De Louise Bourgeois à Jeff Koons en passant par Annette Messager
Dernièrement - dieu sait pourquoi -, j’ai pensé à Louise Bourgeois et à son araignée qui, à mes yeux, n’a qu’un seul mérite : c’est d’être monumentale car, pour le reste…
J’ai pensé aussi à son expo, celle de Beaubourg, en mars dernier ; expo qui peut se résumer à une vidéo bavarde diffusée sur un écran devant lequel des fauteuils confortables sont disposés, le tout placé à l’entrée de la dite expo comme pour dissuader quiconque d’aller plus loin.
Dans tous les cas, une "artiste" dont « l‘œuvre » est à chercher sous la moquette épaisse d’un salon cossu ou sous les lattes étriquées d‘un parquet ciré ; et le commissaire de l’expo ne s’y est finalement pas trompé - même involontairement -, en installant ces fauteuils et ce téléviseur.
Pour rester avec Beaubourg qui, manifestement, ne souhaite pas être en reste avec quiconque cotise à la MDA (Maison des artistes- organisme agréée par l’Etat pour gérer le régime de Sécurité sociale des artistes) : Annette Messager.
Après le stade oral et le stade anal, voici venir le stade « peluches et souffleries ».
Dis ! Annette ! Franchement, à ton âge, hein ? T’as pas honte ?
Jeff Koons maintenant. Ce blaireau rémunéré à coups de millions de dollars (aussi riche, sinon plus, qu’un joueur de basket de la NBA), cet ancien trader est annoncé au château de Versailles en septembre : attendez-vous à… petit lapin, homard et coeur géants.
Vraiment, je suis déjà impatient de lire, le moment venu, les papiers des journalistes qui seront dépêchés sur les lieux ; personne n’étant épargné par l’automatisme d’une approbation aussi irréfléchie qu’injustifiée, alors, nul doute, leurs articles ne manqueront pas de mentionner un Koons sulfureux et futé, et drôle avec ça, et irrévérencieux et tellement cocasse dans ce lieu insolite et... et... et...
Mon cul !
Alors oui ! Mille fois oui ! Confronté à toutes ces figures d’une scène prétendument artistique que des journalistes moutonniers n’hésitent jamais à encenser, à quand une critique d’art qui relèverait de l’invective, de l’insulte et du crachat, courage d’une main, désespoir et colère de l’autre, face à l’affront (quand ce n’est pas l’outrage) qui nous est fait, saison après saison, exposition après exposition : installations indigentes, foutoirs indescriptibles dans lesquels l’infantilisme côtoie le plus souvent le trivial qui côtoie le puéril et qui à son tour embrasse l’anecdotique, le tout noyé dans un océan d’intentions aussi immatures que jean-foutres et incompétentes.
Evénements qui nous sont proposés sous le contrôle et la direction de commissaires bavards, suffisants parce que... dans le meilleur des cas, franchement et tout bonnement carriéristes, et dans le pire, tragiquement snobs mais incultes, même bardés de diplômes issus d’universités-dépotoirs et d‘Ecoles nationales de Dieu sait où et de Dieu sait quoi qui ne refuseront personne qui ait décroché le sésame qui a pour nom : Bac.
Toute cette production tapageuse et médiatique, c’est Warhol qui a triomphé de Picasso, John Cage de Boulez, César de Rodin ; un Rodin qui pourtant avait pris soin d’ouvrir en grand toutes les portes qu’un César s’est empressé de refermer sur un univers concentrationnaire.
Avec tout ce ramdam, c’est aussi - dans une longue liste qui n’épargne aucun art ni aucune discipline -, Mitterrand qui a triomphé de Jaurès, un BHL pour triompher et de Sartre et de Camus et de Deleuze et de Foucault et de Derrida...
Et pour finir - un malheur n‘arrivant jamais seul -, c’est aussi Carla Bruni qui triomphe de Barbara, Renaud de Léo Ferré, le Rock du Blues, un Guillaume Durand qui triomphe de... Personne, et Mc Donald qui a triomphé (il y a longtemps déjà) de l’Auberge du Cheval Blanc à Trifouillé-les-oies même ; et sur la place de l’église encore !
Mais... voilà que j’entends des voix ; elles me demandent... surtout de ne pas m’inquiéter car, personne ne nous demandera des comptes.
