Défaite victorieuse de Obama ou victoire perdue de Romney, réélection dans une Amérique au point mort
Cette bataille électorale 2012 aura été aussi féroce que coûteuse, jamais autant de publicités télévisées n'ont été produites pour vanter les qualités de l'un ou pointer les défauts de l'autre. La campagne républicaine et la campagne démocrate ont ainsi atteint des sommets, près d'un milliard de dollars chacune. Au-delà de cet aspect financier, la principale surprise sera donc rapidement venue de Mitt Romney. Ce dernier présenté en un premier temps comme peu crédible l’emportera assez nettement dans les trois débats opposant traditionnellement les deux camps. De même, les meetings de Obama ressembleront souvent à des réunions de nostalgiques, n’ayant plus pour idéal que de conserver le pouvoir. Le candidat Républicain supposé « conservateur » marquera à contrario par un regain de fraîcheur et de dynamique, autant dans les médias que durant les rassemblements publics. Cette campagne 2012 vît Obama perdre de son ambition programmatique, voire, de son charisme, celui dont il fît preuve en 2008. Mitt Romney offrît au Massachusetts une politique progressiste, créant bien avant que Obama s'y essaya, une politique de santé digne de nos modèles européens. Qui aura été le plus progressiste ?
Oui, comme souvent pour un second mandat, le camp démocrate fut donc assez conservateur dans la forme et le fond, outre les « sujets de société » ou questions de moeurs qui servirent d’alibis assurant un reste de novation dans les propos, pour peu que l’on abonde dans le sens des valeurs démocrates. Pour le mélange de grand chef d’entreprise, de gouverneur efficace du Massachusetts, et d’homme de foi, Mitt Romney apporta ainsi le vrai sang neuf à cette campagne. La victoire de Obama impose donc de survoler à nouveau son bilan afin de souligner toute la différence entre sa victoire de 2008 et sa "défaite victorieuse" de 2012. Cette élection laisse l'Amérique dans une répartition quasi identique des pouvoirs. Une présidentielle pour une Amérique au point mort ?
Il y a quatre ans le sénateur démocrate Barak Hussein Obama était présenté comme le premier homme noir, en réalité métisse, accédant à la Maison-Blanche. Tel semblait être son principal "argument". Les Etats-Unis semblaient vivre un grand rendez-vous avec l'Histoire. Chacun oubliait que l’ex sénateur de seconde zone ne fut pas sans être soupçonné par le passé de fréquentations pour le moins douteuses. Les Etats-Unis détenaient un nouveau mythe dans le style de « JFK » mais cette fois, de son vivant, et l’étant devenu instantanément. Le mythe ressort trés affaibli de ce scrutin 2012.
A peine élu en 2008, Obama déclarait depuis une tribune installée dans le Grant Park au bord du lac Michigan « qu’il a fallu longtemps, mais grâce à ce que nous avons accompli en cette année 2008, avec ce moment historique, le vrai changement est enfin arrivé en Amérique ». Cette phrase a beaucoup perdu de sa force aujourd’hui. En 2012, Obama ne tardera pas à prononcer exactement les mêmes paroles sur les forums sociaux, avant officialisation des résultats.
En 2008 les commentateurs ne tardaient pas à faire un peu hâtivement le parallèle avec Martin Luther King et son « Y have dream ». Un rêve se réalisait et la foule immense s’imaginait prendre le pouvoir par la volonté du Ciel selon le slogan « yes we can » tiré de la Bible. Une certaine pensée magique se répandra sur toute l’Amérique. La couleur de peau était-elle devenue en soi un programme politique ? Les symboles suffisaient alors à changer la face du monde. Barak Obama était fait prophète. Le nouveau maître du monde affichait un profil de conte de fée. Hélas, les faits ne tardèrent pas à contredire quelques espoirs démesurés. Quatre ans plus tard, toutes ces comparaisons ne sont plus de mise. Seul Martin Luther King n'aura jamais perdu de sa superbe.
