De la Rus de Kiev à l’empire russe, voyage au coeur de la Russie historique - Partie 1
Dès le VIe siècle, les Slaves Orientaux s’installent sur la Vistule, puis ils essaiment sur la Dvina, le Dniepr, de la Baltique à la Mer noire.
Les Slaves, qui sont-ils ?
Originaires de l’Europe orientale, les historiens ont décompté de nombreuses tribus (les Antes, les Poljanes du moyen Dniepr, les Krivici du haut Dniepr… le bas-Danube, etc.) C’est lorsque l’Empire Goth au VIe siècle s’effondre avec l’écrasement des Avars que les Slaves opèrent une avancée pacifique vers la Vistule, le Dniepr, le Dniestr, et le bas-Danube.
Certaines tribus poussent vers l’Ouest (l’Elbe), et s’installent en Bohême, les autres vers le Sud (Moyen Danube), Pannonie et Balkans, quant aux autres tribus, elles poussent vers l’Europe centrale et orientale. Jusqu’au nord, ils ne rencontrent aucune résistance, mais sont arrêtés dans leur migration par deux États puissants : les Bulgares de la Volga et les Khazars.
Ils sont aussi menacés par les hordes d’Asie, la région des steppes.
Les Slaves n’ont pas d’État, mais ce sont des communautés de familles pratiquant une unité de langue et us et coutumes. Les Slaves orientaux sont de paisibles agriculteurs et pratiquent la Zadougra .
Pierre Kropotkine, dans son remarquable ouvrage « L’entraide, un facteur d’évolution », évoque longuement ces communautés de fraternité, pour la protection mutuelle et pour toutes sortes de besoins variés consubstantiels à la survie des populations. Ce système d’entraide se retrouvait également dans les populations du Caucase, de l’Ossétie, chez les Kevsoures, dans le Daghestan, les Lesquines de Géorgie. S’il y a une leçon à tirer de ce système d’entraide, largement pratiqué par tous les peuples proto-historiques, c’est qu’il permit à ces populations de s’installer durablement, tout au long du 1er millénaire après J.C, de faire souche et de survivre à des conditions d’existence très rudes et un climat impitoyable.
Les Slaves contrairement aux sociétés antiques sont composés « d’hommes libres », l’esclavage n’ y est pas pratiqué, bien qu’il le sera plus tard.
Chez les Slaves, c’est le matriarcat qui prédomine. Ils pratiquent le paganisme, le panthéisme, honorent des dieux multiples, à partir des éléments de la nature, eau, feu, foudre, vent, air, terre humide, et adorent des êtres fabuleux qu’ils se sont créés comme le lesig un petit dieu de la forêt, Vodjanov, « l’homme à la longue barbe verte », Russalka « les sirènes des lacs et des rivières ». Ils pratiquent le culte des morts et croient en la vie dans l’au-delà.
En général, les Slaves sont d’un caractère pacifique et sédentaires. Excellents bâtisseurs, très tôt ils construisent des villages et des villes, ce qui leur vaut le nom de Gardarick, pays des villes.
Dans le domaine agricole, ils pratiquent la jachère, le déplacement des champs pour laisser reposer la terre, ils sont des potiers expérimentés, ils travaillent à la perfection le bois, le fer, l’argile, les métaux, ils connaissent l’art de la broderie, et de la fabrication des bijoux. Ces peuplades sont des commerçants avisés.
L’État, à proprement parler, n’existe pas encore, ne s’agissant que d’organisations claniques des tribus.
Ce n’est qu’au IXe siècle que la Russie deviendra une brillante civilisation, grâce à l’épanouissement varégo-russe de Kiev.
LA RUS DE KIEV
En 881, le prince Oleg Novgorod installe sa capitale à Kiev. Fondée par les tribus slaves, Kiev est bâtie sur la rive droite du Dniepr,à l’entrée du canal reliant la Baltique à la mer du Nord.
