Déconstruction de navires, « 2 poids - 2 mesures » ?
Suite à une décision récente (lire une dépêche, le reportage au JT de 20h) de la cour suprême indienne, l’ex-paquebot France serait autorisé à se faire déconstruire dans les chantiers d’Alang en Inde. D’après un article du Figaro la démolition est imminente.
La fin de l’ex-France ici devant la plage indienne d’Alang.
En ce même lieu, il y a peu, un autre ex-fleuron français... le Clemenceau
Vous vous souvenez certainement de l’histoire rocambolesque du Clemenceau qui aurait dû subir le même sort en mêmes lieux. Mais Jacques Chirac, alors président de la République Française, avait rappelé le porte-avions depuis son mouillage devant les plages indiennes pour un retour à son berceau de Brest via le cap de Bonne Espérance (à l’aller les Français avaient payés, dans la douleur, leur écot aux autorités du canal de Suez). Bref une aventure peu glorieuse résumée par un dessin humoristique tranchant ...
D’habitude le temps possède des vertus apaisantes. Mais il s’agit ici d’un cas d’espèce où au contraire, le temps passé aurait plutôt tendance à donner aux acteurs de l’affaire du Clem’ un goût encore plus amer. En effet un rapide calcul montre, en prenant les hypothèses les plus défavorables, que le Blue Lady est proportionnellement deux fois plus amianté que le Clemenceau !
2 poids ...
Clemenceau :
- poids du bateau : 24 200 tonnes
- poids d’amiante : 1 000 tonnes (poids "tout compris", c’est-à-dire en ignorant le désamiantage partiel réalisé sur le Clem’ avant "envoi" en Inde)
Pour le Clem’ l’amiante représente moins de 4,2 % du poids total.
Ex-France (Norway, Blue Lady) :
- poids du bateau : 13 960 tonnes
- poids d’amiante : 1 200 tonnes
L’amiante représente donc 8,6 % du poids total de l’ex-France, plus du double de ce qu’il y avait à bord du Clemenceau. Le ratio danger couru par les travailleurs versus poids de la tonne d’acier récupérée est très nettement en faveur du Clem’ !
Une décision ... qui ne fait que des perdants
Il est parfois des décisions dans lesquelles personne n’a rien à gagner, c’est le cas de cette autorisation accordée par la cour suprême indienne de détruire l’ex-France dans ses chantiers d’Alang.
- cela peut donner des remords à l’Etat français ;
- c’est le comble de l’inégalité... pour la justice indienne ! ;
- cela confirme le manque à gagner pour les chantiers, qui ont raté le Clem ! ;
- c’est une bataille perdue pour les ONG luttant pour l’amélioration des conditions de travail sur les chantiers.
Mais il est vrai que les deux cas ne sont pas semblables en tous points.
D’un côté le propriétaire "principal" du Clemenceau était clairement identifié, en l’occurrence l’Etat français, et celui-ci n’a jamais fuit ses responsabilités : désamiantage préalable et engagements (formation/fourniture d’équipements/suivi) auprès des travailleurs sur les chantiers de déconstruction d’Alang.
De l’autre l’empilement des propriétaires (achats/reventes rapprochées, parfois même entre filiales d’un même groupe... une technique éprouvée dans le monde maritime), mais surtout une capacité d’attente bien supérieure (le Blue Lady est mouillé/échoué, selon la marée, depuis plus d’un an devant Alang). Jacques Chirac ne pouvait pas "se permettre" de laisser, de longs mois, un navire de la marine française, fût-il désarmé, dans une situation aussi inconfortable... Pourtant avec le temps, il s’avère que jouer la montre aurait pu porter ses fruits.
2 mesures !
Pour les autorités indiennes (il n’y a que les indécis qui ne changent pas d’avis !) d’autres heures, d’autres moeurs.
Côté propriétaires de navires : d’autres décideurs, d’autres moeurs.
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