De la France et des Français
J’aime la France, et j’aime le peuple français. Ca ne veut pas dire que je n’aime pas les autres, j’aime aussi les autres, les Anglais, les Américains, les Chinois, les Russes… mais ça veut dire que j’aime la France et j’aime le peuple français. Je nous aime, nous, le peuple français.
Tout d’abord, je tiens à faire immédiatement le point sur le fait que je ne fais aucune différence entre les Français en fonction de l’endroit de la planète d’où ils sont originaires, leur couleur de peau, leur religion, etc etc. Un Français, administrativement parlant, c’est quelqu’un qui a la nationalité française. Pour moi, ça va plus loin, un Français, pour moi, c’est quelqu’un qui vit en France. Point. D’ailleurs, il y a bien des gens qui ont la nationalité administrative, mais pas celle du coeur. D’autres ont la nationalité du coeur, et pas encore (ou n’auront jamais, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à eux) la nationalité administrative. Je m’en fiche royalement de ces questions administratives, qui souvent ne font que rendre la vie impossible à des gens qui ne méritent pas qu’on les traite avec un tel manque d’humanité. Et je laisse volontairement de côté ici le débat de savoir s’il faut ou non retirer la double nationalité aux grands criminels. Ce n’est pas mon propos.
Ceci étant affirmé, j’aime les Français parce que c’est un peuple composé de gens sincères et authentiques. Des gens un peu compliqués, c’est vrai, un peu bruts de décoffrage aussi, parfois.
Un peuple composé de gens qu’il faut parfois prendre avec des pincettes, certes, qui a toujours été un peu révolutionnaire “sur les bords” (on sait où ça mène : la plupart du temps nulle part, ça ne change rien sur le très long terme) qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, et ça c’est bien, un peuple qui dit ce qu’il pense, c’est génial, mais jusqu’à en devenir parfois un peu brutal dans ses propos, là est le problème car ça rend le dialogue difficile, mais qui a le sens (pas toujours mais la plupart du temps) de la solidarité, de la fraternité (de moins en moins ? si l’on en juge par la montée de l’intolérance tous azimuts, c’est triste…), de l’égalité (jusqu’à en faire une vraie névrose par moments, voulant l’égalité à tout prix, même au prix de nier que les gens sont tous différents et ont le droit de l’être) un peuple qui fait parfois preuve d’une pointe de manque de discernement qui pousse certains à rejeter en bloc des propositions qui pourraient pourtant être discutées, remaniées, changées dans certains de leurs aspects. Les choses ne sont jamais entièrement noires ou entièrement blanches, et ce manque de souplesse, ce “tout ou rien”, ce manque de volonté de trouver le compromis, est l’une de nos plus grandes faiblesses.
Un peuple parfois trop radical à mon goût, donc, avec qui la discussion peut, en conséquence, s’avèrer très pénible, mais en tout cas un peuple vrai, profondément sincère, et authentique. Un peuple composé de gens plus sensibles au fond d’eux mêmes qu’il n’y paraît à première vue, de gens qui ont du mal parfois à gérer leurs émotions et les laissent prendre le dessus, les laissent les submerger.
Si les Français sont un peuple brut (j’ai pas dit “brute”, attention…) alors c’est du diamant brut. Il faudrait juste le tailler un peu, ce diamant, le polir, en arrondir les angles.
J’aime la France peut-être même encore plus depuis que j’ai quitté notre beau pays. C’est peut-être ce qui me fait tant aimer cette chanson de Michel Polnareff : “Lettre à France”, bien que je trouve cette chanson triste. En général, je n’aime pas les chansons tristes, d’abord parce que ça me fiche le cafard et surtout parce que je crois fermement que la musique qu’on écoute influence tellement notre humeur qu’elle influence notre vie entière et, en vertu de cette loi de cause à effet à laquelle je crois fermement, qui fait que chaque action entraîne des conséquences sur la suite des événements, influence la société tout entière. Mais comme j’adore Polnareff, je lui pardonne même ses chansons tristes.
