capitaux publics, en particulier EDF et Engie, deux sociétés que David Azéma connaît bien puisque il a lui-même dirigé l’Agence des participations de l’Etat entre 2012 et 2014. « On va essayer d’y être car ce sont de grandes transactions qui vont animer le marché français  », a expliqué le néo-banquier à l’AFP, lui qui souligne avoir « purgé » la période de trois ans durant laquelle il ne pouvait intervenir sur de telles entreprises à capitaux publics.

Tout comme Jean-Pierre Clamadieu ou Guillaume Pepy, ex-président de la SNCF – qui pourrait bien, selon certaines rumeurs, prendre la place d’Isabelle Kocher au conseil d’administration de Suez, si celle-ci venait à se libérer –, ou encore Muriel Pénicaud, l’actuelle ministre du Travail, David Azéma fait partie de ce petit club très fermé des « Canetons du Châtelet » comme se sont eux-mêmes baptisés les anciens du cabinet de Martine Aubry lorsque celle-ci était ministre du Travail entre 1991 et 1993. Un petit groupe d’amis devenus très influents qui ne se sont jamais perdus de vue et n’hésitent jamais à s’entraider. Finance, copinage et dividendes, voilà la trilogie guidant les pas de ces anciens hauts fonctionnaires qui se disaient de gauche.


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2 réactions à cet article    


  • machin 10 janvier 2020 15:23

    Bof...

    En fait, personne n’est au courant chez Engie...


    • av88 av88 10 janvier 2020 19:51

      Pas de surprise pour ceux qui connaissent le mode de fonctionnement de l’Union Européenne.

      Les services publiques à la Française doivent être démantelés, privatisés, au nom de la sacrée sainte « mise en concurrence »

      Article 106 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne dit traité de Lisbonne

      (ex-article 86 TCE)

      1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus.

      2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

      3. La Commission veille à l’application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres.

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