L'annonce a été faite sous forme de gag : le jour dédié à la recherche d'UFOs (OVNIs) aux Etats-Unis, la CIA s'est amusée à twitter que dans les années 50, en Norvège, un bon nombre d'observations de soucoupes volantes n'étaient que la vision des survols à très haute altitude du fameux U-2, l'avion espion. L'occasion pour nous de revoir un peu ce qu'il faisait à cet endroit. L'avion mythique avait comme point de chute dans la région un aérodrome qui avait connu bien des vicissitudes, comme on va le voir. Une base qui n'a pas vu passer que des U-2, les B-45 Tornado et les Canberras anglais s'y posant également, de retour d'expédition ou sur le trajet de l'URSS, tous désireux de glaner le maximum d'informations sur les bases de sous-marins de la flotte du Nord ou sur les fameux sites de lancements de fusées qui focalisaient une grande partie des efforts d'espionnage. Comme on va le voir également, cet espionnage n'a pas été qu'une surveillance aérienne. D'étranges campeurs jouant également aux touristes, appareils photos en bandoulière, ont aussi sillonné toute la péninsule scandinave, à l'affût de la moindre information, comme on vient de le démontrer. La Guerre Froide, en a connu des épisodes, décidément !!!
On découvre l'existence d'une base norvégienne pouvant accueillir l'U-2 un peu tardivement en fait ; c'est juste après l'annonce de la chute de l'avion de Gary Powers. survenue au-dessus du territoire de l'Union soviétique le1er mai 1960. En étudiant sa trajectoire, on découvre qu'il effectuait un vol de longue haleine, puisque parti du Pakistan, il devait rejoindre... la Norvège !!! Rien qu'en ligne droite, cela faisait déjà plus de 5000 km !!! L'U-2 était véritablement un avion exceptionnel (piloté par des hommes exceptionnels, résistants avant tout à la fatigue) !!! L'avion prévu au départ le N°358, avant de décoller de Peshawar, avait été convoyé de la base turque d'Incirlik par le pilote Glen Dunaway. La mauvaise météo avait remis la mission du jour, et le pilote Bob Ericson, la doublure de Powers, avait renvoyé le N°358 à Incirlik, un autre pilote, John Shinn, amenant le N°360 à la place, à nouveau d'Incirlik à Peshawar. C'est l'exemplaire que pilotera l'infortuné Powers.
Le trajet idéal (il ne sera pas en ligne droite, on s'en doute), concocté par le Pentagone et la CIA, on le voit, passait par au moins deux centres de missiles ; celui de Baïkonour et celui de Plessetsk. Pour ce qui est de celui historique de Kaspoutine Iar, le site historique des fusées russes, il avait déjà été documenté, grâce à un vol méconnu, celui d'un biréacteur Canberra anglais, autre appareil remarquable, équipé d'une caméra de 2,50 mètres de focale, au sein du "Projet Robin", accepté par Winston Churchill. Parti en août 1953 de Giebelstadt, en Allemagne de l'Ouest, volant à 14 600 m (48 000 ft) d'altitude, le Canberra avait survolé successivement la Tchécoslovaquie, la Pologne et l'Ukraine ; poursuivi par des Migs-15 trop poussifs pour monter aussi haut que lui, sauf un, qui réussit à lui tirer dessus alors qu'il photographiait la base secrète de fusées. Signalons qu'en pur descendant des Mosquitos, le Canberra présentait une dérive verticale faite aux deux tiers de bois... Légèrement atteint, il réussira à rejoindre... l'Iran (et la base de Zahedan), alors allié des USA et des anglais. Des anglais qui utiliseront aussi des RB-45 Tornado américains bardés de caméras (plus d'une douzaine à bord) pour leurs incursions en territoire soviétique.
Les photos plutôt floues ramenées par le Canberra britannique ne révéleront pas grand chose, mais provoqueront une purge mémorable au sein des forces aériennes russes, ce qu'on apprendra plus tard par un transfuge. En 1954 c'est au tour du plus performant Boeing RB-47E, parti de la base de la RAF de Fairford, près Oxford, emportant les mêmes caméras que le RB-45C, d'aller visiter la péninsule de Kola, pour prendre des clichés de neuf bases de bombardiers russes, de Mourmansk à Arkhangelsk. A savoir également que Baikonour avait été choisi par les russes en 1955 pour implanter le centre de lancement du missiles balistique intercontinental R‑7 Semiorka ; le fameux lance-Vostok. En 1957, c'est à Plessetsk qu'est installée la principale base de missiles militaires russe (qui récupére la R‑7 Semiorka avant d'y lancer les Protons), et de voir lancer toute une rimbambelle de satellites, tous nommés "Cosmos" au grand dam de la presse ou des militaires US qui ne savent pas toujours ce qu'ils représententou ce qu'ils emportent : ainsi des capsules sphériques de Vostok, qui emportent aussi parfois des caméras à la place d'un cosmonaute.
