Dernier bal pour le PS à La Rochelle avant les obsèques de Reims
L’Université d’été de La Rochelle n’a pas permis au PS d’infléchir cette image d’incurie qui résonne depuis des années. Image ? La presse produit des images, elle aurait peut-être sa part de responsabilité. Prenez un groupe comme le Floyd, si vous lui attribuez un producteur vérolé, il en sortira un son de lessiveuse, pire que du Bon Jovi. C’est un PS lessivé que la presse présente d’année en année, sans qu’on puisse déterminer le moment où cette formation politique n’a plus incarné l’espérance socialiste du vivre ensemble en France. Le PS ressemble à ces vieux platanes malades qu’on trouve dans les rues de Nice. Chaque année, les feuilles repoussent, donnant ce triste spectacle du dépérissement associé à cette impression de robustesse, comme si l’arbre avait muté pour rester terne en permanence.

La situation aux States devrait nous éclairer sur nos mœurs politico-médiatiques. Fort instructif le billet de David Brooks dans le NYT où il évoque le début de campagne de McCain (Courrier Int. 28/08/08). Le candidat républicain aurait voulu rééditer le jeu de la mouche du coche, facétieux, non conformiste, enclin à donner un coup de pied dans la routine politicienne et faire un écart. Mais il semble que, cette fois, la meute des jeunes journalistes attisée par les rédactions, impose à McCain de se plier à ses normes médiatiques. Du coup, ce brave McCain en déplacement dans des zones déshéritées, là où nul politicien n’ose s’aventurer, fut snobé par les médias. Et notre candidat de revenir à un plan plus habituel, celui du pitbull républicain envoyant direct et uppercut sur l’adversaire Obama. La tournée de pauvres n’intéresse pas les Américains moyens qui votent. Ainsi en ont décidé les médiarques, jugeant qu’une élection se joue comme un combat de boxe, avec des juges comptant les points dès lors qu’une attaque contre l’adversaire fait mouche.
Déplaçons les caméras d’un océan, direction La Rochelle. Université des socialistes peut-on lire dans les titres des dépêches. Le lecteur lambda pense immédiatement à un séminaire, un débat d’idées, des gens dans des amphis posant des questions au conférencier, des rencontres entre intellectuels et responsables du PS, des militants studieux et attentifs, prenant des notes. Mais détrompons-nous, ce fut plutôt une série genre Dallas, univers impitoyable, des éléphants et des jeunes pousses du PS devenus l’espace d’un temps les requins d’un aquarium où rodent les caméras. Parfois, un regard furtif, au bord d’une piscine, Martine Aubry et Arnaud Montebourg semblant comploter tels deux espions paradant devant la réalisation médiatique qui a tout observé, surtout les rencontres, les regards, qui se met à côté de Bertrand, de Ségolène et puis toutes ces phrases, jaugées au « méchantomètre » qui permet de détecter les animosités et donc, de sélectionner quelques bonnes images pour la télé et quelques vacheries pour les radios. Et les idées pour gouverner ? Eh bien ça n’intéresse pas les rédactions, ni les Français, ainsi en ont décidé les médiarques.
La société du sectacle. Non, il n’y a pas de faute d’orthographe. Le « sectacle » désigne la tendance des groupes à se constituer comme tribu organisée et structurée autour d’un genre et la complicité des médias qui en donnent une représentation. Cette production ressemble à celle d’une série télévisée, mais, du fait des jeux de miroirs, les gens obéissent à une sorte de comportement qu’on dirait sectaire. Une secte a pour essence de se séparer de la société et de se représenter comme seul sujet d’intérêt. On a connu cette dérive à l’occasion des JO, dans le genre sportif. Une représentation sectorisée de cet événement où seuls sont apparus les sportifs français grâce aux bons soins des journalistes devenus copains. Dans le genre politique, même filtrage sectaire. On a vu à La Rochelle un combat de requins sans que les médias aient fabriqué ces plans séquences de série politique. Puisque les ténors et les notables du PS ont été complices et ont volontiers joué le jeu devant les caméras, prenant la pose, au risque de paraître ridicule comme ce Montebourg affichant la fausse nonchalance d’une star du rock’n’roll.
