Des actes en puissance à la puissance des actes : la tuerie d’Oslo
Un psychiatre américain (1), ancien consultant auprès de la CIA, exprimait hier sur une radio US (2) sa compréhension de la "tuerie d'Oslo" et la personnalité de "nders Behring Breivik.
Il commença son interview par marteler cette affirmation : "Le présumé tueur n'est pas un déséquilibré mental. Ce n'est pas un fou !"
L'argumentation qui suivit - bien que pouvant toujours être remise en cause - était aussi simple qu'implacable : seule une personne saine d'esprit et foncièrement intelligente peut concevoir et ourdir un plan d'une telle complexité avec un tel niveau de réussite (sic).
Cette assertion est difficilement réfutable (le procès du présumé tueur sera à cet égard très éclairant). Et c'est bien là le plus horrible dans cette affaire (au-delà des victimes et de la souffrance de leurs proches).
L'estampille de la folie sur un acte meurtrier à une double fonction : analgésique et sécurisante. Analgésique en tant que frappant l'acte du saut de l'imprévisible fatalité face à laquelle seule une acceptation dans l'abnégation peut fonctionner, et sécurisante en tant qu'elle est censée réduire le risque d'apparition d'un tel acte à une portion extrêmement réduite d'acteurs potentiels : les fous dangereux. Seconde affirmation invalidée s'il est considéré qu'il existe plus de déséquilibrés potentiellement dangereux que de terroristes agissant dans notre société.
A ce stade, la seule tare 'monstrueuse' qui pourrait être reprochée au présumé tueur est :
l'idéalisme.
L'idéal est une construction intellectuelle qui nous pousse à regarder un état individuel ou social qui nous dépasse et dans lequel notre bien-être serait largement supérieur à notre état présent. De prime abord, une telle posture intellectuelle n'a strictement rien de dangereux. Certes.
Mais l'idéalisme peut devenir extrêmement meurtrier dès lors que son prosélyte se retrouve en situation de pouvoir (dans l'acception première du terme : "être capable de réaliser l'idéal".) L'histoire de l'humanité est remplie d'hommes de bonne volonté aux hautes aspirations sociales qui devinrent des bourreaux par la seule justification de la conduite (à terme) de leur idéal.
L'idéal du présumé tueur était vicié à l'origine parce qu'empreint de notions moralement inacceptables (xénophobie, suprématisme...). Mais dans une démocratie accomplie, ces seules idées ne sont pas condamnables dès lors qu'elles ne nuisent pas directement et objectivement à autrui. Et surtout dès lors qu'elle ne sont pas suivies d'effets tangibles, mesurables !
La faillite de l'Etat voire de la société n'est pas à chercher dans son incapacité à avoir empêcher la commission d'un tel acte par un quelconque processus coercitif. Elle réside ontologiquement dans son inertie au changement. Dans sa trop grande faiblesse à s'adapter - perpétuellement - à l'émergence d'un nouvel environnement.
Anders Behring Breivik n'est pas le symptôme d'une maladie sociale. Il est la monstrueuse preuve de l'inintelligence de notre société. Il est le violent coup de règle sur les phalanges de notre éducation.
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