De la Rus de Kiev à l’empire russe, voyage au coeur de la Russie historique - Partie 2
Les populations kiéviennes fuient la violence de la Horde d'Or et refluent plus au nord, vers les forêts, les "taïgas", où naîtra une seconde Russie.
Nous assistons à un changement de centre de gravité important, avec cette migration. Les populations kiéviennes qui vivaient sur les riches terres à blé des steppes, les vastes espaces de commerce avec l'Orient et l'Occident, au coeur de la civilisation urbaine de Kiev, vont progressivement se retrouver dans des régions aux climats encore plus rigoureux.
"Le monde étroit des clairières" va prendre forme. La façon de se vêtir, d'envisager les modes de construction, leurs habitations (en rondins de bois avec les isbas), leur style d'alimentation vont changer également. Le blé sera remplacé par le seigle, et la densité de populations vivant dans les "podzols" (clairières), s'adaptera comme elle le pourra dans leur vie quotidienne.
L'affaiblissement du pouvoir des princes (de Galitch à Souzdal) va favoriser la nouvelle aristocratie, les boïars, qui se sont soumis aux tribus mongoles.
A la faveur de ces événements, deux villes vont prendre un élan considérable. Dans un premier temps, Novgorod, dans un deuxième, Moscou.
NOVGOROD.
Située dans le Nord-Ouest de la Russie, sur les rives du Volkhov, c'est une ville fluviale. Le Volkhov se jette dans le lac Ladoga. Tout un réseau de rivières partant du lac Ilmen et de la Baltique, font de cette région, un endroit parfaitement sûr pour le commerce.
Novgorod se dote d'un important commerce avec le reste du pays, mais également à l'étranger avec la Ligue hanséatique, ainsi qu'avec l'Islam par la Volga.
Novgorod monopolise le commerce des fourrures de Pskov jusqu'à l'Arctique et l'Oural.
Il se crée une aristocratie marchande qui gouverne la principauté, par le truchement de princes élus par l'assemblée des marchands. Elle devient une cité-Etat libre, et s'affluble de la qualité de : "Monseigneur Novgorod le Grand" !
Détail qui a son importance du point de vue du gouvernement de Novgorod, les princes élus ont tout intérêt à donner satisfaction aux marchands. S'ils ne cèdent pas à leurs exigences, ne "s'inclinent pas devant eux", la caste des bourgeois leur montre le chemin de l'exil. En cas de résistance, ils finissent dans le meilleur des cas, en prison.
Cette cité-Etat n'a rien de démocratique. Les ouvriers et les petits commerçants n'ont pas droit au chapitre dans les affaires publiques, et ne s'en remettent qu'au gouvernement de la cité. Ils ne peuvent pas influencer une politique toute dévolue à la caste. C'est la raison pour laquelle, les révoltes se multiplient.
1238-1263 - L'apogée de NOVGOROD, sous le règne du Prince Alexandre NEVSKI.
A Rome, le pape Grégoire IX voulait "arracher la Russie à la foi orthodoxe et la gagner au christianisme latin".
Il précha une véritable croisade contre Novgorod, pour cela s'adjoint la collaboration des Suédois. Une bataille eut lieu sur la Néva. Alexandre Nevski battit les suédois à plate couture, près d'une bourgade qui prit plus tard, le nom de St-Petersbourg.
Alexandre Nevski, auréolé de victoire, revint dans la cité-Etat de Novgorod. Mais celle-ci considéra qu'il était bien trop grand pour une Cité-Etat et l'assemblée des marchands lui indiqua le chemin de l'exil.
Cependant, l'exilé fut bientôt de retour sur les suppliques de la caste de marchands de Novgorod, épouvantée par l'avancée des Chevaliers Teutoniques (les Allemands), qui s'étaient emparés de Pskov à une vingtaine de kilomètres de Novgorod.
Le héros repris Pskov, défit les Chevaliers Teutoniques et les Lituaniens, sur le lac Peïpous pris par les glaces, en 1242.
Pendant que Novgorod prospérait, les Mongols qui avaient déferlé sur la Russie deux siècles plus tôt, coninuaient à maintenir la Russie sous son joug.
LA HORDE D'OR.
Originaires du Turkestan, et du Caucase, les Mongols avaient au passage écrasé la Géorgie et entièrement pillé la Crimée. Les Comans (ou Petchegues - tribus turcophones de la Mer Noire à la mer d'Aral), persécutés, demandèrent l'aide de la Russie. Celle-ci leur accorda d'autant plus volontiers, qu'elle subissait les exactions et les lourdes exigences des Mongols.
Le grand Khan envoya auprès des Russes des émissaires leur proposant une alliance contre les Comans. Les Russes, en guise de réponse "mirent à mort les envoyés".
Près de la mer d'Azov, sur les rives de la Kalka, eut lieu une bataille terrible qui vit la victoire des Mongols sur l'armée russo-comane.
Les chefs russes furent faits prisonniers et massacrés.
La victoire sur la Russie assurée, les Mongols se retirèrent en Mongolie où ils se préparaient à conquérir la Chine, et la Corée.
Les princes russes reprirent leurs querelles intestines.