Le « sectacle » consiste à isoler une histoire, ou plutôt à produire une histoire avec des réalités sociales, des genres, des gens, des célébrités. Cela permet de donner une fausse substance à un monde paraissant bien ordinaire et convenu. Le sectacle est au croisement de la vie réelle et de la fiction fabriquée par des scénaristes et représentée par des acteurs. D’ailleurs, la différence entre le métier d’acteur et de politicien s’estompe. Reagan fut président alors que McCain pourrait donner la réplique à Eddy Murphy dans un polar comique. Quant à Obama, on le verrait en vedette dans un film de Spike Lee, affrontant Puff Daddy sous la caméra de Tarentino. Delanoë, Hollande, Royal, Montebourg et Dray seraient parfaits dans un remake d’un Elephant, ça trompe... Avec quelques rides du maquilleur, Martine Aubry prendrait la suite de Marthe Villalonga. Le « sectacle », nous l’avons aussi dans le monde des chanteurs qui, grâce à la connivence des médias, passent pour d’authentiques artistes alors qu’avec un blind-test anonyme, ils feraient 1 000 ventes et encore ! C’est le cas de Carla Bruni ou du groupe Tryo, incarnant la rébellion auprès des meutes d’ados, mais à peine correct pour une maison de retraite.
Et le rêve socialiste ? Eh bien il a fonctionné, plus en France qu’ailleurs, notamment avec l’imprégnation révolutionnaire issue de 1789 et le culte de l’Histoire, la vénération du peuple, schème initié par Michelet puis enterré un jour de mai 1981 lorsqu’un certain Mitterrand déposa une rose sur le tombeau des grandeurs passées. Déjà, du temps du salon de l’automobile, des livres de Roland Barthes, des études d’Edgar Morin sur les stars, on pouvait pressentir que le rêve socialiste ne résisterait pas à l’ensorcellement matérialiste et médiatique. En 2008, ce qui fait rêver, c’est la villa avec piscine, les Seychelles, l’écran plat, les belles berlines aux jantes étincelantes et aux moteurs débridés, les belles filles en Dior, les hommes en Rolex. Or, ce rêve est inaccessible à la plupart et chacun tente raisonnablement de trouver son bonheur en essayant de préserver sa situation, sachant que l’action politique ne pourra pas la transformer. Mais en comptant sur soi pour améliorer le quotidien, si les opportunités se présentent et si la configuration professionnelle offre un levier pour travailler et faire du chiffre. C’est d’ailleurs le schéma pur Sarkozy.
Le Parti socialiste a le choix entre deux morts, l’une comme formation apte à gouverner, dans le cas où il ne parvient pas à inventer un nouveau projet et enchanter les électeurs. Mais cette option est impossible car le rêve du vivre ensemble ne peut rivaliser avec celui offert par la vie de standing. Alors le PS mourra faute d’idée et s’il parvient au pouvoir, c’est en jouant sur la conjoncture et les erreurs de la droite, tout en tournant le dos avec les vieilles lubies du temps de la SFIO et du mitterrandisme. Et un autre monde ? Tout dépend des valeurs. Le jour où une majorité aura compris l’impasse matérialiste et inventé une autre société, conjurant les peurs, les fétiches, tout en exorcisant l’ensorcellement de ce monde factice de riches. Mais nous serons sans doute morts et, d’ailleurs, ce paradis n’existe pas sur Terre. Alors the show must go on et, qui sait, bouter Sarkozy en 2012, c’est un rêve des militants, pas forcément inaccessible, et peut-être que le PS ressuscitera l’espace d’une élection.
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