Rentré en lutte avec les Khazars, les Petchenegues et les Bulgares qu’elle vaincra, la Rus de Kiev rassemble dans son giron tous les Slaves orientaux et devient une puissance incontournable avec laquelle Byzance devra désormais compter.
Les Varègues, qui sont-ils ?
Les tribus Varègues d’origine scandinaves, trouvent leur apogée au IXe et Xe siècles. Très proches des Normands, ils se désignaient volontiers comme « aventuriers de la mer » : Vikings. Ce sont de redoutables guerriers, des navigateurs expérimentés, des commerçants avisés. Originaires de Suède, en majorité, sous l’impulsion du légendaire Riourick, chef scandinave, leur expansion vers l’Est les conduit par la Baltique le long des fleuves russes, la mer Noire et la Caspienne, formant une aristocratie militaire et marchande, sur la route « des Varègues aux Grecs ».
Ils se fixent donc entre Kiev et Novgorod, choisissant l’emplacement idéal des voies fluviales navigables et commerciales.
Les Slaves vont prospérer, les villes se développer en bordure des fleuves et de l’isthme et bénéficier d’une industrie artisanale extrêmement prospère et leur puissance commerciale importante.
Les Varègues descendants des Vikings, vont-ils former une identité propre, comme on aurait pu l’imaginer ?
Non ! Ils s’assimilent très rapidement aux population slaves déjà sur place depuis le VIe siècle. Ce peuple composé d’autochtones slaves et de Varègues prendra le nom de Roussi, ou Rus, (termes issu d’un terme scandinave).
980-1054. LE RÈGNE DE VLADIMIR LE GRAND DIT SOLEIL ROUGE.
Le Grand-Prince de Kiev, Vladimir le Grand, fils cadet de Svaroslav, descendant du légendaire Riourick, règne sans partage et fait de KIEV, une grande et belle ville qui émerveille les voyageurs. On dit d’elle « qu’elle n’a rien à envier aux villes occidentales. »
En 988, Vladimir le Grand, païen et persécuteur des missionnaires byzantins, décide de se convertir au christianisme et tout son peuple derrière lui, lorsqu’il épouse Anne, la sœur de l’empereur byzantin, Basile II. L’Église russe le considère comme saint.
La principauté de Kiev, lorsque Vladimir 1er le Saint (ou le Grand) reçoit le baptême chrétien, est devenue totalement Slave.
Ce mariage fait de lui le véritable fondateur de la Russie de Kiev, alliée de Byzance. Et c’est à ce moment là que l’on verra naître un État organisé.
Vladimir donne alors une orientation toute nouvelle à l’avenir de la Russie sous la houlette culturelle et religieuse de Byzance. La Russie est à jamais marquée dans son histoire spirituelle, ses conceptions politiques et juridiques par la chrétienté orthodoxe.
Preuve en est, l’Art sacré des Icônes, que les Russes de toujours, considèrent non pas comme de simples tableaux religieux, mais comme des images d’essence sacrée, reflet de la puissance divine.
Parties de Byzance, les icônes vont gagner tout le monde slave orthodoxe, depuis la Russie, la Serbie, la Roumanie, la Grèce…
Si nous, Occidentaux, voulons comprendre le monde slave, penchons nous sur ces œuvres spirituelles, car ce sont des véritables trésors où se mêlent grâce et ferveur religieuse. Chez les Russes, le sentiment religieux est si ancré dans leur mentalité, que même l’athéisme soviétique n’a pu en venir à bout. Ce sentiment refoulé et latent n’attendait que la chute de l’URSS pour resurgir, peut-être encore plus vivace.
LE RÔLE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE RUSSE.
« Elle a pleine juridiction » dans les domaines aussi variés que l’organisation du clergé, le mariage, la morale, les affaires testamentaires. Son autorité va jusqu’à couvrir le statut légal de la domesticité employée dans les immenses domaines des seigneurs, et des patrons dans les villes. Par des efforts continus, l’Église orthodoxe cherche à relever leur statut légal.