Depuis que je vois la France de l’extérieur, que je l’observe en silence, l’air de rien, je lui pardonne, à elle aussi, bien plus facilement ses défauts. Je les appelle même volontiers des “faiblesses bien humaines” plus que des défauts. Certains penseront que c’est parce que je ne les supporte plus au quotidien, ces défauts. Il y a peut-être de ça, mais il me semble que c’est surtout parce que le fait de prendre de la distance est terriblement bénéfique. Ca permet de voir et apprécier l’ensemble du tableau, dans sa globalité, et non plus de se focaliser sur des petits détails, souvent insignifiants quand on y pense. Grâce à la prise de distance, je me suis pleinement rendue compte que les Français sont des gens humains. Profondément humains. Ils n’ont pas peur de se montrer tels qu’ils sont, avec toutes leurs qualités et tous leur défauts. Ils n’ont pas peur de se dévoiler. Ils ne sont pas en permanence en train d’essayer de plaire. Je le savais, avant, mais je ne l’analysais pas, je ne l’appréciais pas de la même façon.
Les Français sont des gens qui se battent, en permanence, pour leur dignité, pour leur liberté. Et c’est ce qui fait la force et la beauté intérieure de ce pays. C’est une des choses qui touche le plus. La France est peut-être un pays qui a tendance à patiner un peu économiquement, pensent certains (et il y a du vrai la dedans, “pense je”, les réformes étant toujours difficiles à mettre en place, même quand elles sont justifiées, car il y en a qui le sont, et il faut toujours y aller avec tellement de prudence quand on veut réformer…), mais où l’on trouve un véritable bouillonnement d’idées, un débat quasi permanent sur la société et ses problèmes, c’est un pays où l’on trouve encore des gens qui ont l’envie chevillée au corps de changer le monde et le rendre plus beau, même si parfois cela tombe naivement dans l’utopie irréaliste et irréalisable…
Cependant, la France est un pays où la contradiction veut qu’il soit en mouvement, en bouillonnement, permanent, tandis que le changement concret est si difficile à mettre en place. Du coup, tous ces débats d’idées ne dépassent jamais, en tout cas difficilement, le stade des débats d’idées. Sortir des mots, de l’attitude consistant à refaire le monde avec un groupe d’amis autour d’un pot dans un café puis rentrer tranquillement chez soi sans avoir trouvé ni même proposé de solution concrète, sans avoir fait avancer d’un pas le schmilililili… blick… c’est ce qu’il faut à ce pays pour véritablement entrer dans l’action et le voir envisager le bout du tunnel (où l’on voit très bien la lumière, à l’autre bout, mais sans pour autant jamais parvenir à l’atteindre). Entrer dans l’action, changer rééellement, et pas juste parler de changement, semble faire paniquer tout le monde.
Je contrebalancerai juste ces propos, qui semblent reprocher aux Français de ne jamais s’engager, ce qui est totalement faux, en rappelant le nombre impressionnant d’associations qu’il y a également en France, toutes cherchant avec sincérité et un maximum d’énergie, mais parfois avec de maigres ressources, à faire avancer une cause. Malheureusement, les associations perdent parfois leurs subventions ou ne parviennent pas à collecter suffisamment de fonds, alors qu’elles font un véritable travail de terrain bénéfique, voire salutaire, pour un groupe de personnes, et par extention pour l’ensemble de la société.
Les Français seraient-ils un peu trop routiniers ?
Au niveau de leur caractère individuel, les Français peuvent être brusques dans leurs discussions, vous balancer des trucs à la figure (au moins les choses sont dites, me direz-vous)… mais par contre collectivement, ouh la… il ne faut surtout pas les brusquer dans leur vie quotidienne. Lorsque c’est le cas, le pays s’arrête. Full stop.
La contradiction est, me semble-t-il, une des caractéristiques majeures de la France et de ses habitants. Je crois n’avoir jamais rencontré autant de gens empêtrés dans leurs contradictions, prisonniers de leurs contradictions.
