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Accueil du site > Tribune Libre > Déodorants en usage au PS et ailleurs contre le suint de l’ambition

Déodorants en usage au PS et ailleurs contre le suint de l’ambition

Briguer la direction d’un grand parti demande du doigté. On est vite soupçonné de carriérisme. L’ambition dont on est dévoré ne doit pas transpirer, on risquerait de déclencher un réflexe de répulsion. Aussi à la question abrupte sur son éventuelle candidature au poste convoité de président ou de premier secrétaire, le postulant use-t-il de précautions de langage puisées dans une langue, communément appelée « langue de bois » pour ses formules calibrées, toutes prêtes, invariables.

Trois des principaux prétendants au poste de premier secrétaire du PS viennent, ces dernières semaines, d’en donner chacun un exemple.

L’art du sous-entendu

Mme Royal (1), déjà présidente de la région Poitou-Charente, est celle des trois qui s’est montrée la moins prudente. Elle s’est déclarée la première le 16 mai 2008. Sans doute s’est-elle bien gardée d’affirmer une volonté personnelle. L’euphémisme était de mise : elle offrait une posture de soumission à la volonté éventuelle des militants qu’elle sollicitait : «  Si les militants en décident ainsi et l’estiment utile pour le PS, a-t-elle dit, j’accepterai avec joie et détermination, d’assumer cette belle mission de chef du Parti socialiste ». Il n’empêche que sous l’apparente soumission du moment aux militants était guigné le titre de « chef du parti » explicitement nommé. Mme Royal laissait percer son ambition.

Le 15 septembre dernier, elle a dû faire marche arrière. Sur TF1, à la question de savoir si elle était toujours candidate, elle répondait qu’« (elle n’en faisait) plus un préalable », proposant de « mettre au frigidaire » les questions de candidature. Ainsi paraissait-elle cette fois faire preuve d’esprit de sacrifice en préférant le regroupement par compromis à sa propre ambition. C’était la fonction du sous-entendu employé. Car cette concession ne valait pas renonciation : le débat était certes ouvert, mais un accord sur son nom restait possible.

L’art de la périphrase

Cinq jours plus tard, samedi 20 septembre 2008, Mme Aubry (2), déjà maire de Lille, se mettait sur les rangs, selon le Monde.fr du même jour, en se disant « prête à prendre toutes ses responsabilités » à la tête du PS, « si les militants lui (faisaient) confiance (…) ». Pour être familière des « responsables » de tous poils, la formule n’en est pas moins cocasse. Elle vise à ne surtout pas nommer ce qu’impliquent ces fameuses « responsabilités » : il n’est surtout pas question ici de parler de « chef du parti ». La périphrase consiste précisément à désigner un objet sans jamais le nommer avec précision. Or, quoi de plus normal que de devoir prendre toutes ses responsabilités dont nul citoyen ordinaire ne peut même s’exonérer ? En somme, sur un ton héroïque, Mme Aubry apprend urbi et orbi qu’elle est prête à se conduire comme un citoyen ordinaire. La belle affaire ! Aurait-on pu la soupçonner du contraire ?

En fait, la périphrase cache un euphémisme : « prendre toutes ses responsabilités » revient pour Mme Aubry à laisser entendre qu’elle est disposée à tout affronter pour s’asseoir dans le fauteuil de premier secrétaire et à en exercer toutes les prérogatives, mais en justifiant sa démarche par une obligation morale forcément supérieure.
L’accusation d’ambition personnelle en est désamorcée. Car peut-on reprocher à quelqu’un d’obéir prioritairement à l’autorité d’un devoir moral ?

L’art de l’euphémisme

M. Delanoë (3), déjà maire de Paris, avait révélé, lui, ses intentions le 26 août 2008. Interrogé par le journal Le Monde sur sa candidature éventuelle au poste de premier secrétaire, il n’avait pas paru fuir la question. Il avait répondu franchement « oui ». Mais ce n’était pas à la question posée ! C’était sur sa volonté d’engagement et non d’occuper le poste : «  Oui, avait-il dit, je mettrai toute mon énergie au service de nos convictions. » La différence est de taille. Car la question n’était pas de savoir s’il pouvait mégoter son énergie au service de convictions collectives, à quelque niveau de responsabilité que ce fût ?