Soixante-quatre principautés, dont les principales : Volhynie, Novgorod, Souzdalie, Smolensk, Riazan, Chernikov et Pereyaslav, reconnaissent la suzeraineté de KIEV. Lorsque le Grand-Prince de Kiev meurt en 1054, il distribue les principautés selon leur importance, entre ses fils d’après leur âge. L’aîné reçoit Kiev, et par un système de rotation unique dans l’histoire ; il fut entendu que chaque fois qu’un prince mourait, les survivants seraient promus d’une province inférieure à une province du degré au-dessus.
Les princes réservaient les provinces à leurs fils, par un système d’apanages qui devint héréditaire, et donne naissance à un système féodal.
DÉCLIN DU ROYAUME DE KIEV ET SA CHUTE.
Petit à petit, l’Empire Kievien décline. Plusieurs facteurs sont à prendre en considération pour expliquer le déclin et la chute de KIEV. Pas moins de 46 invasions de tribus hostiles à la Russie, des guerres civiles entre clans principaux, se disputent le trône dans 74 principautés.
En 1113, l’appauvrissement de la population de Kiev, l’anarchie qui y règne, le chômage, provoquent des soulèvements de la population affamée et misérable, très sanglants. Pour sauver la situation, une assemblée municipale, demanda au prince de Pereyaslavi à occuper le trône du Grand-Prince de Kiev. Il accepta contraint et forcé, et joua un rôle comparable à celui de Solon dans l’Athènes en 594 avant J.C.
Il limita l’autorité des patrons sur leurs employés, il abaissa les taux d’intérêts pour les prêts d’argent pratiqués par les usuriers, il restreignit considérablement le droit des débiteurs insolvables à se vendre comme esclaves pour éponger leurs dettes, considérant ce droit comme « une confiscation par les riches et comme des palliatifs par les pauvres... ». Avec ces mesures partielles mais efficaces au demeurant, il évita une révolution et garantit momentanément la paix.
Il réduisit le nombre de fiefs pour donner à la Russie une unité politique plus solide.
Sa mort interrompit son œuvre. La guerre des princes reprit de plus belle.
Pendant que les princes guerroient entre eux, et affaiblissent Kiev et sa population, l’occupation du bas-Dniepr, du bas Dniestr, et du Don, par des tribus étrangères, l’extension du commerce italien de Venise à Constantinople, dans la Mer Noire et la Syrie, détournent de la Méditerranée, vers les États Baltes, une grande partie du trafic qui passait ordinairement par les rivières russes. De plus, les croisades que mène l’Occident et cette reconquête de la Méditerranée interrompue autrefois par la conquête arabe, donnent aux Européens de l’Ouest un avantage considérable. Et ces interminables querelles de successions entre les différents « riourikovitch », provoquent l’éclatement de l’État en principautés rivales. La richesse de Kiev s’étiole, décline, ses ressources militaires avec, et l’esprit guerrier qui anime les Kieviens s’amollit.
Les conséquences du début d’hégémonie commerciale occidentale, ne sont pas moindres avec la prise de Constantinople et de son commerce par les Francs.
En 1168, l’armée d’André Bogolyoubski met Kiev à sac, réduit sa population en esclavage.
LES INVASIONS MONGOLES,LA HORDE D’OR.
Le royaume mongol, issu du partage de l’Empire de Gengis Khan entre ses descendants ne cherche qu’à s’étendre. Le prince Batu mène des raids dévastateurs contre Kiev qu’il finit par prendre en 1240, et détruire.
Batu étend sa domination de l’Oural à la Pologne et du Caucase jusqu’aux abords de Novgorod.
Il fait de Saraï sa capitale et peut, de là, contrôler tout le trafic des steppes. Pendant deux siècles, la Russie demeure sous la férule de la Horde d’Or, et les Russes doivent payer aux Mongols un tribut très lourd.
Pour l’Empire Kiévien, c’est le coup de grâce.
Celle que l’on surnommait « la mère des villes russes », s’en trouvera définitivement affaiblie et ne s’en relèvera pas.
Dès lors commence pour la Russie, la période des « siècles obscurs ».
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