En 2008, Obama maintenait ainsi en fonction une grande partie de l’équipe du « diable » incarné dont on sut affubler Georges Bush. Certes, l’équipe de Chicago ayant longtemps accompagné l’ex sénateur devenu Président faisait son entrée dans les palais du pouvoir. Le changement par Internet ne manquerait pas de sauver la planète. Plus que jamais, la politique serait médiatique. Les réseaux sociaux allaient être le nouvel eldorado électoral. La politique se ferait plus que jamais en coulisse et par le virtuel. Le nouveau président irait beaucoup dans les émissions les plus populaires. Si le bilan économique et social pour le moins décevant d’Obama quatre ans plus tard n’est pas sans heurter une part de son électorat (son parti ne l'ayant pas suivi récemment sur certains votes), c’est que l’échec économique (dette, chômage…) s’est doublé d’une prise de conscience, le programme Démocrate 2008 manqua de sérieux et de consistance. Celui de 2012 n'aurait rien à lui envier. Son programme ? Tout pareil, il est vrai que peu de choses ont changées, dans un sens favorable.
Toujours en 2008, le héros alors quasi planétaire prononçait un discours historique concluant par « Si jamais quelqu'un doutait encore que l'Amérique est un endroit où tout est possible, se demandant si le rêve de nos pères fondateurs restait vivant, si quelqu’un doutait encore du pouvoir de notre démocratie, la réponse lui est donnée par mon élection ». Il prononcera plus ou moins le même discours quatre ans plus tard. "Yes we can"...faire les mêmes promesses.
Face à une foule beaucoup plus électrisée que celle de 2012 et inondée de pancartes « Yes we can » ornées de drapeaux américains, le monde, voire, l’univers tout entier, s’annonçaient comme paradisiaques à partir de 2008. La nouvelle First Lady, Michelle Obama, le vice-président des Etats-Unis, Joe Biden et leurs familles, ne manqueront jamais de nourrir les grands groupes de presse au travers d’une présence permanente dans tous les types de journaux, de la presse « officielle et sérieuses » à la presse people. Sa réaction première sur les forums sociaux pour sa réélection de 2012 annoncerait'elle la même "com présidence" ? En tout cas, être métisse étant entré dans les moeurs, l'urgence est là de trouver de nouveaux éléments de langage.
Depuis 2008, le président ne rechignera jamais à danser sur les plateaux des télés qui surent si bien le faire roi. Le « concept » Obama avait fait un tabac. Hélas, bien des promesses partaient en fumée. Le scandale maintenu de Guantanamo permettait un retour rapide sur terre. Pour ceux qui ont suivi cette campagne 2012 de Obama, difficile de n’avoir pas constaté un grand affaiblissement de la motivation. Le plat était réchauffé. Pour 2012, le candidat démocrate aura fait une campagne digne d’un conservateur, invitant surtout la population à rester sous sa présidence, Mitt Romney étant présenté comme une aventure aléatoire et dangereuse. Ce positionnement de Obama misant sur la peur s’apparentera à de la mollesse durant les fameux trois débats télévisés. Mitt Romney s’y montrera plus dynamique, volontaire, plus naturel. Au niveau médiatique, sauf à parler de pleine victoire, Romney l’aura au moins emporté en authenticité. Telle sera la principale défaite de Obama, celle qu’il a subi sur son terrain, celui de la "com". Les deux candidats allaient désormais se situer à égalité dans les enquêtes d’opinion jusque ce soir de réélection. Oui, la surprise 2012 aura bien été Mitt Romney, jusque cette "victoire perdue" de justesse. Cette réélection laisse l'Amérique inchangée et ouvre à cette "défaite victorieuse" de Barak Obama. Yes we can ? Plus personne ne le disait.
