Derrière le masque, la vie
Déjà cinq mois que le coronavirus chamboule notre quotidien. Face aux images alarmantes de l’épidémie, chacun est appelé à assumer ses responsabilités : distanciation, port du masque, confinement… nos modes de vie autant que l’économie sont bouleversés pour endiguer la maladie. En jeu : sauver des vies, par de simples gestes…
Quelques mois après du début de l’épidémie, son souvenir reste aussi douloureux qu’effrayant. Personne n’oublie l’image des malades intubés, luttant pour leurs vies, entourés de soignants épuisés ; personne, non plus, n’oublie l’unité et la solidarité qui s’exprimait par applaudissements chaque soir.
Comment comprendre, alors, les insensés réfractaires au port du masque, prêts à risquer la seconde vague qui menace, au nom de leur confort et de leur liberté ?
Avant toute chose, deux constats : l’impéritie du gouvernement, d’abord, qui dans la crise ne s’est révélé ni prévoyant ni honnête ; et l’ambition de nos élites médicales, ensuite, qui dans le confinement se sont bousculées sous les projecteurs des plateaux télévisés. Difficile, entre mandarins stipendiés et politiques hypocrites, de blâmer le péquin moyen devenu défiant, voire « anti-système »…
En toute logique, toutefois, la vérité des chiffres devrait commander à chacun les plus grandes précautions sanitaires, y compris le port du masque en extérieur, le nombre de tests positifs étant actuellement en nette augmentation. On peut cependant déplorer que ce chiffre fasse office à lui seul de caution, sans commentaires relatifs — par exemple — à la gravité des cas, ou à l’impact du virus sur l’espérance de vie… autant de lacunes réduisant l’adhésion aux gestes barrières. Le refus du masque, c’est aussi un décompte de la mortalité, autrefois martelé quotidiennement, et aujourd’hui trop faible pour être sérieusement évoqué. Ce sont aussi les images frappantes et omniprésentes d’hôpitaux débordés, désormais heureusement disparues. En clair, le problème « masque », c’est la réalité d’une épidémie à la fois médiatisée et terminée, face à la théorique hypothèse d’un retour.
Derrière cette remise en cause teintée de colère, les « anti-masques » soulèvent également la question de l’effort de « guerre » fourni contre la Covid. Les mesures sanitaires poursuivent à priori un objectif noble : la sauvegarde de la vie, surtout celle des plus fragiles. À l’occasion du confinement, des sacrifices considérables ont ainsi été consentis, telles la privation de visite des résidents de maisons de retraite, ou la restriction des funérailles. Ces précautions extrêmes interrogent, une fois le choc passé, quant à l’ambition que nous avons de jusqu’au bout défendre la vie, ambition que nous savons pour autant vaine, tant la mort gagne toujours. Si la vie est avant tout du temps, il s’agit de choisir comment le passer, entre la peur d’une mort inéluctable ou l’amour tragique d’une existence peut-être plus dangereuse, moins juste même, mais surtout plus libre.
Bien sûr, personne n’oubliera ce printemps affreux, ces rues vidées et ces hôpitaux désemparés, surchargés de souffrants. Alors que les Français s’apprêtent à payer la note économique du confinement, ils doivent réfléchir à cette vie dont ils n’atténueront que peu la dureté, ce monde dont ils n’effaceront guère les horreurs. Le mieux est souvent l’ennemi du bien, et si l’on ne sait pas mourir, faut-il au moins savoir vivre.
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