De Lisbonne à Vladivostok
Lors de sa récente visite en Corée du Nord, le président russe, Vladimir Poutine, a signé un partenariat stratégique d’assistance mutuelle en cas d’agression par un pays tiers, une sorte de mini OTAN, avec le président nord-coréen Kim Jong-Un. Parfois, les contrecoups de l’Histoire sont cruels. (1)
Les réactions outrées, voire désobligeantes, de la presse européenne et américaine ne se sont pas fait attendre. Toujours est-il, le rêve de Zbigniew Brzeziński, une communauté de « valeurs occidentales », américaines en l’occurrence, s’étendant de Lisbonne à Vladivostok (2) a fait Pschitt !
Néanmoins, les Etats-Unis, un empire en déclin, continuent à poursuivre cette chimère, coûte que coûte, buvant le calice jusqu’à la lie, fixant son attention sur le continent asiatique, comptant surtout sur son vassal, les Philippines, pour fomenter un conflit avec la Chine, dans un but, illusoire, de reprendre la main, du coup abandonnant l’Union Européenne sur le bord de la route, tout en lui laissant le soin de régler l’ardoise de cette stratégie ruineuse. Et l’Europe s’exécute.
En effet, l’OTAN, L’Organisation du Traité de l’Atlantique du Nord, demande un « effort supplémentaire » de la part de ses pays membres, exigeant une augmentation de leurs budgets de défense à 2 % du PIB, produit intérieur brut, dans le but de les faire acheter made in America. Une stratégie qui, depuis Bretton Woods, avait fait ses preuves, du moins dans les pays vassaux du « Sud Global ». Etant donné que ceux-ci marchent de moins en moins dans la combine, c’est l’Europe qui reprendra le flambeau.
Rappelons que l’économie américaine est entièrement basée sur l’emprunt public, et privé, rendu possible par la création monétaire sans lendemain (3) par la Réserve Fédérale, une institution privée, occasionnant des déficits budgétaires exorbitants, année après année, 1,7 billions USD en 2023 ou 1'700 milliards USD (4), s’additionnant à une dette souveraine qui s’élève actuellement à 35'000 milliards USD (Lors de l’entrée en fonction du président Ronald Reagan en 1981 celle-ci s’élevait à 738 milliards USD) dette, financée entièrement par les surplus commerciaux de ses « partenaires » (5) et, jusque récemment, les revenus pétroliers de l’Arabie Saoudite, les pétrodollars.
En effet, l’accord entre les Etats-Unis et l’Arabie-Saoudite, datant d’il y a cinquante ans, le recyclage des revenus pétroliers de la monarchie du golfe en actifs, libellés en USD, n’a, jusqu’à nouvel avis, pas été renouvelé. La presse européenne et américaine s’est d’ores et déjà empressée de taxer cette nouvelle de « fake news », la preuve du renouvellement n’ayant toutefois pas été fourni par ladite presse, pour l’instant.
Ainsi, comme le relève le journaliste allemand Werner Rügemer dans un article sur le site d’information allemand, « Nachdenkseiten » (6), les Etats-Unis font miroiter aux membres de l’OTAN un engagement financier disproportionné dans l’effort de guerre en Ukraine, en gonflant délibérément les chiffres, afin de les inciter à augmenter leur « contribution ». Selon certaines estimations 80 % à 90 % des sommes autorisées par le Congrès américain pour la défense de l’Ukraine ne quitteront jamais les Etats-Unis.
Du programme d’aide de 60 milliards USD, décidé par le Congrès américain, 10 milliards iront effectivement en Ukraine, seront toutefois remboursables rubis sur l’ongle. Compte tenu de la situation financière de l’Ukraine, ceci se soldera par des privatisations à la grecque.
7,3 à 11,5 milliards USD sont réservés aux activités du personnel des forces armées américaines en Europe, ainsi que salaires et primes en faveur des soldats stationnés en dehors des Etats-Unis.
Une partie importante du train de mesures est réservée à la protection de l’ambassade américaine à Kiev ainsi qu’aux autorités civils hors US et certains médias, dans le but de parer aux « interférences chinoises ».
Sont comptés également, les chars d’assaut « Abrams » dépassés, et réformées par l’armée américaine, livrés en Ukraine, ainsi que les subventions, promis à l’industrie de l’armement américaine pour le développement de nouveaux modèles, plus performants.
Une autre partie importante du paquet est réservée aux subventions en faveur des entreprises de défense américaines, ou étrangères qui souhaitent étendre leurs activités sur sol américain, pour y créer de l’emploi, comme l’allemand « Rheinmetall », dont le plus important actionnaire est la maison « Black Rock », le plus important gestionnaire d’actifs au monde, 10 billions USD.
La Vice-présidente américaine, Kamala Harris, l’a bien rappelé aux participants du sommet suisse pour la paix en Ukraine. « Ce n’est pas par altruisme que les Etats-Unis sont engagés en Ukraine, c’est par intérêt stratégique, » et au président polonais, Andrzej Duda, d’ajouter : « Il faut décoloniser la Russie et la découper en 200 petits états ethniques. » Brzeziński sort de ce corps ! On a du mal à comprendre, pourquoi la Russie n’a pas souhaité participer au festin.
Depuis fin 2022 le gestionnaire « Black Rock » s’est vu attribuer le rôle, officiel, de coordinateur pour la reconstruction de l’Ukraine et la banque d’investissement JP Morgan le véhicule de financement ce celle-ci. Il va sans dire qu’il est dans l’intérêt de tous les participants que la guerre dure encore un peu. Il y aura davantage à reconstruire. En tout cas l’Ukraine, en tant que site de production est absolument idéal. Le salaire horaire minimal légal y est de 1,21 Euros, une aubaine.
Du coup, le ministre des finances allemand, Christian Lindner, est prêt à faire une entorse au dogme de la rigueur budgétaire et d’assouplir le « frein à l’endettement », la condition sine qua non pour la création d’un fonds spécial de 100 milliards euros, destiné au réarmement de la Bundeswehr. Et dans la précipitation de l’urgence, la présidente de la Confédération helvétique, Viola Amherd, ministre de la défense, hôtesse du sommet pour la paix en Ukraine presse actuellement le parlement suisse de faire autant. Quitte à sacrifier le CHF sur l’autel de l’OTAN.
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/shadow-banking-217959
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