Ainsi, à une question sur l’occupation d’un fauteuil de direction, M. Delanoë a-t-il répondu par la protestation de modestie d’un préposé « au service » des idéaux collectifs du parti, où n’entre évidemment aucun relent d’ambition personnelle. Même le titre déjà dévalué de « premier secrétaire » que le Parti socialiste préfère à « président  », au nom sans doute d’un idéal d’égalité entre les militants, cède la place à une appellation encore plus humble dans la bouche de M. Delanoë : il revendique seulement le nom de « premier signataire d’une motion pour une orientation politique qu’il souhaite majoritaire ». Peut-on faire preuve de plus d’abnégation quand on brigue un pouvoir ? Y a-t-il euphémisme encore plus sédatif ?

Oui, car cette place de « premier signataire d’une motion » est encore trop éminente. Passée au laminoir euphémique de M. Delanoë, la fonction de premier secrétaire du Parti socialiste finit par être aplatie en « première tâche de militant ». Plus de protocole entre les dirigeants ! On est tous des militants aux tâches diverses. Tout juste y en a-t-il une qui est qualifiée de « première ». Que reste-t-il de l’accusation d’ambition envers quelqu’un qui ne rêve que d’être un militant comme les autres, tout juste distingué par « la première tâche » que « les socialistes » (lui auraient confiée) ?

On songe - toutes proportions gardées évidemment - au précédent illustre d’Octave, devenu Auguste, qui, dans les années 20 avant J.-C, après l’élimination de ses rivaux, a édifié un régime de pouvoir absolu sans jamais porter le titre de « rex », dont il savait comme il était tabou à Rome depuis la révolution de -509 qui avait chassé les rois étrusques. Il s’est contenté de se faire attribuer et de cumuler… toutes les magistratures républicaines. Et pour « couronner » son entreprise, il s’est montré d’une modestie pointilleuse sur les titres à lui décerner : il ne s’est fait appeler que « Princeps Senatus » - le premier du Sénat - qui donnera son nom à son régime, le principat, et, avec encore plus d’humilité feinte, il risquera ce joli paradoxe sans rencontrer d’objection, en se faisant appeler « Primus inter pares », le premier parmi ses pairs ! Ne dit-on pas qu’il y en a qui sont plus égaux que les autres ?

Ainsi l’ambition pour prospérer doit-elle se couvrir du manteau de la modestie. Le candidat aux honneurs a à sa disposition des procédés d’expression comme le sous-entendu, la périphrase ou l’euphémisme, dont la fonction commune est de masquer la brutalité d’un fait en en gommant les aspérités qui pourraient heurter les sensibilités. On ne risque donc pas de l’entendre annoncer sans détour : « Oui, je veux la place ! Et que les autres dégagent ! » La plus brutale ambition de patron s’habille de la livrée du serviteur et se sert de procédés d’expression comme de déodorants pour tenter de couvrir l’odeur âcre de suint qu’exsude par tous ses pores la bête de pouvoir. Paul Villach


(1) Mme Royal  :
- le 16 mai 2008 : «  C’est pourquoi si les militants en décident ainsi et l’estiment utiles pour le PS, j’accepterai avec joie et détermination, d’assumer cette belle mission de chef du Parti socialiste. »

- le 15 septembre 2008 : « Je n’en fais plus un préalable. »
(2) Mme Aubry :
20 septembre 2008 : «  Je suis prête à prendre toutes mes responsabilités » à la tête du PS, « si les militants me font confiance. »
(3) M. Delanoë :
26 août 2008 : « Oui, je mettrai toute mon énergie au service de nos convictions. Le 23 septembre, je serai le premier signataire d’une motion, pour une orientation politique que je souhaite majoritaire. J’accepterai donc évidemment la première tâche de militant, si les socialistes me la confient. »


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15 réactions à cet article    


  • gecko gecko 22 septembre 2008 11:34

    a force de ne laisser transparaitre qu’une guerre des déclarations purement tactique et réservé au jeu de la politique ils feraient mieux de monter au créneau et de s’affronter en terrain découvert. Ca en devient d’une hypocrisie et d’un jeu de chaises musicales et d’alliances tellement médiocre... enfin laissons les éléphants faire joujou !


