Une fois encore, la fiction et même « l’hyperfiction » sera le meilleur ancrage à notre monde. Relire le début de « La nuit des embarras » d’Henri Michaux :
« Les charrues en sucre blanc ou en verre soufflé ou en porcelaine sont un obstacle à la circulation. Les nappes de lait caillé aussi, quand elles viennent jusqu’aux genoux. »
Pourquoi cette fausse narration féérique ramène-t-elle à Ségolène Royal qui, qu’on le veuille ou non, avait raison avant tout le monde puisque ceux qui la critiquaient s’empressèrent de reprendre à leur compte ses mots et ce qu’elle proposait ? …
Donc regardons la suite de cette étrange narration dans la version offerte par ce site, nouveau, de Désirs d’avenir :
Ou, immédiatement -dans sa brutalité innocente- l’image d’un désir sans avenir : c’est ce que dénote, à défaut d’un avenir réel, l’absence criante de cet « autre » qui serait convié à ce désir et à sa réalisation. Mais Le silence hurle dans le vide de l’image. La figure centrale des mots et le nom propre céleste se dessinent, dans une solitude extrême, en guise de pluriel.
La forme, comme d’habitude, c’est déjà le fond.
Une structuration pour le moins simpliste de l’espace – une horizontalité partagée dans sa partie supérieure par un ciel en mouvement, bleu et blanc ; et le bas pour une terre vierge, d’un vert halluciné, d’avant ou d’après…
De l’humain, de la vie même, nous ne saurons rien. De cette disposition ne subsiste que le règne d’un devenir céleste sur une terre à ensemencer. Le discours se réduit à cette religiosité obscène : votre avenir est dans la destinée, vous n’existez pas. Le désir est céleste : « Désirs d’avenir », sous titre : « Ségolène Royal ». Crudité des mots, vacuité de l’image.
Madame Royal ne serait-elle donc que cet avatar de « la gauche divine » dont s’amusait Baudrillard ? Et cet épuisement de l’Histoire, qu’il devinait, serait-il donc cette scène de l’après politique que Ségolène voudrait interpréter ici ?
Or il est bon, plus de 20 ans après, de relire ceci :
« Le socialisme… ce n’est plus une exigence révolutionnaire, c’est une simulation de changement (simulation au sens du meilleur scénario possible) et une simulation du futur. Pas de surprise, pas de violence, pas d’outrepassement, pas de passion véritable. C’est pourquoi je dis qu’il est extatique : l’hyper réel c’est l’extase du réel figé dans son modèle (même si son modèle est celui du changement). »
« Désirsdavenir.com » Cette ossature pétrifiée dans l’espace où les mots sont disposés comme des stèles : Verticalité, horizontalité, sècheresse du monde vécu dans sa simplification extrême. La politique se jouerait-elle là dans ce no man’s land où l’homme est condamné à son absence, où la vérité est révélée dans un univers glaciaire et hollywoodien, le mouvement en moins ?
Il manque, certainement, quelques sémiologues pour offrir quelques béquilles aux politiques. Mais comprennent-ils au moins, qu’au-delà de la communication, le sens, tel « la lettre volée » de Lacan reste présent aux yeux de ceux qui le cherchent ailleurs ? A ne penser que « les gens », on oublie le peuple, à ne vivre que dans la transparence on nie la dureté opaque du réel. Alors ce désir que Ségolène Royal écrit au pluriel est-il le sien ou le nôtre ?
D’où qu’ils viennent les mots de cette claudication sont assourdissants. Effrayants tant ils désignent un manque. La politique est en tout cas ailleurs et non pas « sur la terre comme au ciel… »
Alors, marchons plutôt, sur les pas de cette féérie claudicante de Michaux qui s’achève sur ce paragraphe :
« Et si, cherchant le salut dans la fuite, vos jambes et vos reins se fendent comme du pain rassis, et que chaque mouvement les rompe de plus en plus. Comment s’en tirer maintenant ? Comment s’en tirer ?
La politique !