De la censure au parler gnangnan
Tout à fait par hasard, j'ai entendu ce matin s'exprimer, de façon séparée et involontairement sur le même sujet, Antoine de Caunes et Bigard. J'apprécie davantage le premier que le second (du moins dans la version ancienne de « Nulle part ailleurs » plutôt que dans celle du « Grand journal » actuel.
L’un et l’autre déploraient conjointement les effets de la pudibonderie actuelle (le terme est inexact mais je n’en ai pas d’autre) qui finit par confiner au ridicule.
Le premier (et il a parfaitement raison) notait que bien des plaisanteries de l'époque de « Nulle part ailleurs » (époque Gildas) ne seraient plus admises dans le « Grand journal » de Canal+ où il officie, en se pliant lui même à ces diktats (je le suis volontiers sur ce point car cette émission que j'ai regardée autrefois avec une certaine régularité, m'afflige de plus en plus par sa recherche du jeunisme et son culte cupide de l’audimat ) ; Bigard donne comme indice de la pudibonderie actuelle le fait que l'heure de diffusion possible de son « Lâcher de salopes » est de plus en plus tardive et que ce sketch est interdit aux auditeurs au-dessous d'un certain âge. Je ne pense pas là que ce soit là un des sommets du comique, mais le constat est néanmoins inquiétant.
Je suis d'autant plus sensible à ces diverses censures qu'un de mes amis québécois, comme on l'a constaté hier, a été censuré par le Nouvel Obs pour un propos prétendument raciste, alors qu'il ne l’était en aucune façon ! Cela m'a conduit d'ailleurs à reprendre son commentaire dans mon blog du lendemain, au risque de me faire virer une fois plus par cet hébergeur dont je comprends par ailleurs qu’il redoute des procès, tous plus infondés les uns que les autres.
Notre société évolue-t-elle, mais de façon infiniment plus stupide, comme celle de la monarchie absolue où le sommet de l’art littéraire était de pouvoir dire ce qu’on voulait sans être mis à la Bastille ?
Je n'entamerai pas ici la défense du noble mot « nègre » car je l'ai déjà fait et il se trouve illustré par nos plus grands auteurs comme Voltaire ou Montesquieu, même s'il déplaît à la LICRA ou quelque association de la même farine (blanche ?) pour des raisons qui m'échappent d'ailleurs et que je n'ai jamais vu exprimée clairement, sans doute par incapacité de le faire. Si nos beaux esprits si sensibles, le plus souvent à tort, sur le terrain du racisme veulent aller jusqu'au bout de leurs opinions et envisager enfin des solutions plus radicales (j'ai failli les qualifier de « finales » !), je vais les aider.
Je leur suggère d'exercer leur censure, non sur les occurrences et les textes mais sur le vocabulaire français lui-même. Il suffit d'exclure de tous les ouvrages lexicographiques français les mots qui leur paraissent exhaler le moindre parfum de racisme ou même simplement de condescendance sociale. Le processus est d’ailleurs déjà engagé d'ailleurs sans être hélas officialisé, puisque les balayeurs sont déjà des « techniciens de surface », les facteurs des « préposés » et les aveugles des « non voyants » ! Seuls les cons n’ont pas de dénomination plus décente dans ce « parler gnangnan » !
Rien de plus simple que de faire disparaître des dictionnaires le mot « nègre » qu'on juge insultant voire raciste, ce qui n’est pas son cas dans d'autres langues comme l'anglo-américain des Afro-Américains des États-Unis ou les parlers créoles français où les mots comme « nèg » ou « kaf » sont dépourvus de toute connotation péjorative et même amicaux.
Pour ne pas allonger démesurément ce blog dont le propos et la finalité paraissent tout à fait clairs, je signale toutefois que se posera un problème lexical et sémantique dans la mesure où bon nombre de « mélanodermes » ne sont pas des « nègres », ce qui écarte le synonyme « noir », comme par exemple les Tamouls ou les Kanaks, sans chercher plus loin. Je pense qu'il faudrait donc ajouter à nos multiples commissions officielles de terminologie (il y en a autant que de ministères donc une bonne vingtaine) une commission, transversale et paritaire, qu'on pourrait nommer « Commission nationale de l’épuration linguistique ou lexicale », ce qui a l'avantage de donner dans les deux cas le même sigle CNEL, ce qui vous montre à quel point je coopère à une action si nécessaire, si urgente et si salutaire !
Je pense d'ailleurs qu'il faudrait, préalable indispensable à la mise en place de cette commission, créer une autre commission, en amont, dont la composition serait plus délicate encore car il faudrait qu’y soient représentés tous les groupes ou toutes les catégories sociales et professionnelles qui peuvent être concernées par cette question capitale. On peut par exemple supposer que les vidangeurs souhaiteraient se voir débarrassés d’une telle dénomination, inévitablement évocatrice de fâcheuse pestilences, mais on ne saurait, en revanche, substituer un autre terme à ce si fâcheux « vidangeur » sans avoir recueilli le sentiment et l’avis de cette honorable corporation.
Comme aimait à le dire le général De Gaulle, sur des sujets plus graves mais pas forcément plus importants : « Vaste programme ! ».
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