Ou alors on prend le parti d’accepter que la France est seulement un pays de débat d’idées, et non un pays d’action. Pourquoi pas, après tout, c’est une approche intéressante, dans la mesure où les idées, si elles sont bonnes, finissent toujours par faire leur petit bout de chemin et “faire des petits”, comme les économies que l’on place sur son Livret A, en tout cas peuvent contribuer à poser la première pierre à un projet, et la France a d’ailleurs eu et continue d’avoir de si bonnes idées qu’elles nous sont parfois empruntées ailleurs dans le monde. Cependant, dans le monde dans lequel nous vivons désormais, et qu’il est d’autant plus difficile de changer à notre image, et seulement à notre image, que nous ne vivons pas en vase clos (heureusement !) mais en permanente interaction avec les autres pays du monde, il est tout aussi important de prendre le taureau par les cornes sans mettre la charrue avant les boeufs, et agir. Concrètement. Foncer. Quitte à revenir en arrière si l’on se rend compte, avec l’expérience acquise, que l’on s’est planté. Mais gare aux dégâts éventuels, évidemment, si l’on se plante…
Cependant, il ne faut pas laisser la peur de l’échec l’emporter sur la volonté d’essayer, de se lancer. Si on se plante, eh bien on se plante, et puis c’est tout. Pas de quoi en faire un drame. On fait une nouvelle tentative dans la même direction, ou alors on bifurque un peu et on change de chemin pour arriver à son but.
J’aimerais voir les Français plus sûrs d’eux, j’aimerais les voir s’aimer un peu plus, les voir un peu plus conscients de leurs immenses qualités, sans pour autant tomber dans l’arrogance, bien sûr. Les Français ont cette fâcheuse habitude de se dénigrer du matin au soir, de s’autoflageller en permanence. C’est une très bonne chose d’avoir un regard critique sur soi-même, de ne pas se considérer avec complaisance, c’est exactement ce que je fais dans cet article, mais cette façon qu’ont certains Français de croire que la France est un pays peuplé uniquement de c..s et c….s, est complètement absurde. Chaque peuple a des défauts et ses qualités. Les Français ne sont pas plus c..s que les autres ! Ils sont bourrés de qualités et de bonne volonté. Ils sont compétents dans leurs boulots, (par contre, ils ont beau clamer à tout bout de champs qu’il n’y a pas de sot métier, ils refusent volontiers de faire, même temporairement, des boulots qui ne correspondent pas à leurs bac + 30, alors que toute expérience est enrichissante) certes ils ont des compétences qui parfois sont très orientées vers l’intellectuel et moins sur le côté pratique (il n’y a qu’à voir certaines études qui ne préparent pas du tout au monde du travail), certes ils ont encore un peu tendance à mépriser le travail manuel et l’apprentissage (mais cette mentalité évolue peu à peu) certes ils manquent parfois de pragmatisme, mais ils ont vraiment, vraiment, quelque chose de positif à proposer. Ainsi, je crois qu’il y a un vrai souci de maintenir une certaine éthique, une certaine morale, en France. Il me semble, et j’espère ne pas me tromper, que la majorité des Français n’est pas en train de chercher à tout bout de champs le profit financier, frôlerait-il l’indécence, par exemple.
A l’époque de François Mitterrand, on se prenait pour le phare du monde. Pas moins. Je précise, bien que ce ne soit pas le propos de cet article, que j’ai adoré cette période et les projets culturels, grands et moins grands, qui l’ont accompagnée. Grande bibliothèque, nouvel opéra, agrandissement du Louvre, La Villette et sa Cité des Sciences (projet de Giscard en fait, mais ”réalisation Tonton”) fête de la musique, du cinéma… Au delà de tous les problèmes que la France a connus à cette époque, j’en garde un souvenir extraordinaire. Mais cette forme d’arrogance de se croire le phare du monde n’était-elle pas, malgré tout, en dépit de tout ce que cela peut avoir de déplaisant pour les autres, meilleure que de se considérer comme des minables ? L’herbe n’est ni plus verte, ni moins verte ailleurs. Il y a de l’excellent, du bon, et du moins bon partout, les problèmes ne sont pas les mêmes, c’est tout. Alors que s’est-il passé ? Pourquoi les Français passent-ils désormais leur temps à se dévaloriser, à se dénigrer ainsi ?
