Dead or not Dead : Nouvelles Lumières du 21ème siècle

Ce monde voué aux puissances des ténèbres et aux abîmes du consumérisme technologique plongé dans la frénésie communicationnelle ne doit pas nous faire perdre espoir puisque de nouvelles lumières sont promises. Mais la situation se présente comme incertaine. Déjà au 18ème siècle les Lumières ne faisaient point l’unanimité. Le siècle des Lumières a été mythifié, comme du reste toutes les époques précédentes et suivantes. Le 18ème siècle s’est placé sous le principe universel de la raison, amenant les droits naturels sous la bienveillance d’un déisme vouant un culte à ce nouveau Dieu imaginé comme un grand horloger. En vérité, ces Lumières étaient contrastées. Les philosophies dites matérialistes penchaient plutôt vers l’ignorance que la connaissance. La fascination pour les machines, les automates et le principe mécaniste ne laissaient guère augurer un avenir prometteur. Ce siècle était indécis, écartelé entre diverses tendances incarnées par les conservateurs jésuites, les oratoriens progressistes et nombre de grands écrivains, les plus notoires et affirmés étant Voltaire, Diderot et Rousseau. Les lumières avaient comme finalité de bousculer les choses, ce qui fit réagir Rousseau quelque peu inquiet et soucieux de remettre les choses en ordre en s’efforçant de relier les idées, les hommes et les actions en une sorte de système où tout a sa place, un peu à l’instar d’une montre dont les rouages articulés permettent de régler le temps. N’oublions pas que les Rousseau étaient horlogers de père en fils. Et que la mère de Jean-Jacques était elle aussi fille d’horloger, spécialité suisse s’il en est.
Mécanismes, causalité, agir, transformer, calculer. L’homme moderne s’est épris de cette possibilité offerte par l’univers consistant à assembler, découper, manipuler les matérialités. A force de succès, il s’est enivré de puissance et d’efficacité. Au final, l’homme moderne n’est pas cette pauvre créature qui aurait subi des blessures narcissiques mais ce prétentieux individu pénétré de suffisance narcissique qui mesure le monde à la dimension des opérations qu’il peut effectuer avec un succès certain. Ainsi s’est dessiné l’humanité moderne sous le signe de la suffisance narcissique. L’homme se mirant dans ses succès technologiques. Rien de spécial à ajouter si ce n’est que la technique est aussi dévoilement ainsi que tentation et que donc, les tragédies et désastres commis par l’homme ne sont pas un accident mais la conséquence de l’alliance entre les puissances destructrices et la nature indocile et dominatrice de l’homme, le mal si on veut.
Qu’ont été les Lumières finalement ? Un maléfique et bénéfique « pacte », la mise en place d’une rationalité instrumentale opérant sur les hommes et les choses avec en toile de fond l’abandon des connaissances universelles, des cosmologies et théologies transcendantales. L’homme moderne est volontaire, rationnel, calculateur, conquérant, avide de puissance mais il est mutilé, évoluant dans un monde voué à l’amputation ontologique. Le sens a disparu et l’existence est désenchantée, ce qui fait le bonheur des marchands de divertissements et de substituts spirituels avec des produits culturels frelatés et des artifices de vie servant d’œillères et d’artefacts anesthésiant ; mais chassez les angoisses naturelles qu’elles reviennent au galop, aussi, il faut compléter ces gadgets pour individus infantilisés par des neuroleptiques censés balayer les désagréments psychiques qui pourrissent l’existence. Ce constat n’a rien de neuf. La modernité n’a eu cesse de voir émerger des critiques, des conservateurs, des contempteurs et le tableau que je dresse se trouvera détaillé dans des dizaines d’ouvrages. L’impasse des scientismes, positivismes, rationalismes et autres conceptions étriquées et fragmentaires adossées à la philosophie mécaniste, est un fait avéré avec lequel se compromettent la plupart des contemporains puisque ces philosophies promettent des biens et des profits à ceux qui savent les mettre en application. La solution à cette impasse n’est pas dialectique. Ce qui signifie qu’il ne suffit pas de combattre ces philosophies, ni s’en détourner pour accéder à un éventuel salut de l’âme et de l’existence. Il faut en vérité trouver la voie vers laquelle se tourner et ce sera alors l’avènement des nouvelles Lumières en ce 21ème siècle pas terrible pour l’instant.
L’histoire permet de placer au cœur de la Modernité un symbole universel des Lumières, celui du grand horloger ou bien du grand architecte, avec l’idée d’un univers matériel réglé par le Dieu des lumières qui n’est pas le Dieu de la révélation. Dieu n’intervient plus. Exit les ontologies antiques mais aussi les métaphysiques de Descartes, Leibniz, Spinoza. L’homme est maître du royaume, il trace des plans. L’équerre et le compas, symboles de ceux qui vénèrent le grand architecte. Et maintenant, c’est fini. La maçonnerie n’est plus dans le coup, excepté comme levier pour carriéristes. Au grand architecte vient se substituer le calculateur universel, principe transcendantal qui contrairement à l’architecte des Lumières intervient sous une forme subtile dans les êtres et leur destinée. Encore faut-il le voir. Ce qui nous amènera par exemple à raconter les expériences et les théories de Philippe Guillemant, un des nombreux voyageurs de l’universel impliqué dans le nouveau paradigme. Tout en poursuivant les investigations cosmologiques et quantiques, jusque dans le champ de la biologie.
En attendant, il semble acquis qu’il n’y ait rien à faire pour redresser un monde en recomposition qui s’égare dans les lubies technologiques et les idéologies contemporaines. Gauches et droites se neutralisent sans proposer une marche en avant. Dans les marges, quelques pionniers cherchent un nouveau monde. Les Lumières, c’est un peu les étoiles qui pleuvent sur ce nouveau monde. Finalement, nous ne savons pas encore comment faire tomber une pluie d’étoile. (Mais massacrer le monde, l’homme sait faire. La norme idéologique veut que l’homme soit un individu libre, surtout d’être instrumentalisé et asservi moyennant un échange marchand dont les gagnants sont ceux qui savent tourner le système à leur avantage, quitte à ce que l’arnaque soit voilée et légalement orchestrée). Mettre en parenthèse le monde et voir ailleurs. Les Lumières, c’est un éclairage que donne l’esprit à l’âme. Mais par contraste se dessine l’obscurité de ce monde qui ressemble à un nouveau moyen âge fermé sur la religion de la technique. C’est un peu vague comme constat et finalement, il faut être sacrément inspiré pour voir les nouvelles Lumières et observer ceux qui les incarnent. Finalement, ce n’est pas une question de foi dans l’universel ou Dieu ou la Lumière mais une affaire de déception de ceux qui ne croient plus en l’homme et dont je fais partie. Voilà, mais les Lumières peuvent quand même faire leur chemin. Le 21ème siècle est loin d’être achevé. C’est donc l’étrange paradoxe d’un type éteint qui vous parle des Lumières. L’art d’être à côté de l’univers en connaissant l’univers. Drôle de posture qui hélas ne sera pas exploitée par un humoriste vu qu’il n’y en a plus. Alors une ouverture philosophique ou littéraire. Mais sans doute des portes ouvertes. L’art de marcher à côté de ses pompes est un classique. Ou de ne plus savoir où on habite. Mais la Lumière ne laisse jamais tomber les égarés et c’est tant mieux. Et la prochaine fois, je ferais mieux sur ce thème des Lumières. Merci de votre compréhension.
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