Après son élection de 2008, Obama restera longtemps « intouchable » comme un rêve auquel on veut croire au-delà de toute raison. Les observateurs les plus lucides soulignaient le sacre du premier « média- président ». Un an et demi avant sa première candidature à la gouvernance du monde, Obama n'était qu'un sénateur sans grande notoriété, sans insister sur la moralité toute relative de certains de ses proches. Mais, son habileté pour fasciner les réseaux faiseurs de rois n’éveillera aucun doute. L’homme est habile, d’autant plus au royaume de la société du spectacle. Il savait faire. Il saura faire, en 2012 aussi. Obama a toujours été un bon communiquant. « Yes we can », aussi raconter les plus belles histoires ? Sa réélection le rendra t'elle plus humain ou plus naturel ? Ira t'il moins danser sur les plateaux télé ?
En 2008 l’image « sur dégradée » de la famille Bush permit une « sur idéalisation » de Obama. La fameuse « Obamania » battra tous les records au niveau de l’audimat. Obama serait parfait ou ne serait pas. Cette élection du 44e président des Etats-Unis marquait par un niveau de participation sans précédent dans de nombreux Etats-clefs. Tel n'est pas le cas en 2012. Pas loin de 135 millions d'électeurs allèrent voter, en 2008, contre 120 millions en 2004. Le candidat malheureux Mac Cain emprisonné dans l’étrange attelage qui le liait à l’exubérante et très autoritaire Sarah Palin reconnaîtra sa défaite en déclarant que « le peuple américain a parlé, et parlé clairement (…) à travers cette élection historique » reconnaissant au côté de sa colistière vedette « la signification particulière de cette élection pour les Noirs américains dans la fierté légitime qui pourra être désormais la leur ». La grandeur et dimension Historique de la victoire de 2008 rend celle de 2012 presque anodine.
Le bilan Obama ? En novembre 2008, le taux de chômage s'élevait à 6,5 % de la population active selon l'OIT, soit 1,3% de plus qu'un an plus tôt. Il se situait aux alentours de 8% en janvier 2009, lors de l'entrée à la Maison-Blanche de Barack Obama. Le chômage n'aura été inférieur à 8% qu'un seul mois durant tout le mandat Obama. Cette situation ne fut connue que deux fois depuis 1947, en 1974 et en 1982. Un « record » de 10,2% a même été franchi en octobre 2009, du jamais vu depuis les années 30. Récemment et de façon statistiquement « miraculeuse », l'administration Obama aurait eu le mérite d'avoir réussi à stopper l'hémorragie et à inverser la tendance. En septembre 2012, le chômage redescendait sous la barre des 8% pour se situer opportunément à 7,8%. Barak Obama a échoué. Selon les économistes encore objectifs, il reste à un « niveau de crise", le taux normal attendu étant évalué à 5%. Le mandat Obama aura été celui de l’explosion de la dette. Outre la crise économique mondiale sans équivalent depuis celle des années 30, difficile de ne pas admettre que l’on put mieux faire au niveau économique et social. Yes we can ?
S’agissant de la croissance, la réjouissance n’est pas non plus de mise. Obama prit le pouvoir alors que le PIB passait entre fin 2007 et fin 2009 de plus de 13,2 milliers de milliards de dollars à moins de 12,8. L'équipe démocrate prétendît longtemps augmenter le PIB de 3,2 % dès 2010, puis de 4 % et 4,6 % les années suivantes. Si la croissance fut légèrement au rendez vous en 2010, elle ne dépassera jamais les 3%. Elle devait même stagner par la suite à 1,7 % en 2011. Les observateurs la prévoient autour de 2 % pour 2012. Yes we can ?
