Démocratie directe et projet de société
Un reproche couramment adressé à la démocratie directe est de ne pas porter ostensiblement un véritable projet de société et de sembler se limiter à un catalogue de procédures.
Ainsi nous sommes couramment mis en face de raisonnements de ce type : « En mettant la Démocratie Directe comme solution à tous les problèmes, votre discours tend à oublier la fin qui est : quelle société veut-on ? Vous privilégiez ainsi un moyen, un mode d'expression du peuple, alors qu'il y en a plein d'autres, d'une part, et qu'il y a bien d'autres réflexions à aborder, d'autre part. Cela ressemble plus à un exercice de dialectique qu'à un vrai programme de société... Il n'y a pas de vision ou d'aspiration sociétale, c'est uniquement le résultat des votes qui nous dira ce qu'on doit vouloir. »
Ce raisonnement, par l’intermédiaire de ses différents tiroirs, rassemble plusieurs critiques distinctes mais amalgamées à dessein, classiquement adressées à l’encontre de la démocratie directe. Ces critiques sont, naturellement, empreintes d’une mauvaise foi évidente, que nous allons nous faire le plaisir salutaire de débusquer.
En premier lieu, il est faux de dire que nous mettons la démocratie directe comme solution à « tous les problèmes ». La démocratie directe ne constitue une solution qu’au problème créé par le dysfonctionnement des procédures de la démocratie représentative. Elle n’a pas vocation à résoudre les difficultés rencontrées par la société face aux contraintes naturelles, ou aux règlements des litiges entre citoyens, par exemple. Elle ne constitue qu’un outil à l’usage de la collectivité pour prendre ses décisions. Elle est l’organe, pas la fonction.
En second lieu, ce raisonnement cherche visiblement à nous renvoyer à nos chères études au prétexte qu’il y aurait bien d’autres choses plus importantes à fouetter que de se prendre la tête, comme nous le faisons, sur la modification des procédures institutionnelles. C’est ainsi que nos amis contradicteurs objecteurs de croissance, pour ne parler que d’eux, nous somment de nous prononcer sur, par exemple, l’aéroport de Notre Dames des Landes, l’arrêt du nucléaire, l’interdiction de la publicité, la limitation du transport aérien, la vérification de la non-obsolescence des produits manufacturés, etc…
Nous y répondons tout simplement en indiquant que ces réflexions et ces débats pourraient constituer de parfaits exemples d’utilisation de la démocratie directe. C’est en effet, par la mise en œuvre des procédures de la démocratie directe, et non pas par celles de la démocratie représentative, ou même participative, que ces questions pourraient être traitées de la façon la plus démocratique, c’est dire en faisant intervenir les avis de « tous » ceux qui souhaiteraient s’exprimer, sans restriction aucune d’accès au processus d’élaboration de la décision.
Enfin, étudions cette critique finale : la démocratie directe n’est pas un vrai programme de société...Il n'y a pas de vision, pas d'aspiration sociétale, c'est uniquement le résultat des votes qui nous dira ce qu'on "doit vouloir".
En voyant les choses ainsi, nos contradicteurs confondent la fin et le moyen, ou plus exactement ils lient entre elles ces deux notions, alors qu’elles sont de natures différentes. Quand on nous dit qu’en parlant de la démocratie directe nous privilégions le moyen au détriment de la fin, on sous entend manifestement qu’il faudrait forcément rendre ces deux notions interdépendantes. Autrement dit, le « moyen », c’est à dire la démocratie directe, devrait contenir en elle les composantes de la « fin », c’est à dire le projet de société.
Nous somme en complet désaccord avec cette vision de la politique !
Nous pensons même, au contraire, qu’il est impératif que les procédures d’élaboration des décisions collectives soient de nature purement technique, c’est à dire finalement « apolitique », et ne présupposent pas du contenu de leur accouchement. Nos contradicteurs sont manifestement influencés, voire formatés, par le système oligocratique actuel qui, précisément, s’est donné des moyens adéquats pour parvenir à des fins pré-programmées, c’est à dire qu’il a créé la démocratie représentative précisément pour pouvoir imposer son modèle de société.
« Démocratie directe » et « Projet de société » sont donc deux notions de nature différente qui ne peuvent être associées d’aucune manière. Les projets de sociétés, qu’ils soient globaux ou partiels, les mesures modificatives ou abrogatives de la loi ordinaire ou de la constitution, sont chacun et à chaque fois qu’ils s’expriment, des manifestations de la volonté populaire. Le problème, le seul problème qui nous intéresse à ce point du raisonnement, c’est de savoir comment tous ces voeux populaires vont pouvoir se concrétiser et faire évoluer l’organisation collective. Le seul problème, c’est de mettre en place la meilleure procédure et le meilleur dispositif pour que tous ces vœux individuels puissent se synthétiser en un vœu commun.
En regrettant que ce soit « uniquement le résultat des votes qui nous dira ce qu'on "doit vouloir", nos contradicteurs semblent rejeter l’idée que ce soit le peuple lui même qui porte, ou qui élabore par touches successives, son propre projet de société, comme si ce projet de société devait être porté par une élite éclairée, qui aurait pour objectif de le faire aboutir par un type de procédure faisant l’impasse sur la votation populaire. Ceci est, ni plus ni moins, la stratégie avouée de l’ « oligocratie ».
Ces mises au point étant effectuées, et afin d’éviter tout malentendu, il convient de préciser que le mouvement « Démocratie Directe & Résilience » porte, pour sa part, un projet de société dénommé « Programme pour une société de l’après croissance », qui propose un certain nombre de ruptures fondamentales au sein du corpus législatif actuel, notamment dans les domaines de la liberté individuelle, de l’égalité des chances, de la solidarité, de la création monétaire, du crédit, du rôle et du financement des pouvoirs publics, du droit des sociétés, de la transmission de la propriété, des biens communs, etc… Le tout assorti de propositions de lois concrètes et précises.
Notre position est que les éléments constitutifs de ce programme doivent être proposés, discutés, débattus et votés dans le cadre d’une démocratie directe instaurée et pas dans le cadre de l’oligocratie actuelle. C’est la raison pour laquelle, et en toute logique, notre action passe prioritairement par la promotion de la démocratie directe.
L’installation de la démocratie directe constitue pour nous un préalable incontournable, sans lequel aucune décision collective ne peut obtenir de légitimité démocratique.
- Extrait de Vers la démocratie directe -
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