A la mort de Gengis Khan, le royaume mongol fut partagé entre ses descendants.
En 1237, le petit neveu de Gengis Khan, Batu ou (Batou), prit le commandement de 500 000 cavaliers décrits par les historiens comme "farouches et vigoureux", et particulièrement disciplinés et organisés. Ils contournent le Nord de la Caspienne, passent "au fil de l'épée les Bulgares de la Volga et détruisent Bolgar, leur capitale".
Le commandant Batou envoya un message au prince de Riazan "Si vous désirez la paix, donnez-nous le dixième de vos biens".
Celui-ci répondit : "Quand nous serons morts, vous pourrez avoir le tout". En guise de réponse, les Mongols rasèrent les villes de Riaza, la Souzdalie, brûlèrent Moscou et incendièrent les cathédrales et les populations qui s'y étaient réfugiées.
En 1238, Rostov, Souzdal et les villages de la principauté furent brûlés de fond en combles. Les Mongols marchèrent ensite sur Novgorod et atteignirent Kiev. Confrontés à une faible résistance, ils mettent Kiev à sac, tuent des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants.
Giovanni de Piano Carpini (*), visita Kiev 6 ans plus tard. Il ne trouva en lieu et place de l'ancienne et belle Kiev "mère de toutes les villes russes", que 200 chaumières et les alentours parsemés de crânes. Les kiéviens livrés à la fureur de la Horde d'Or, n'avaient pû se défendre. Ils ne possédaient aucune arme de défense. En effet, la bourgeoisie Kiévienne craignaient les soulèvements de la plèbe et n'osaient pas les armer.
L'AVANCEE DE LA HORDE D'OR EN EUROPE CENTRALE.
Chacune de ses victoire s'accompagne également de défaites que leur infligent les Russes. Ils choisissent une branche de la Volga pour y établir une ville : Saraï dont le commandant Batou fera sa capitale.
Batou depuis sa position dominante sur les steppes, ainsi que ses successeurs, vont tenir sous leur férule, la Russie. Ils contrôlent tout le trafic marchand. Mais, pour s'adjoindre les bons offices des princes russes à leur solde, ils les autorisent à conserver leurs terres, contre le versement d'un tribut annuel élevé ainsi que des "visites d'hommage au Grand Khan de Mongolie à Karakoroum".
"Cet impôt de capitation tombait avec une cruelle égalité sur les riches et les pauvres, et ceux qui ne pouvaient les payer étaient vendus comme esclaves".
Résignés, les princes russes s'inclinèrent devant eux. Certains, par appât du gain, n'hésitèrent pas à s'associer aux Mongols pour aller attaquer des principautés rivales.
240 ans de domination mongole et de présence de la Horde d'Or sur les terres russes ont laissé des traces. En effet, "Beaucoup de Russes épousèrent des Mongoles". "Certains traits de la physionomie et du caractère mongols peuvent être passés dans le type russe". D'autres coutumes également, comme la façon de se vêtir mongole qui fut adoptée par les Russes, y compris leur gestuelle et façon de parler. Ainsi que les ustensiles culinaires, ou les traditions du thé.
La présence mongole réduisit la Russie à une simple dépendance de la puissance asiatique et coupa la Russie de la Civilisation européenne.
"L'absolutisme du Khan uni à celui des empereurs byzantins devait engendrer "l'autocrate de toutes les Russies", de la Moscovie.
Les autorités militaires mongoles finirent par réaliser que la force ne suffisait plus à maintenir ni l'ordre, ni la paix avec l'Eglise russe. Ils changèrent de politique et devinrent les protecteurs des biens de ses membres, les exemptèrent d'impôts. L'Eglise reconnaissante, organisait pubiquement des prières pour les Mongols.
En échange, elle bénéficiait de la protection du Grand Khan. Des milliers de Russes se firent moines pour échapper à l'impôt ; les dons affluèrent dans l'Eglise orthodoxe, et l'Eglise devint riche.
Le revers de la médaille de la présence mongole fut un "esprit de soumission chez le peuple et ouvrit la vie à des siècles de despotisme".
Néanmoins, toute courbée qu'elle était devant le maître asiatique, la Russie, comme un fossé, une tranchée protectrice, protégera le reste de l'Europe de l'ambition de conquête effrenée du Grand Khan.
Leur furie, ce tourbillon de l'histoire russe, s'épuisa sur les Slaves, la Bohême, les Moraves, les Polonais et les Maggyars.
L'Europe toute tremblante d'avoir à subir un sort analogue à la Russie, fut touchée, mais dans une moindre mesure malgré les nombreuses exactions de la Horde d'Or.
"Il est possible que le reste de l'Europe ait pu progresser vers une liberté politique et spirituelle, vers la richesse, le luxe et l'art, uniquement parce que pour deux siècles, la Russie demeura frappée, humiliée, stagnante et pauvre"... concluait, au sujet de la Russie, l'historien anglais Will Durant.
( * ) Giovanni Piano de Carpini : voyageur franciscain du XIIIe siècle. Il fut dépêché en 1246 par Innocent IV auprès du Grand Khan, et fut un des premiers à relater ses observations sur les peuples mongols.
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