Que ce soit pour les U-2, les Canberra, les RB-45 Tornado ou les RB-47E "Stratojet", il fallait prévoir des bases de diversion en cas de pépin. Dans la péninsule scandinave, peut d'endroits se prêtent à l'exercice, sauf au nord... Bodø, dont l'histoire est assez surprenante : la base a connu comme premier support d'envol des planches de bois, sur lesquels se posaient ou décollaient des Focke-Wulf 190 allemands ! L'aérodrome a en fait été construit dans l'urgence pendant la seconde guerre mondiale par les anglais, au tout début de la guerre de Norvège : la piste est alors fabriquée en tourbe tassée retenue par de simples filets ! Sur ces 540 m de long et 35 mètres de large s'y poseront les Gloster Gladiator du 263me Squadron de la Royal Air Force et ceux de la force aérienne scandinave ...dans laquelle s'illustrera le lieutenant Dag Krohn, né en 1912 à Oslo, en Norvège, au sein de la Jagevingen, basée à l'aéroport Fornebu, équipée de sept Gladiators Gloster dont le célèbre N°421 de Krohn.
Le 9 Avril 1940, le premier jour de l'invasion de la Norvège, les pilotes de la Jagevingen réussiront en effet à abattre cinq avions allemands : deux Messerschmitt Bf 110, deux bombardiers He-111, et un Ju 52 de transport de la de la Fallschirmjäge (les parachutistes). Des biplans bien légers (à vide ils dépassent à peine la tonne) ! Le lundi 27 mai 1940 Bodø, est bombardé par les allemands (voir photo). Ils envahissent la ville. L'avant-garde allemande n'a pas pas plus de 28 hommes qui arrivent tranquilllement en vélos en ville !Toutes les troupes norvégiennes et alliées ont évacué Bodø, la veille. Il s'installent aussitôt dans l'aérodrome et se mettent aussitôt à l'agrandir pour y poser le 7e escadron de la Jagdgeschwader 5, comportant quinze Messerschmitt Bf 109.
Des Focke-Wulf sont aussi amenés, qui décollent sur une piste qui a été renforcée par des planches de bois, des blockhaus de béton étant édifiés tout autour. En 1943 c'est au tour des américains d'attaquer et bombarder Bodø, au Dauntless et à l'Avenger. Le port est en effet devenu cible pour assurer la protection des convois de ravitaillement de Mourmansk.
Au sortir de la guerre, on solidifie enfin la piste, qui mesure désormais 1 000 mètres sur 50 de large. Il faut attendre 1949 et l'entrée de la Norvège dans l'Otan pour qu'on se décide enfin à fabriquer une piste plus performante pouvant accueillr des jets plus lourds. On mettra encore deux ans pour obtenir en 1947 les 2 700 mètres en dur nécessaires pour recevoir les biréacteurs cités mais pas l'hexaréacteur B-47, qui décolle pourtant, on le sait, aidé par des fusées Jato.
Les 120 mètres de plus ajoutés, offrant la distance nécessaire aux RF-84F Thunderflash que la Norvège venait alors d'acquérir. Et sur lesquels s'entraînait aussi un certain Gary Powers, pilote d'U-2. Un réseau de radars est également édifié, dont le contrôle principal est établi en1956 à Hernes. Suivent alors les RF-86K, les fameux Super-Sabre, dont l'efficacité n'est plus à vanter depuis la Guerre de Corée (et Buck Danny ?). Depuis la fin de la guerre froide, Bodo est devenu un hub arctique civil très prisé.