    • barbouse, KECK Mickaël barbouse 22 septembre 2008 11:40

      bonjour, quand on n’est pas qualifié pour changer les choses, on change les mots, je ne sais malheureusement plus de qui est cette citation, mais je la trouve trés approprié a l’état de déliquescence lent et pénible du PS,

      S’ils pensent encore naivement qu’en se désignant un chef sur une modalité interne enfin accepter, ils vont éviter le discrédit politique dans lequel ils s’enlisent tant ils expriment la priorité de leur intérets avant celui des citoyens. Ils se trompent lourdement, le peuple de gauche a grandi, et ils n’ont plus d’autorité fiable.

      amicalement, barbouse.


      • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 septembre 2008 12:58

        Perso j’ trouve bien comme ils sont , je leur trouve un charme fou , ils ont un sens inné de comment ne pas gagner les élections . 

        Qu’ est-ce tu fés ce matin Ségolène ? Ben là j’ ai une unterwiu à la télé j’ avis raconter des trucs pour que les gens votent pas pour la gauche .

        Qu’ est ce tu fés Dominique , ben là j’ dis rien j’ suis résident à la banque mondiale mais j’ dis rien sur ce qui vient de se passer à la bourse .

        Qu ’est ce tu fés Jack , ben là j’ vais montrer ma tronche pour faire peur aux enfants ,

        Qu ’est-ce tu fés Jean-Pierre , ben là j’ traque le sauvageon dans la cité du Lion ;

        Qu’ est ce tu fés Pierre ? ben là j’ viens de remballer mon stand de la braderie de Lille , j’ ai vendu mes vieilles médailles et breloques

        Qu’ est-ce tu fés Julien ? ben j’ crois que j’ vais tirer un Dray sur ma carrière .

        Qu ’est-ce tu fés Michel ? hein ? comment ?


        • Bernard Dugué Bernard Dugué 22 septembre 2008 13:40

          Bonjour,

          Suggérons un plan Paulson pour le PS

          Injecter 700 000 000 milliards de neurones pour que cette formation politique se remmette à penser


          • docdory docdory 24 septembre 2008 11:14

             @ Bernard Dugué
            Serait-ce suffisant ?


          • Vincent 22 septembre 2008 14:46

            Super article Paul,

            avec cependant un petit manque de rigueur, où votre titre accrocheur nous promettait un ailleurs que le PS, malheureusement il n’y a que le PS.

             

            Dommage j’aurais aimé que votre sagacité s’emploie sur la méthode de notre prézydent actuel pour obtenir les manettes de l’UMP.

             

            Ou plus fort encore dans l’expertise les débats au seing des verts.

             

            Devrais-je comprendre, que vous aussi vous employez des arguments de vilains publicitaires dont vous dénoncez les méthodes pour que votre article puisse être lu.

             

            Ou votre analyse souffrirait-elle quelques failles et ne soit pas applicable ailleurs.

             

            Je pense que vous avez mi ce terme ailleurs pour ne pas être taxer de ségrégationniste mais la lecture de votre article pauvre en arguments laisse transparaître votre verbiage habituel.

             

            Beaucoup de mots pour rien.


            • Padar 22 septembre 2008 16:04

              C’est bien normal qu’il y ait une compétition, et je ne vois pas où est ce problème de sémantique...
              Et lorsque le signataire cite la fonction actuelle de ces 3 prétendants, comme si le fait d’être maire ou président de CR devait leur suffire... On reprochait un temps à Hollande de ne pas avoir été ministre, on ne va pas reprocher aux candidats à sa succession d’avoir gagné les suffrages des Français !
              Laissons le PS avancer vers son congrès, et espérons qu’il le réussisse, notre démocratie a tout à y gagner.
              Et, comme dans toute compétition, que le meilleur gagne et qu’il sache très rapidement s’imposer comme le leader et le meilleur opposant. C’est ce qu’on attendra forcément de lui (ou d’elle).


