Défendons la corruption !
Corrupteurs et corrompus, aujourd’hui, on vous méprise, on vous bafoue. Il est temps pour vous de sonner la révolte. Haut les cœurs ! Car si la France, éternelle et étatique, survit encore, c’est grâce à vous, et à vous seuls !
Avec l’affaire Cahuzac, la glace a rompu : c’est la débâcle, aussi surprenante et inévitable que celle de 1940. Souvenez-vous, Aragon chantait alors, en traversant la Loire, une France délaissée. Aujourd’hui, les médias, nouvelle armée, nous font boire « comme un lait glacé, le long lai des gloires faussées ».
Horreur ! Stupéfaction ! Nos élites seraient corrompues ! Enfin, pas toutes nos élites, bien sûr, il resterait encore quelques braves types, même si nul n’ose plus vraiment fournir un nom de peur de passer, au mieux, pour un gros naïf à qui on peut mentir « les yeux dans les yeux ».
Mais la question de fond, pour l’instant, qui la pose ? La seule question qui vaille dans la déroute : la France a-t-elle encore les moyens de mépriser la corruption ?
Oui, je sais, la corruption, c’est mal, et, heureusement, c’est lourdement puni par le code pénal français, ce qui est bien la preuve que c’est mal... Mais finalement, n’est-ce pas un mal nécessaire ?
Car enfin, regardons en face la débâcle française : nous avons un indice de corruption élevé. Selon Transparency International, nous nous situons au 9ème rang des pays européens les moins corrompus. Et, ô surprise, comme le rappellent les commentateurs les plus avisés, on trouve une corrélation assez remarquable entre le degré de corruption et le taux de dépense publique. Plus le taux de dépense publique est élevé (et, en France, avec 57%, il tutoie les sommets), plus le taux de corruption a tendance à être élevé. Etonnant ? Non. La corruption est simplement un réflexe de survie généralisé, pour que surnage le système social que nous payons tant.
Raisonnons aux extrêmes : imaginez-vous que l’URSS ait pu survivre pendant 70 ans à sa folie planificatrice sans marché noir institutionnalisé ? La corruption, devenue un rituel, a permis de déterminer cahin-caha où se situait une partie des véritables intérêts de la population, le véritable prix que les Soviétiques étaient prêts à payer pour certains biens et services. Aujourd’hui, des Etats comme le Venezuela ou l’Angola ont cette folie de la dépense publique et de l’autoritarisme. Mais ils survivent eux aussi, justement parce que leur taux de corruption est un des plus élevés au monde selon les classements internationaux.
Alors, certes, la France n’est ni l’URSS, ni l’Angola, elle n’est peut-être même pas l’Italie. La seule route qui vaille pour diminuer la corruption serait de diminuer la dépense publique : moins d’argent dans les mains des politiques, moins de marchés publics, moins de subventions généreusement accordées aux associations, etc.
Mais ce n’est pas cette France que veulent les Français dans leur majorité. La France a une passion multiséculaire pour la mise en pratique d'une mystérieuse expression : « l’intérêt général ». C’est parce que cette chose est mouvante, impossible à définir dans la vie de tous les jours, avec des objectifs souvent contradictoires, qu’elle engendre une bonne partie de la corruption dans les sphères étatiques. Vous aimez un peu trop l’intérêt général ? Vous adorerez la corruption. Les deux font la paire.
Dès lors, soyons cohérents. Le prix à payer pour préserver notre « modèle social », c’est un taux de corruption élevé dans la classe politique et parmi les fonctionnaires. Et pour que ce système survive, il faut garder l’apparence de la plus haute vertu et condamner fermement tous ceux qui se font prendre. A tout prix, la France doit mépriser la corruption. Car un régime politique engendrant par nature une forte corruption ne peut pas se passer de l’apparence de la vertu. Sous peine d’une débâcle immédiate.
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON