De nouveaux antibiotiques en vue
Rappelons que dans les 50 prochaines années, le développement de bactéries dites pénicillo-résistantes ou antibiotico-résistantes, pourrait produire un nombre considérable de décès parmi les humains. Une étude récente d'une Commission britannique sur ce sujet estime qu'en 2050, la résistance, à défaut de nouveaux antibiotique, pourrait entrainer 10 millions de morts par an, répartis dans tous les continents et se chiffrant en centaines de milliards. La recherche de ces nouveaux antibiotiques est donc devenue une priorité mondiale. Il est même surprenant qu'elle ne dispose pas de plus de crédits qu'elle n'en a actuellement.
Jean-Paul Baquiast 08/11/2016
© T. Faïs et coll. Animicrob Agents Chemother
Une population de staphylocoques se développe uniformément autour des bactéries E. coli sans îlots génomiques (photo a). Un anneau noir correspondant à la zone d’inhibition de S. aureus est observé autour des bactéries dotées d’îlots PKS (photo b). La croissance de S. aureus est normale en présence de bactéries dans lesquelles a été délété un gène de l’îlot génomique, rendant ce dernier non fonctionnel (photo c).
Source Inserm
Deux voies apparemment prometteuses viennent d'être annoncées dans le sens de cette recherche. La première provient de chercheurs français de l'unité 1071 Inserm, Inra, université Clermont-Auvergne (Clermont-Ferrand) 1). Des bactéries Escherichia coli, appartenant au phylum B2, contiennent un îlot génomique appelé PKS. C'est en s'intéressant à cet îlot génomique que des chercheurs ont fait une découverte intéressante attendue : ces E. coli empêchent la croissance de staphylocoques dorés S. aureus multirésistants.
La propriété des bactéries E. coli porteuses de l'îlot PKS était visible lors de cultures sur boîte de Petri (voir image ci-dessus) : Si on les met au contact de S. aureus multirésistants, un anneau noir se forme autour de la colonie d'E. coli à cause de l'inhibition de la croissance des staphylocoques. En revanche, autour de bactéries E. coli sans l'îlot PKS, la culture de staphylocoque reste uniforme.
Il reste donc à purifier les molécules qui possèdent l'activité antibactérienne afin de les réutiliser dans un but antibiotique. Elles représentent donc un espoir pour traiter des infections multirésistantes aux antibiotiques.
Une seconde voie
Une seconde voie vient d'être annoncée, quasi simultanément, par une équipe de chercheurs du MIT, associés à des collègues de l'Université de Brasilia et de celle de Colombie britannique. Ils viennent d'annoncer avoir produit par ingénierie génétique une peptide anti-microbienne capable de détruire divers types de bactéries, dont certaines de celles devenues ces dernières années pénicillo-résistante ou antibiotico-résistantes.
Or les organismes vivants produisent naturellement des peptides (ou mini-protéines) faisant partie de leur système immunitaire. Elles détruisent des bactéries ainsi que certains virus ou fungi (champignons).Pour ce faire, elles percent la membrane des envahisseurs et s'attaquent à diverses fonctions cellulaires, telles que la production d'ADN, ARN ou protéines.
Ces peptides se distinguent des antibiotiques traditionnels tels que la pénicilline, du fait qu'elles peuvent mobiliser le système immunitaire de l'hôte vacciné, l'obligeant à secréter des leucocytes qui permettent une protection de l'organisme contre des agressions d'éléments extérieurs. Contenus dans la lymphe, le sang, les tissus conjonctifs et les organes lymphoïdes, les leucocytes se répartissent en trois grandes catégories : les lymphocytes, les monocytes et les granulocytes. Ils secrètent des composés qui aident l'organisme dans sa lutte contre les microbes.
Dans leur publication, les chercheurs indiquent qu'ils sont partis d'une peptide antimicrobienne traditionnelle, dite clavanin-A, déjà connue pour son action contre certaines souches bactériennes. Ils ont décidé de la modifier génétiquement en lui ajoutant 5 amino-acides la rendant plus agressive. Ils ont découvert par des essais sur la souris que cette nouvelle peptide, qu'ils ont nommé clavanin-MO, pouvait détruire des souches de E. coli et de S. aureus antibiotico-résistantes à la plupart des antibiotiques actuels.
Ils ont découvert également que la clavanin-MO pouvait supprimer des réactions inflammatoires aux infections, causant un « sepsis » ou infection générale souvent mortelle. Elle peut aussi détruire des bio-films formés de bactéries antibiotiquement résistantes se formant sur des instruments ou surfaces notamment en milieu hospitalier. Les chercheurs s'efforcent dorénavant d'améliorer, toujours par ingénierie génétique, ses capacités antibiotiques.
On peut retenir de ces deux séries de découverte, d'une part le rôle d'un « hasard guidé » dans la recherche de solutions, et d'autre part l'importance, en croissance rapide, de l'ingénierie génétique.
Références
1) Ilot PKS
http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-recherche/e.-coli-contre-s.-aureus-une-activite-antibiotique-inattendue
2) An Anti-Infective Synthetic Peptide with Dual Antimicrobial and Immunomodulatory Activities.” Scientific Reports 6 (November 2, 2016) : 35465. (open access)
https://dspace.mit.edu/handle/1721.1/105167
Abstract
An anti-infective synthetic peptide with dual antimicrobial and immunomodulatory activities
Antibiotic-resistant infections are predicted to kill 10 million people per year by 2050, costing the global economy $100 trillion. Therefore, there is an urgent need to develop alternative technologies. We have engineered a synthetic peptide called clavanin-MO, derived from a marine tunicate antimicrobial peptide, which exhibits potent antimicrobial and immunomodulatory properties both in vitro and in vivo. The peptide effectively killed a panel of representative bacterial strains, including multidrug-resistant hospital isolates. Antimicrobial activity of the peptide was demonstrated in animal models, reducing bacterial counts by six orders of magnitude, and contributing to infection clearance. In addition, clavanin-MO was capable of modulating innate immunity by stimulating leukocyte recruitment to the site of infection, and production of immune mediators GM-CSF, IFN- ? and MCP-1, while suppressing an excessive and potentially harmful inflammatory response by increasing synthesis of anti-inflammatory cytokines such as IL-10 and repressing the levels of pro-inflammatory cytokines IL-12 and TNF-a. Finally, treatment with the peptide protected mice against otherwise lethal infections caused by both Gram-negative and -positive drug-resistant strains. The peptide presented here directly kills bacteria and further helps resolve infections through its immune modulatory properties. Peptide anti-infective therapeutics with combined antimicrobial and immunomodulatory properties represent a new approach to treat antibiotic-resistant infections.
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