              • Vincent 22 septembre 2008 16:34

                Si seulement cela fonctionnait comme ça, mais non le problème est qu’à force de vouloir être diplomatique et à vouloir trouver sans arrêt des consensus on fini sur des compromis et la différence et notoire, car les vielle querelles ressurgissent toujours.

                Comment faire du neuf avec du vieux, comment prendre le parti en douceur, ben à ce rythme on risque de garder le même présydent pour cinq ans supplémentaire.

                Lui d’ailleurs n’a pas fait dans la dentelle, il a éliminé tous ses opposants s’est comporté en véritable dictateur au seing de son parti.

                La méthode n’est peut-être démocratique, pas élégante, mais c’est le résultat qui compte.

                Donc que nos socialistes arrêtent de se regarder dans le blanc des yeux et se disent les choses en face, que ça pète un bon coup, mais qu’ils cessent ces acrobaties sémantiques, politiquement correctes, elles ne trompent personne.

                Dans leur cas les socialistes ont besoin d’un bon coup de pied au cul, d’un gars qui rassemble au tour de lui le maximum, mais pas forcement tout le monde.

                On ne construit pas un parti solide avec des accords bancals dès le départ.

                 

                Enfin je serais à Reims au mois de novembre, en spectateur uniquement car trop déçu par l’expérience précédente ça promet.

                 

                 


              • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 septembre 2008 17:01

                Si seulement cela fonctionnait comme ça, mais non le problème est qu’à force de vouloir être diplomatique et à vouloir trouver sans arrêt des consensus on fini sur des compromis et la différence et notoire, car les vielle querelles ressurgissent toujours

                Vrai  ! les filles font des compromis à ceux qui leur font des consensus , à la fin elles sont tellement contentes qu’ elles font des concessions .


                • A. Nonyme Trash Titi 22 septembre 2008 17:57

                  Bonne analyse des contorsions linguistiques de nos z’amis les socialistes. On trouve les mêmes de l’autre bord, d’ailleurs. La gauche n’a pas, hélas, le monopole de la xyloglossie (1).

                  Pourtant une ambition clairement affichée n’est pas mauvaise en soit, mais elle heurte encore notre société. Alors voilà, on se retrouve avec des tournures de phrases pour le moins alambiquées même si tout le monde voit clairement qu’aucun des trois prétendants ne s’engage par pur esprit de sacrifice !

                  (1) Depuis le temps que je veux le placer celui-là !

                   smiley


                  • Paul Villach Paul Villach 22 septembre 2008 18:53

                    @ Trash

                    Je retiens ce nouveau mot "xyloglossie" comme aussi légitime que "xylophage". Paul Villach


                  • rocla (haddock) rocla (haddock) 23 septembre 2008 08:15

                    l’ a raison le lui , va nous pondre un zarticulet sur l’ interconicité de la xyloglossie , glosciant comme il se doigt ...


                  • polmeuris 22 septembre 2008 18:58

                    Ils sont aussi chiants que toi Villach. C’est la même histoire, des frimeurs qui causent contre des frimeurs. Un peu l’histoire de tes articles gonflants comme un mauvais cours de fac répété à la fin juin.


                    • polmeuris 22 septembre 2008 18:59

                      Tu devrais essayer d’écrire des trucs porno ça te dériderait. Si t’es cap’.


                    • docdory docdory 24 septembre 2008 11:31

                       Cher Paul Villach
                      Tous ses politiciens ne rêvent que d’une chose :être calife à la place du calife . Tous les moyens son bon , y compris violer ouvertement la loi de 1905 : cf le spectacle de ramadan offert par la mairie de Paris à Paris Bercy :
                      http://www.ripostelaique.com/Ramadan-business.html
                      Voir aussi les horaires de piscine musulmans organisés par la mairie de Lille ...
                      Une chose est sûre : bien que je ne supporte pas Sarkozy , jamais je ne voterais pour Delanoë ni pour Aubry ... ( pour Royal , je l’ai déjà fait et je le regrette presque , néanmoins elle n’a aucune chance d’être la candidate PS à la prochaine présidentielle ! ) .

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