La dette ? Elle caractérise le « bilan » de Barak Obama dans ce qu’il a de plus sombre. George Bush avait certes fait passer la dette publique de 5 700 milliards de dollars à 10 600 milliards, soit un bond de 85 %, mais échelonnée sur ses deux mandats, donc en huit ans. Depuis le mandat Bush le montant n'a cessé d’augmenter plus encore et quasiment en continu, de façon toujours plus inquiétante. La dette des États-Unis atteint aujourd'hui 16.000 milliards de dollars, soit 51 % d'augmentation dans la durée d’une seule mandature, celle de Obama. Le plan de relance de 780 milliards de dollars (investissement dans la recherche, soutien à la politique de santé, allégements fiscaux, relance des énergies propres…) n’aura vraiment pas tenu ses promesses. La Réserve fédérale et le Trésor ayant conjointement racheté jusqu'à 2 000 milliards de titres de dette "pourrie", la situation budgétaire ne fit que se dégrader plus encore. La Fed annonçait encore en Septembre dernier l’acquisition de titres défectueux au rythme de 40 milliards de dollars par mois sans limite de temps, jusqu'à ce que la perspective du marché du travail s'améliore, autant dire, un jour peut être... Yes we can ?
Obama ne peut plus se dédouaner d’une grande part de responsabilité dans cet état des lieux général assez catastrophique des Etats-Unis, sans souligner une perte d’autorité certains sur la scène internationale. L’Iran ne sembla jamais vraiment inquiété, la Russie non plus, la Chine pas plus.
Au niveau économique, il est clair qu’il fut plus habile de s'attaquer en priorité à la résorption de la dette pour apaiser les tensions sur les marchés et donc relancer l'économie, plutôt que se lancer dans une politique de relance trop inégale pour produire de réels effets. D’autres commentateurs plus inféodés à Obama prétendent à contrario qu’il a évité le pire aux Etats-Unis. Rappelons que le taux de pauvreté a, quant à lui atteint 15%, le plus haut niveau depuis plus de vingt ans. L’Amérique de Obama est écrasée sous une dette exorbitante, un chômage et une pauvreté de masse sans équivalent auparavant. En ce sens parler de « défaite victorieuse » semble plus juste s’agissant de la réélection de Obama, autant dire le prolongement d’un symbole masquant une réalité économique et sociale pour le moins inquiétante.
De manière symbolique, Obama avait tenu son dernier meeting pour 2012 dans l'Iowa, là où il initia sa campagne victorieuse de 2008. Il devait conclure par "Je suis revenu encore une fois dans l'Iowa pour vous demander votre voix. Je suis venu vous demander de nous aider à terminer ce que nous avons entrepris, parce que c'est ici que notre mouvement en faveur du changement a commencé". Envahi par l'émotion, Obama interrompît son intervention la gorge nouée tout en essuyant quelques larmes. Cette réélection devrait le rassurer. Pour l’Amérique et le monde, il n’est pas exclu que la sueur et les larmes soient au menu du proche avenir. Puisse Ann Romney pouvoir redire encore que son époux Mitt « la fait toujours rire après 43 ans de mariage » . La cohabitation annoncée entre le Congrès et Obama permet pareillement de parler d’une « défaite victorieuse » pour Obama ou de « victoire perdue » pour Romney. La faiblesse de l’écart en terme de voix ouvre à la même relativité. Voilà de quoi apaiser les émotions contraires de chacun. Qu’une élection dépende autant de l’Ohio et de la Floride interroge sur la démocratie américaine.
Cette présidentielle marque d’abord le succès d’un homme, beaucoup plus que celui d’un pays. Son concurrent entendait à contrario représenter premièrement son pays et son fameux « rêve américain », bien au-delà de sa personne. Puissent les pays qui font peser les plus graves menaces sur le monde, notamment l’Iran, croire que les Etats-Unis sont vraiment de retour, outre l’état économique et social catastrophique dans lequel le premier mandat d’Obama laisse l'Amérique. Défaite victorieuse ou victoire perdue, ce scrutin de 2012 offre un pays scindé en deux de façon quasi égale. Il reste à ce président renouvelé sans véritable dynamique à rassembler son pays, la "victoire" la plus essentielle face à toutes les tensions prochaines.
Guillaume Boucard
NB : article à inscrire dans le suivi de la Présidentielle Américaine 2012
- cf les deux articles précédents.
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