Décentralisation : stop ou encore ?
Depuis 1982, la France n’est plus officiellement un pays centralisé. Avec les lois Deferre, un certain nombre de compétences, hors régaliennes (Police Justice, Armée,…) ont été progressivement transférées à des collectivités territoriales dirigées par des élus ou des EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale), à la tête desquels officient par délégués de ces collectivités territoriales.
Au début, tout allait bien
Pourtant, les choses avaient bien commencé puisque même les élus (de droite) qui étaient contre cette décentralisation, s’en sont emparée et ont vu le profit politique qu’ils pouvaient en tirer. Au fil du temps des féodalités se sont constituées et on a reproduit au niveau local les oppositions droite/gauche, comme au Parlement, mais après tout n’était-ce pas là une manifestation de la démocratie locale ?
Cette décentralisation a été accompagnée à ses débuts de transferts financiers de la part de l’Etat permettant aux collectivités de voir venir et d’investir (routes, collèges, lycées,…) et de valoriser le travail des élus locaux auprès de la population.
Puis ça s’est dégradé
En plus de 40 ans, les choses ont évolué (Communautés de Communes), d’autres compétences ont été rajoutées, le nombre de régions à diminué, sans que le paysage global soit davantage compréhensible pour le citoyen lambda : qui connait son conseiller départemental ou régional, quelles sont les compétences de ces collectivités, à quoi sert la communauté de commune et quelles sont les compétences résiduelles des communes ? Bien malin qui pourrait répondre à ces questions et ainsi exercer un contrôle éclairé.
La gestion de proximité de compétences, emblème de la décentralisation est devenue un concept flou que peu de citoyens maîtrisent au point de s’en désintéresser voire de faire sécession en boudant les urnes
De mal en pis
Tout aurait donc pu aller pour le mieux dans le meilleur des mondes si ce bel édifice ne s’était pas fragilisé : atteintes aux ressources des collectivités par la réforme de la fiscalité ou la baisse des dotations de l’Etat pour cause de disette étatique, transferts de charges et non plus de compétences de la part de l’Etat (personnels des collèges et lycées et d’entretien des routes, en 2004) ou bien transfert de compétences entre collectivités (du Département à la Région) et création d’un nouveau niveau, les intercommunalités .
Les assemblées locales n’ont pas toujours été d’une extrême prudence en matière d’investissements et se sont parfois lancées dans le tape à l’œil (4 voies, ronds-points, équipements de prestige,…) au détriment du quotidien (rénovations énergétiques,…). Ils sont été soumis également aux « amicales » pressions des entreprises locales pour que les carnets de commandes soient toujours bien remplis. Ils ont également « étoffés » leurs services mais sont toujours réticents à réduire la toile par vents contraires et ils ont également recrutés des « chargés de missions » des collaborateurs de cabinets, des secrétariats de groupes politiques, créé des services de communication et par conséquent augmenté notablement les dépenses d’administration dans les budgets locaux, ce qui représente des sommes conséquentes au niveau du pays.
Les dépenses des intercommunalités (plus de 270 000 agents) atteignaient 37.7 Milliards d’euros en 2021. Pour autant les dépenses des communes, évaluées à 74.6 Milliards, n’ont pas baissé et la Cour des Comptes pointe une répartition des tâches confuse et pas toujours performante.
Les hérauts de la décentralisation
Si le citoyen lambda déplore l’illisibilité du système et ne peut que constater l’augmentation des impôts et taxes locales, conséquence des dérives locales, il se trouve parmi les élus, d’ardents défenseurs du système toujours prêts à cacher la poussière sous le tapis et redemander plus de décentralisation qui les fait vivre.
Ce sont les députés de droite qui souhaitent rétablir une dose de cumul avec des vice-présidences locales, qui leur permettraient d’augmenter leurs indemnités et aussi piloter en sous-main des exécutifs locaux pour préparer un atterrissage en douceur en cas de défaite électorale à l’assemblée. Une autre proposition d’actualité consiste à rétablir la fameuse réserve parlementaire qui permettait aux députés et sénateurs « d’arroser » quasiment sans contrôle financier leurs territoires pour toucher les dividendes lors des élections.
C’est également le président de la commission sur le mille-feuille territorial, nommé par Macron (Eric Woerth) qui a déclaré d’emblée qu’il n’était pas question pour lui de proposer une diminution du nombre d’élus…
C’est également un député de l’Ouest de la France qui exhume une proposition de Sarkozy, celle du Conseiller Territorial qui siègerait à la Région. Cette proposition, outre le fait qu’elle aurait pour effet d’augmenter les dépenses (comme lors de la création catastrophique des grandes régions voulues par Hollande) transformerait les conseils régionaux en lieu ou s’exerceraient les pressions électoralistes pour la création d’un rond-point, la restructuration d’un collège voire à des délibérations sans fins pour l’octroi d’une subvention de 500 € à l’association de la confrérie du marron et de la châtaigne. Pour avoir vécu de l’intérieur les débats d’une assemblée départementale, j’ai pu constater qu’on pouvait passer plus de temps à discutailler sur ce genre de dossier alors que d’autres dossiers, à 80 Millions ou plus, passaient comme une fleur en 10 minutes…
On pourrait citer également un ancien président de région, plusieurs fois ministre, qui propose, dans le cadre d’une « autonomie » régionale, de porter la réflexion au stade de la réalisation, en l’associant aux enjeux écologiques. On me permettra de faire remarquer ici que 85% des bâtiments publics (dont les lycées au niveau régional) sont des passoires thermiques et qu’il conviendrait d’abord de résoudre cette question avant d’envisager autre chose, autrement dit de balayer devant sa porte
Enfin, un autre un élu local de Mayenne nous propose rien moins que de « décentraliser pour réarmer la Nation », (fichtre !) en alignant un certain nombre de banalités qu’on nous ressasse sans fin : « faire confiance aux acteurs de terrain », « majorités de projet », « nouvelle gouvernance entre l’Etat et les collectivités locales », « régénérer la démocratie locale », « replacer le citoyen au centre des réformes futures », « répondre aux besoins des citoyens, notamment les plus fragiles ».
La conclusion de ce charabia pour technos signifie que les élus locaux, assis sur leur rente, ont carrément raté le coche depuis plus de quarante ans et se sont conduits collectivement comme une caste irresponsable cherchant à conserver ses privilèges et qui souhaite encore aujourd’hui conserver le système et préserver le fonds de commerce des partis politiques.
Alors, « décentralisation, stop ou encore ? »
La réponse à cette question est bien évidemment stop, en précisant que trop nombreux sont les élus qui parlent en notre nom. Il faut donc faut tailler dans le vif en supprimant, en particulier, le Conseil Départemental et en revoyant l’articulation entre les communes et les intercommunalités pour clarifier les compétences et les dépenses, le tout ayant comme finalité de remettre le citoyen au cœur du système et surtout diminuer le nombre d’élus.
Et surtout leur dire qu’ils sont de moins en moins légitimes pour décider quoi que ce soit sur ce dossier.
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