Démocratie et obscurantisme : Peuvent-ils cohabiter ?
Comment concevoir et encore moins admettre que des milliers de libyens soutiennent encore Mouammar Kadhafi, exécutent ses ordres et tuent leurs propres concitoyens qui s’emploient à les libérer de la dictature de ce tyran ? On me dira que c’est par peur de répression ou par intérêt. Dans les temps où nous vivons ce n’est pas acceptable. Il s’agit là tout simplement d’un aveuglement coupable impossible à imaginer dans un pays civilisé et une société démocratique.
Le vrai problème dans les pays arabes aujourd’hui c’est l’ignorance de leurs peuples. Une grande partie des habitants sont analphabètes : plus de 60 % dans certains Etats du Moyen Orient et du Maghreb n’ont jamais fréquenté l’école moderne. D’où le fatalisme et l’indifférence à tout ce qui les entoure, qui caractérise leur existence et leur végétation dans la médiocrité et l’obéissance à des gouvernants auxquels ils font un serment d’allégeance à vie.
OBSCURANTISME, IGNORANCE ET FANATISME
Dans les milieux populaires arabes on croit encore au mauvais sort, aux djinns (les diables), à la sorcellerie, aux pratiques magiques et à leur influence bénéfique ou néfaste sur l’être humain et les animaux. L’emprise de la religion et des traditions ancestrales reste également très forte et bien ancrée dans les mœurs et les esprits. C’est Dieu et lui seul qui décide du sort de l’homme, qui amène la pluie et le beau temps, la bonne ou la mauvaise récolte. Si pour Sarkozy : il faut travailler plus pour gagner plus, pour le commun des musulmans : il faut prier plus pour gagner plus.
Cet aveuglement à vouloir tout attendre de Dieu, cette obstination à se soumettre aux aléas de la destinée, à adorer les gouvernants jusqu’à en faire des êtres surhumains, prééminents, infaillibles et des représentants de Dieu sur terre, font partie des convictions intimes et profondes des populations. Si Kadhafi se maintient au pouvoir depuis quarante deux ans, Ali Salah depuis trente deux ans, si Moubarak et Ben Ali sont restés à la tête de leurs pays trente et vingt trois ans, c’est parce qu’ils ont trouvé des « citoyens » qui les ont acceptés et écoutés pendant tout ce temps là et des hauts fonctionnaires complices qui ont fermé les yeux sur les malversations et les détournements de millions de milliards de dollars que ces chefs d’Etat ont mis à l’ombre dans des banques étrangères. Des peuples ignorants et des dirigeants scélérats et rapaces, voila comment se présente aujourd’hui la communauté arabe, à l’exception d’une élite instruite qui reste minoritaire et divisée entre les partisans d’une société laïque indépendante des conceptions religieuses et ceux optant pour une OUMMA arabo- musulmane fondée sur le respect et l’attachement aux principes de la charia.
A l’heure actuelle il est incontestable que les adeptes d’un Etat islamique « moderne et modéré » ont tendance à avoir les faveurs de l’opinion publique. Mais il arrive malheureusement que les thèses et les thèmes développés par les orateurs dans les mosquées ou au sein des organisations religieuses produisent des effets très divers et souvent contradictoires sur les auditeurs, selon qu’il s’agisse d’Imams progouvernementaux ou appartenant à des sectes orthodoxes opposés au pouvoir. Dans les deux cas le résultat est le même : bourrage des crânes, asphyxie des esprits et paralysie de la pensée. Les causeries religieuses devenues quotidiennes dans les mosquées, la radio, les multiples émissions de télévision par satellites sont pour quelque chose dans cette sclérose de la société et cette soumission aveugle aux dirigeants (de gouvernement ou de sectes) dont ils deviennent de fidèles serviteurs et les exécutants de leurs ordres. Un kamikaze commet son acte suicide pour obéir à son manipulateur qui lui donne rendez vous au paradis. Les quelques personnes encore dévouées à Kadhafi vivent toujours dans une sorte d’ivresse psychique qui les rend presque inconscients des actes qu’ils commettent.
L’EVEIL DES MASSES : avant la démocratie.
Comme nous l’avons dit plus haut, à l’exception d’une minorité de jeunes intellectuels et de quelques habitants des grandes villes, la masse populaire en Afrique et dans le monde arabe demeure encore plongée dans un sommeil profond. Son souci prioritaire et indispensable reste le pain quotidien. Beaucoup de paysans ignorent encore aujourd’hui la notion même de démocratie ou des droits de l’Homme. A l’occasion des élections nombreux parmi eux vont trouver un agent administratif pour lui demander quelle couleur de bulletin choisir.
A l’occasion de chaque sortie le chef de l’Etat se fait un véritable bain de foule. Les gens se bousculent pour le voir, l’approcher, le saluer, lui embrasser la main ou du moins arriver à sa hauteur pour le toucher. Des vivats et des youyous fusent de toute part. Kadhafi, Ben Ali, Moubarak, Ali Salah et bien d’autres encore ont passé des décades dans cette atmosphère de liesse. Pourtant nul n’ignore que la presque totalité de ces personnes qui viennent à la rencontre de ces leaders pour les saluer et brandir leurs portraits, sont des analphabètes, des gens misérables qui habitent dans des bidonvilles et des gourbis insalubres .
Bien souvent, quand on voit ces pauvres créatures attendre plusieurs heures sous une pluie battante ou sous un soleil de plomb pour voir passer le cortège de leur chef d’Etat, on a envie de leur demander ce que ce « Monsieur » leur offre comme confort de vie et de bonheur pour l’adorer à ce point. Kadhafi a peut être raison quand il affirme qu’il a toujours bénéficié de l’amour de son peuple. Mais s’agit-il en réalité d’un véritable attachement populaire envers leurs dictateurs qu’ils accueillent avec tant de cérémonie ou tout simplement d’une occasion à ne pas rater, pour ces populations en manque de spectacle pour lesquelles l’apparition d’un cortège officiel avec tout l’apparat et le folklore qui l’accompagnent est un événement exceptionnel ?
Il est donc fort à craindre que la relève des dictateurs actuels ne soit qu’une simple passation de pouvoir entre d’anciens et nouveaux profiteurs. Les masses arabes ont besoin de sortir d’abord et avant tout de l’obscurantisme dans lequel elles sont enfermées et de se débarrasser de cette gangue de l’analphabétisme qui enveloppe leurs esprits. Espérons que l’actuelle vague de révolutions draine avec elle une génération de nouveaux dirigeants plus honnêtes et plus patriotes qui sauront contribuer à l’éveil de leurs peuples et à l’édification d’une société plus démocratique et plus prospère.
Ce n’est qu’une fois qu’ils seront en mesure de choisir librement et en toute conscience leurs dirigeants et représentants et de pouvoir, sans crainte ni contrainte, leur demander des comptes et le cas échéant les révoquer, que les habitants de ces régions auront enfin la chance d’entrevoir les premiers rayons de la démocratie.
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