Dieu soit loué ! Personne nous demandera d’avoir honte quand il sera temps de passer la main car, ce qu’on ne vous a pas transmis ne peut en aucun cas vous manquer : un art d’aujourd’hui pour demain qui renvoie aussi à celui d’hier comme pour nous rappeler d’où l’on vient, même et surtout, sans jamais y être allé.
Un art intransmissible parce que... sans métier, cette production médiatique. Allez transmettre des peluches, des homards, des pouces et des araignées géantes et sans objet ! Allez donc transmettre des concepts qui feraient hurler de rire n’importe quel étudiant en 1ère année de philosophie et nos penseurs mêmes les plus pusillanimes et les plus indulgents !
Cet art sans art sert quel Art ?
Avec Duchamp, on avait l’audace, le courage, une radicalité assumée et salutaire ; le flair du prophète, mais aussi : l’hilarité et le scandale.
Aujourd’hui sans vision, la production de ces poseurs que l’on nous impose, ne dépasse guère le plus souvent le cadre des toilettes et/ou celui d’une chambre à coucher aux murs tapissés de jeunes filles en fleurs ; le nombril aussi et plus bas encore mais... jamais plus haut.
A la trappe l’Universel ! Quid d’une tentative de sortir de soi et de son environnement immédiat : qu’il soit mental et /ou géographique.
Non ! Aucune vision digne de ce nom : celle d’un monde, celui d’hier, d’aujourd’hui et pourquoi pas, un monde pour demain ; artistes visionnaires, novateurs et précurseurs.
Pire encore, on cherchera en vain un savoir-faire pour défendre quelle que valeur esthétique que ce soit. Oui ! Un savoir-faire : celui de l’artisan et de son métier ; sueur, larmes et sang ; efforts et travail dispensés pour une finalité bouleversante et incontestable dans sa maîtrise et son inspiration ; témoin indiscutable d‘années de recherche et d’apprentissage solitaires et têtus.
Querelle des Anciens contre les Modernes ?
La bonne blague !
Grande bataille des idées neuves contres des idées anciennes ?
If you believe that, you’ll believe anything ! You twit ! (Casse-toi blaireau !)
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Là, maintenant, je pense à nombre d‘artistes, rencontrés à l’occasion d‘expositions avec ma compagne architecte-peintre Ursula ULESKI ; je revois un Français d’origine russe, Sacha, âgé de 35 ans - vous lui en donneriez 50 ; Rmiste, il a pour atelier une chambre d’hôtel de 8m2.
Je pense aussi à un artiste peintre du nom de Heinrich ; un homme couvert de toiles, à défaut d’honneurs, et qui a derrière lui cinquante ans de peinture.
On me dit qu’ils sont des milliers tous ces artistes, tous Rmistes ayant tout sacrifié à un art qui aurait dû être leur métier ; artistes recalés ou bien, expulsés de la Maison Des Artistes, faute d’être capables de déclarer suffisamment de revenus qui auraient pour source leur production artistique ; eux tous s’épuisant sur une toile et son châssis, sur une forme, une figure, une teinte, année après année ; eux tous encore, à battre la matière comme on bat le pavé et la misère, comme on bat la mesure et sa coulpe aussi puisque tous ces artistes vous diront qu’ils n’ont pas à se plaindre ; leur « on nous avait rien demandé, après tout » tentera de cacher un sentiment de culpabilité face à leur inutilité et sociale et économique et commerciale et médiatique et... et... et...
Des milliers d’Artistes anonymes, dans nos villes, dans nos quartiers, dans notre rue, souvent seuls, et pour certains d’entre eux, en rupture, incompris de leur famille depuis longtemps déjà ! Artistes à la pitance et à la sépulture plus qu’incertaines (en effet, qui les enterrera et comment ? Même si l’on ne doit jamais désespérer ni jurer de rien).
Alors vraiment : comment ne pas leur adresser un sourire et une poignée de main fraternels, comment refuser le verre de vin qu’ils vous tendront lors de vernissages quasi confidentiels par la force des choses ? Comment ne pas les aimer tous ces stakhanovistes de l’Art, chacun dans leur discipline, toutes techniques confondues - et les plus innovantes parfois aussi - car, ils m’ont rendu ce qu’il ne faut jamais perdre : le goût de l’effort et le toucher immédiat de l‘esprit qu‘est le talent secondé par une ascèse indéfectible.
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