Debout l’Europe
Nous avons toujours ici défendu le projet d'une véritable Europe fédérale, s'inspirant (en simplifiant beaucoup) de la constitution des Etats-Unis d'Amérique. Ce projet semblait devenu inaudible ces derniers mois. Ceci tenait principalement à la capitulation des institutions européennes devant les exigences des intérêts américains de plus en plus présents en Europe.
Pour eux, se dissimulant sous la voix des « marchés », l'idée même d'une Europe puissante et souveraine est ressentie comme une menace à éradiquer – un peu (si nous pouvons nous permettre l'image) comme le serait un Iran doté de la bombe atomique. Cette capitulation des institutions européennes a bien entendu redonné de la voix aux souverainistes de tous bords. Mais dans aucun Etat européen, même en Allemagne, leurs propositions visant à lutter contre la crise et redonner de la croissance ne sont désormais prises au sérieux. Il reste que, même à gauche, ces illusions souverainistes suffisent à parasiter le débat qui devrait se généraliser dans les opinions publiques pour une Europe fédérale puissante et souveraine.
C'est pourquoi nous nous réjouissons du début d'écoute que rencontre dans les médias européens le livre-manifeste “Debout l’Europe !”, écrit par deux ténors du Parlement européen l‘écologiste Daniel Cohn-Bendit et le libéral Guy Verhofstadt, avec les questions et commentaires du journaliste de Libération Jean Quatremer. « L’Europe doit une fois pour toutes se défaire du nombrilisme de ses Etats-Nations. Une révolution radicale s’impose ». Cette révolution doit être post-nationale, donc fédérale.
Ils démontrent dans leur livre à quel point croire que l’Europe peut se contenter d’être la somme d’Etats-Nations est une folie dans un monde globalisé. Cohn-Bendit et Verhofstadt constatent que « de nombreux Etats-Nations, dont la France, ont tenté de réduire l’Europe à une simple organisation intergouvernementale dirigée par les chefs d’Etat et de gouvernement. […] Le résultat de ce processus est évident : un directoire européen. Quelques Etats membres puissants […] déterminent ce qui est bon ou mauvais pour l’Europe ». Les deux parlementaires reprochent ainsi aux dirigeants nationaux d’oublier l’intérêt européen commun pour privilégier celui unique de leur pays.
Le Conseil européen n’est que le syndicat des intérêts nationaux. Les Etats sont les principaux responsables de la crise de la zone euro aujourd’hui. Le fait que « dans ce monde la décision politique appartienne encore aux Etats nationaux est un paradoxe insupportable, puisque ni l’économie ni le monde financier ne respectent plus les frontières nationales »
En fait, les auteurs nous expliquent que le monde a changé et que nous devons avancer ensemble pour continuer à progresser. Le député écologiste rappelle que « l’Etat-Nation a été un progrès face à la féodalité, l’espace supra-national est un progrès face aux Etats-Nations. Il s’agit maintenant de créer un espace politique subcontinental »
Pour cela, Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt fixent un but : les élections européennes de 2014 devraient servir à mettre en place une assemblée constituante. Mais peut-on compter pour cela sur les élus actuels, et plus généralement sur les gouvernements nationaux qui ne relaieront certainement pas le projet. Certainement pas. Pour les auteurs, c’est à la société civile pro-européenne et fédéraliste de se mobiliser auprès de la classe politique pour que cet appel soit repris par des personnalités nouvelles.
« La démocratie, c’est aussi précéder l’opinion publique et non la suivre aveuglément pour des raisons électoralistes ou politiques. La démocratie, c’est s’adresser à l’intelligence des individus, non à leurs instincts, en les associant à un projet émancipateur ».
Marcher sur les deux jambes
Nous ne pouvons, répétons-le, que répondre à cet appel pour une vraie démocratie européenne. Mais si le projet se limite à son aspect institutionnel, il n'intéressera pas la grande masse des électeurs, englués dans la crise. Il faut développer, en même temps que le projet constitutionnel, un projet économico-politique visant à construire l'Europe puissante et souveraine évoquée ci-dessus. Un projet tel que même les citoyens grecs obligés pour survivre de fouiller dans les poubelles puissent le comprendre. . Pour cela, il faut montrer comment un véritable Etat fédéral européen, disposant des ressources de la monnaie européenne et harmonisant ses législations fiscales, sociales, environnementales et douanières, pourrait investir eu faveur des industries et recherches de demain, des services publics structurants et, ajoutons-le, des industries de défense. Pour cela, il faudra affronter sans hésiter, répétons-le encore, l'Empire américain et ses alliés, s'abritant derrière l'idéologie néo-libérale, pour qui un tel programme fera l'objet d'un chiffon rouge agité devant le taureau.
Nous reviendrons sur ce site prochainement, pour développer ce que pourraient les deux jambes de cette « révolution fédérale » : un projet constitutionnel et un projet économico-industriel permettant à la nouvelle Europe d'affirmer son indépendance et sa puissance.
Voir aussi notre article consacré aux propositions de Jean-Claude Werrebrouck qui aborde incidemment cette dernière question http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=965&r_id=
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