Quand j’étais à la fac, j’ai rencontré des gens en provenance du monde entier. Les étudiants étrangers que je côtoyais au quotidien arrivaient de tous les pays du monde pour faire leurs études à Paris, avant de vouloir retourner plus tard dans leur pays d’origine une fois le diplôme en poche ou de décider de rester en France et de s’intégrer, et mes nouveaux amis et amies étaient Sénégalais, Espagnols, Egyptiens, Mexicains, Afghans, Polonais, Colombiens, Japonais, Iraniens, Ivoiriens, Coréens, Algériens, Guinéens, Vietnamiens… La liste pourrait durer des pages. Non seulement c’était génial de connaître ces gens venant d’horizons différents, ils m’ont apporté de nouvelles visions du monde et un autre regard sur nous-mêmes, mais je n’ai jamais rencontré autant de gens qui aimaient aussi sincèrement et profondément la France et avaient de nous une si haute opinion. Ils nous aimaient plus que nous nous aimons désormais nous mêmes. Et quand je pense que certaines de ces personnes ont, en retour, souffert de racisme dans leur vie quotidienne d’étudiants à Paris…
Leur vision était peut-être un peu idéalisée au départ, et peut-être sont-ils par la suite parvenus à nous voir dans la globalité, avec plus de justesse, mais ils n’ont jamais perdu de vue que leur haute opinion correspondait aussi à une réalité, pas à de simples fantasmes. Cette réalité que nous-mêmes avons tendance à oublier, la routine du quotidien aidant.
Je me souviens de cette amie coréenne qui m’a dit, quelques jours avant son départ pour le Canada où on lui proposait un boulot de traductrice quadrilingue (c’était vraiment une tête, cette nana !), qu’à part l’administration étouffante (on lui avait demandé une tonne de paperasse qu’elle ne pouvait en aucun cas fournir, afin de régler une démarche administrative toute bête, toute simple, et du coup sa vie avait tourné au cauchemar pendant plusieurs semaines), la France était l’un des pays du monde où elle avait le plus aimé vivre. Pas pour son administration, évidemment, mais pour nous.
Parce qu’au delà de nos défauts (les gens ne sont pas aveugles…) qui sont si évidents pour qui ne nous connaîtrait pas en profondeur et prendrait en pleine figure le choc culturel, elle avait découvert en nous de véritables qualités humaines, faites notamment de sincérité, de passion, de sens de l’entraide et de la solidarité (même si certains croient qu’il n’y en pas pas du tout) que nous aurions tout intérêt à cultiver, avec passion, et surtout à maintenir, avec détermination.
On peut très bien s’aimer, reconnaître et apprécier ses qualités sans pour autant passer son temps à se regarder le nombril. C’est, peut-être, finalement, la peur de tomber dans l’arrogance qui fait que les Français passent leur temps à se dénigrer. C’est tout à notre honneur, mais il faut que cela cesse.
Pour que la France retrouve l’estime d’elle-même qui, parfois, lui fait défaut et bouche sa vision de l’avenir, sans pour autant retomber dans l’arrogance, il faut tout d’abord que les Français apprennent à voir en toute chose le verre à moitié plein et non plus le verre à moitié vide, ou encore le verre, “oh la la, je laisse tomber d’avance…”, qu’il va falloir remplir. (Cela dit, un verre à remplir avec les problèmes administratifs qui vont avec, normal que cela puisse couper les ailes des plus motivés. Mais les choses s’améliorent, je crois, de ce côté là.)
Il faut ensuite que les Français arrêtent de craindre l’échec, de se sentir minables s’ils ont raté un truc, mais considérer au contraire l’échec de façon positive, comme une excellente occasion de s’améliorer, d’apprendre de ses erreurs. Cette vision positive de l’échec est courante dans les pays anglo-saxons, tiens voilà une très bonne chose qu’on aurait tout intérêt à leur emprunter.
Et qu’ils arrêtent aussi de s’endormir sur leurs lauriers dès qu’ils en décrochent un. Le chemin n’est jamais achevé. Une réussite doit en appeler une suivante. On le voit bien dans le monde des sciences, où chaque découverte ne fait que paver le chemin vers la découverte suivante. Je crois même qu’Einstein lui-même n’a pas “trouvé” E=mc2 tout seul, mais qu’il s’est appuyé sur les travaux de prédécesseurs qui lui ont pavé le chemin. Le chemin n’est jamais un cul de sac bouché par un miroir devant lequel on s’arrête un jour pour s’admirer en se répètant en boucle, avec satisfaction, qu’on est les plus beaux.
On s’est planté ? On recommence. On a reussi ? Très bien, mais la vie continue, alors on continue vers l’étape suivante.
Le monde n’est fait que d’étapes. On n’est encore jamais arrivé nul part, et on n’arrivera sans doute jamais nulle part. C’est quelque chose que les scientifiques, mais aussi les artistes, ont parfaitement compris.
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