Derrière la papamobile, les Panzers
Hier se tenait à Paris le pseudo « Jour de Colère » réunissant les franges les plus extrémistes de la déjà intégriste « Manif’ pour tous ». Mouvement rapidement rebaptisé sur twitter Jour de Colique. Catholiques enragés – hé les cathos, la colère n’est-elle pas un des sept péchés capitaux ?? –, homophobes, aryens et antisémites de tous horizons (GUD, dieudonnistes, soraliens…) y chantèrent « Hollande démission » mais aussi « Maréchal nous voilà » et « Francs-maçons pendaison ». On y défendait pêle-mêle des conceptions perverses et anti-républicaines de la famille, de la liberté d’expression et de la laïcité, dans un joyeux bordel extrême-droitier qui se termina par des affrontements avec la police, qualifiée de « milice juive »… Ambiance.
Pendant ce temps, que faisait le gouvernement ? Que faisait Valls, chevalier blanc de l’ordre républicain ? Où se planquaient les représentants de la République une, indivisible et laïque ?
Hollande vaticanisé
Le 24 janvier, Hollande tapait la bise au pape François au Vatican. Pourquoi rendre visite à un pape qui venait d’approuver les manifestations anti-avortement aux Etats-Unis et en France le week-end précédent ? « Le pape François est informé de cette initiative en faveur du respect de la vie humaine […] Il salue les participants à cette marche et les invite à maintenir vive leur attention pour ce sujet si important » (Mgr Luigi Ventura). Hollande, hors de la réalité, de prétendre : « Je voulais saluer la simplicité rayonnante qui marque les premiers mois de son pontificat. » Le papouné, il appelle ses ouailles à confondre foi et loi sur tes propres terres, et toi tu vas saluer son rayonnement… Génial.
Doit-on rappeler à monsieur Hollande que la France est une république laïque et que cela implique une séparation stricte de toutes les religions et de l’Etat ? Que la France républicaine n’est plus censée être, depuis longtemps, la « fille aînée de l’Eglise » ? Notre monarque marche dans les pas du curaillon Sarkozy, qui allait faire allégeance au Vatican accompagné du distingué humoriste Jean-Marie Bigard. Comme quoi l’Eglise, sous les dorures vaticanes comme dans les rues parisiennes, s’accommode fort bien de la grossièreté du moment qu’elle sert sa cause liberticide.
Valls débranché
Après une très sarkozyste agitation ces dernières semaines, Valls se reposait. Plus prompt à faire la publicité d’un comique d’extrême-droite qu’à interdire une manifestation aux ambitions clairement anti-républicaines. J’ai honte pour les touristes étrangers qui, ce dimanche, tombèrent éberlués sur cette image absurde de la France :
(Paris, 26/01/1014)
On ne peut pas prétendre représenter un pays laïc en allant baiser les pantoufles d’un pape ; de même, on ne peut pas combattre un jour tous les racismes et laisser le lendemain des intégristes de tous poils scander « Juifs hors d’Europe » le long des boulevards parisiens. Valls est actuellement en train de s’émouvoir à la radio, mais que fabriquait-il la veille ? Il se vante ce midi de 150 interpellations d’ultra-droitiers « bien connus » ; s’ils sont bien connus, pourquoi ne pas les empêcher définitivement de nuire ?
Est-ce si compliqué de couper le mal à la racine, plutôt que de chercher vainement à l’instrumentaliser ? En France, le racisme est un délit, l’incitation à la haine aussi : laisser manifester des racistes qui ne cherchent qu’à en découdre, c’est laisser mollir l’idée républicaine de la France.
La République laïque menacée
Ainsi, nous avons assisté à une charmante coalition de grenouilles de bénitier, de bourgeois qui se plaignent de l’impôt, de crânes rasés du GUD et de dieudonnistes fanatisés. A l’heure où dans toute l’Europe l’extrême-droite menace, phagocytant par exemple les récentes manifestations en Ukraine (voir ci-dessous), une telle coalition en France n’est pas sans inquiéter. En face, quelle autorité légale avons-nous pour riposter ? Un gouvernement dit « social-démocrate », ce qui dans la bouche de Hollande signifie « libéral ». Or, pour les libéraux, la laïcité ne peut être qu’à géométrie variable : il s’agit de contenter tout le monde, sauf les gens de gauche ; ceux-là, on a le droit de les contrarier. J’ose croire qu’un vrai pouvoir de gauche ne laisserait pas défiler au pas de l’oie des factieux appelant au meurtre. Ne lécherait pas la main de l’Eglise. Ne tenterait pas d’instrumentaliser le fascisme pour se refaire une hypothétique santé.
(Récupération du mouvement ukrainien par l'extrême-droite)
La laïcité, contrairement à ce que hurle l’extrême-droite, ce n’est ni les « racines chrétiennes de la France » fantasmées, ni une chapelle quelle qu’elle soit. L’égalité, ce n’est pas de ne niveler l’esprit par le bas. La liberté, ce n’est pas celle d’appeler au crime. La fraternité, ce n’est pas affaire de communautés repliées sur leur couleur ou leur religion. Le gouvernement Hollande a déjà trop caressé l’extrême-droite dans le sens du poil en cédant sur la PMA et en laissant les manifestants fascisants chanter leur haine dans Paris. Valls a trop alimenté le racisme en dissociant les Roms du reste de la communauté humaine. L'austérité a trop poussé les peuples dans les bras du fascisme.
Il est urgent de donner un coup de barre à gauche pour redresser le vaisseau République.
...Et pour conclure ce billet par une image plus belle, voici la place de la Bastille. La vraie Bastille, c'est ça. La vraie alternative, c'est la vraie gauche :
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