De la notion de richesse en 2007
On parle beaucoup depuis quelques années de nouvelles formes de croissance équitable, de richesses mieux partagées, bref d’un aggiornamento et d’une refondation de certains principes économiques de base. Parmi d’autres, Jacques Attali s’est intéressé à la gratuité, au nomadisme croissant de l’homo economicus, certains autres se précoccupent quant à eux de quantifier certaines formes de richesses nouvelles dans un monde en changement.
Selon la théorie économique classique, il y a création de richesses lorsqu’une entité, économique ou politique, produit des biens et des services, voire de la valeur ajoutée, et que simultanément cette entité est en mesure soit de vendre soit d’échanger cette production contre d’autres biens ou services ou contre de la monnaie, mesure communément admise de ladite richesse ou substitut pratique pour l’échange de celle-ci. Beaucoup dénient à l’économie l’appellation de science, et ils n’ont pas entièrement tort tant les praticiens de cette science diffèrent aussi bien dans l’approche que dans les conclusions qu’ils tirent. Ici personne ne prétend faire avancer la science, mais peut-être faire avancer le débat.
On se met à dénombrer de nouveaux métiers sociaux, dans les quartiers, dans les banlieues, dans les villes, des personnes aident d’autres personnes dans des tâches quotidiennes, en allant plus loin et plus prosaïquement que l’assistante sociale du 20e siècle, qui restait plutôt une prescriptrice qu’une exécutante. Comment nommer la profession de celui qui passe son temps à former les gens du troisième âge à l’utilisation de l’informatique de base ? Comment appelle-t-on le métier de celui qui passe son temps à gérer des conflits sociaux dans une banlieue chaude ? Comment appelle-t-on le métier de celui qui anime des ateliers créatifs pour jeunes en difficulté en dehors des cours d’écoles ? Et celui qui s’occupe des malades très âgés, dans leur quotidien ? Et celui qui oeuvre bénévolement pour telle ou telle institution ou association ? Et celui qui sans contrepartie donne une partie de son temps pour faire avancer un projet collectif gratuit et Open Source sur le net ? Etc.
Ces tâches quotidiennes choisies au hasard parmi beaucoup d’autres qui existent et qui vont encore naître ou se développer ne sont pas créatrices de richesse au sens strict, sinon sur le plan humain. Or cette richesse humaine rend le monde meilleur ou du moins tente de le faire. Si le monde est rendu meilleur par ce type d’actions, alors on économise par ailleurs des fonctionnaires ou des agents de l’Etat pour remplir des tâches similaires ou connexes visant les mêmes buts. C’est donc dire que la richesse moderne est aussi créée par la diminution de dépenses. Et que penser du bénévolat ? Là aussi il y a richesse personnelle donnée ou partagée. Est-ce toujours juste que cette richesse ne soit pas prise en compte dans les calculs des économistes ? Pas sûr du tout.
Dans une société moderne enfin, l’une des richesses de base est l’information. Celui qui dispose de l’information et des capacités de l’analyser est déjà riche en tant que tel, car le traitement de cette information peut donner lieu à la création d’un certain type de richesse également, par la mise à disposition du public sous une forme gratuite ou payante d’un traitement de cette information. Or là non plus, l’accès à l’information n’est jamais considéré sous l’angle d’une richesse donnée et préexistante à la création d’une richesse dérivée de cet état de fait.
Dans ce billet (qui sera suivi d’autres sur le même sujet) on s’arrêtera simplement sur ces interrogations, avec une première petite conclusion. Le fameux PIB des pays que nous connaissons devrait être augmenté de tous les types de richesses citées plus haut et d’autres du même type issues d’activités qui ne visent pas forcément la production d’un rendement mesurable en francs ou dollars. Corollairement, on devrait redistribuer la richesse totale ainsi produite de façon équitable en fonction du travail accompli et non de la hauteur du compte en banque des titulaires de flux. Il en résulterait un premier pas vers une meilleure répartition de la manne considérable que nos pays riches génèrent mais ne redistribuent aujourd’hui qu’en fonction de deux notions marxistes dépassées, le travail et le capital, travail au sens pur de labeur payé et capital au sens pur de hauteur du compte bancaire.
Il est capital de réhabiliter le travail au sens noble, y compris celui qui ne produit aucune richesse autre que celle qui consiste à améliorer l’état de la société ou de la planète en général.
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