Dépendance de la presse : les soupçons d’un militant écologiste
La presse a tendance à garder le silence autour de certains sujets. Protégerait-elle ainsi ses intérêts financiers ? A travers ma petite expérience de militant, je témoigne et m'interroge.
Suite au coup de projecteur d’un texte que j’ai publié sur un grand site d’informations, j'ai rencontré, en novembre 2012, la rédaction du journal régional Le Dauphiné Libéré pour parler des motivations écologiques m’ayant poussé à lancer une pétition contre le passage du Tour de France au Col de Sarenne. Le 19 novembre 2012, entre deux pubs pour Citroën, un gentil article a ainsi été publié. (1)
Lors de l’entretien, la journaliste (qui avait publié, le 24 septembre, un article intitulé : Le Tour de France passera deux fois à l'Alpe d'Huez) m'a demandé : « Vous ne pensez quand même pas réussir à modifier le parcours ?! » La remarque était étonnante dans la mesure où, en l'absence de dépôt de dossier d'incidence Natura 2000, le parcours n'était alors pas homologué par l'Etat (ce qui n’est pas signalé dans l’article). Ce jour-là, j'ai également parlé de la pression financière exercée par l'Alpe d'Huez sur le Col de Sarenne. Propos qui, dans ce contexte, avaient leur pertinence. (2)(3) Curieusement, l'article n'en fait pas allusion, et se contente d’un très sobre : « De plus, des travaux sont prévus sur cette route », sans développer. (1)
A la fin de l'entretien, on m'a demandé de recontacter le journal lorsque l'objectif des 3000 signataires serait atteint. Ce que j’ai fait au moment opportun. On m'a alors répondu : "Merci pour cette info. Cordialement." Depuis le 27 janvier, j'ai recontacté à de nombreuses reprises le Dauphiné Libéré, notamment pour leur transmettre les lettres ouvertes envoyées au Directeur du Tour de France (4), puis au Préfet de l'Isère (5), pour leur faire part du soutien d’associations (6)(7), pour leur signaler la présence d’une zone humide protégée à proximité du parcours (5) ou encore pour leur fournir un dossier exhaustif du Conservatoire Botanique National Alpin sur le richesse exceptionnelle de la faune et de la flore du site. (5) Depuis le 27 janvier, la rédaction du Dauphiné Libéré ne m'a jamais répondu ; et ce, malgré mes 12 relances.
J’ai également contacté l’hebdomadaire local et gratuit Gre CityLocalNews : pas de réponse. J’ai fait des recherches : ce journal appartient au… Dauphiné Libéré. (8)
Naïvement, j’estime que les journaux locaux doivent être à l’écoute d’une contestation locale soutenue par des milliers de personnes. (9) Si la presse se bouche les oreilles, le peuple ne peut être informé, et ne peut donc pas prendre parti. A mon sens, le traitement de l’affaire du passage du Tour de France au Col de Sarenne par la presse locale est superficiel, désespérément ponctuel, et occulte des arguments potentiellement décisifs. (1)(5)
Des intérêts économiques convergents ?
Cette absence de communication autour de la protestation de 9000 signataires m'a conduit à me demander si le Dauphiné Libéré et la station de l'Alpe d'Huez avaient des intérêts économiques convergents. La publication par le Dauphiné Libéré de plusieurs articles assimilables à de la publicité pour l’Alpe d’Huez n’a fait que renforcer mon interrogation. (10)(11)(12)(13)(14)(15)(16)(17)(18)(…)
J'ai donc fait des recherches sur Internet afin de connaître les actionnaires des deux « groupes ». Les organigrammes sont complexes, difficiles à trouver et à clarifier (qui sont, au juste, Philippe Hersant et la famille Lignac ?). Dans cette jungle, j’ai toutefois noté que :
1) La Société d’Aménagement Touristique de l’Alpe d’Huez (SATA), 38 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2011, aurait pour actionnaire majoritaire la commune de Huez. (19)(20)
2) La Lyonnaise de Banque serait actionnaire de la SATA. (19)(20) La Lyonnaise de Banque appartiendrait au groupe CIC. (21) En 1998, CIC a été racheté par le Crédit Mutuel. (21)
3) L'un des principaux actionnaires du Dauphiné Libéré serait le Crédit Mutuel. (8)(22)
En conséquence, a minima par le biais du Crédit Mutuel, le Dauphiné Libéré et la station de ski de l'Alpe d'Huez « auraient bel et bien » des intérêts économiques convergents.
Par ailleurs, d’après Le Monde, suite au rachat d’une épreuve sportive, le PDG du Dauphiné Libéré aurait déclaré, en 2010, que son journal resterait étroitement lié à A.S.O., société organisatrice du Tour de France. (23)
Sarenne, Porto Vecchio, Planche des Belles Filles : où sont les journalistes ?
J’insiste sur le fait qu’à ma connaissance, une seule journaliste disposant d’une carte de presse a traité (plutôt sagement) de l’affaire du Col de Sarenne ; alors que parallèlement, plusieurs centaines de journalistes ont parlé de « l’étape du centenaire » sans évoquer la problématique environnementale qui lui est corrélée.
Vivant dans un vaste pays, je comprends que des journaux nationaux ne parlent pas d’une protestation locale, mais le silence de la presse locale me semble démontrer une inquiétante partialité de la presse. Le traitement médiatique d’affaires du même ordre (dragage du port de Porto Vecchio pour accueillir le Tour de France 2013, saccage de la Planche des Belles Filles pour une étape…) est similaire à celui de Sarenne. (24)(25) Un bruit ou deux, puis… chut !
Traiter un sujet est une chose, la façon de l’exposer en est une autre. Ces choix, qui ont une forte influence sur la société, peuvent être corrélés à des intérêts économiques insoupçonnés. Pour l’anecdote, la France est en 37ème position dans le classement de la liberté de la presse effectué par Reporters sans Frontières (26) : malheureusement, les journaux sont plus souvent détenus par des financiers que par le peuple !
Pétition pour préserver Sarenne : http://www.avaaz.org/fr/petition/Non_au_passage_du_Tour_de_France_2013_au_Col_de_Sarenne/
Plus d’infos : http://lebruitduvent.overblog.com/
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