L'U-2 du génial Kelly Johnson apparaît en 1955 aux USA et entre en service officiellement en 1967. En fait il vole secrètement avant, et en dehors des USA. Il a été conçu pour espionner l'URSS, et tout de suite on l'y envoie, comme l'a souhaité le Colonel Richard Leghorn, à
l'origine du projet . Un projet qui a peu coûté, en prime
: "le 5 novembre 1954, Edwin Land a envoyé un rapport de cinq pages au directeur de la CIA Allen Dulles. Il écrivait : "Il a été jusqu'à présent dangereux de survoler la Russie ... donc aucun État n'aurait pu courir le risque de provoquer la guerre qu'un programme intensif de survols pourrait produire. Mais, a-t-il poursuivi, le "planeur propulsé spécial" proposé par Lockheed "peut aller là où nous avons besoin d'aller efficacement et en toute sécurité." En outre, à un prix de 22 millions de dollars pour un lot initial de six avions qui seraient prêt à survoler à moins de 20 mois, c'était une bonne affaire !" Des vols effectués via l'Angleterre ou les bases de l'Allemagne de l'ouest d'un côté, de la Turquie (à Incirlik.) ou du Pakistan (à Peshawar ou à Lahore) de l'autre. Le 29 avril 1956 un détachement de la CIA envoie ainsi quatre appareils à Lakenheath en Angleterre, un déploiement terminé dès le 4 Mai.
Le 11 juin, faprès avoir essuyé un refus de décollage du sol anglais les quatre engins vont s'installer à Wiesbaden en Allemagne de l'Ouest, puis à Giebelstadt en octobre. Et part aussitôt en mission.
"Le 4 juillet 1956, l'U-2 347 piloté par Hervey Stockman portant les marquages "NACA 187" effectue le premier vol au-dessus de l'Union soviétique. Parti de Wiesbaden vers l'Allemagne de l'Est et la Pologne, avant de traverser la frontière soviétique près de Grodno en Biélorussie. Il survole diverses bases de bombardiers près de Minsk, puis remonte vers le nord pour les chantiers navals et les bases de bombardiers à Leningrad. Puis repart vers l'ouest pour photographier plusieurs bases de bombardiers dans les Etats baltes et est enfin de retour à Wiesbaden. Un vol de 8h et 45 minutes. Cette mission a été suivie par un radar soviétique et un certain nombre de chasseurs MiG a tenté en vain de l'intercepter l'U-2 Cet avion (n°347) est maintenant exposée au Air & Space Museum national, à Washington". Les sites de fusées sont prioritaires, ainsi que ceux des laboratoires nucléaires soviétiques. Le 5 août 1957,
un
U-2 survole une ville alors inconnue,Tyuratam, et trouve à proximité une tour immense de lancement :
c'est le site des Vostoks, car il est tombé sur... Baïkonour ! Et la moisson continue : le 21 août 1957 un vol piloté par Tomsk Berezovskiy, parti de Lahore,
survole cette fois Semipalatinsk : les photos ramenées intriguent, et dès le lendemain un second vol est programmé. C'est celui de la mission 4050, pilotée par Jim Cherbonneaux qui révèle complètement le
centre d'essais nucléaires de Semipalatinsk. Un vol suivant découvre le site de Saryshagan, vital pour diriger par radar les missiles tirés de Kapustin Yar. La mission 4059 menée par Bill Hall le 10 septembre 1957 sera tout aussi réussie : lors du survol du site de Kapustin Yar ; son avion photographie sur son pas de tir le missile R-12, juste avant que des Migs ne lui tirent dessus. Il repartira en survolant l'Ukraine où il sera l'objet de tirs de DCA. L'année même de sa mise en service, l'U-2 a démontré toutes ses capacités : la réussite est totale, elle durera trois ans, jusqu'à la chute de l'avion de Gary Powers. Juste après sa chute, et ignorant son sort réel, les américains peindront rapidement un U-2 aux couleurs de la NACA (future NASA) pour le présenter au public comme étant celui abattu. La ruse ne marchera pas, les soviétiques exposant les vestiges capturés... celles d'un avion peint en bleu nuit et non en blanc... à noter aussi que dans leurs "explications" destinées au grand public candide, les militaires US affirmeront un temps que Powers avait été victime d'une absence d'oxygène, et que, décédé à bord, son avion avait continué sa route en ligne droite... vers l'URSS. Une fable qui n'est pas sans quelques échos aujourd'hui...
Bodø, n'est donc pas un aérodrome d'où partent les U-2 : c'est une base de secours, ou d'arrivée de vols traversant l'URSS, la base principale des opérations d'U-2 se situant à Giebelstadt, en Allemagne de l'Ouest. Là où a été testé le prototype du Me-262 (à roulette arrière encore, comme le montre la photo)... La péninsule scandinave n'est pas pour autant oubliée, et ce, dès les premiers vols : le 17eme survol de l'URSS lors la mission 2040, le 13 octobre 1957, piloté par
Hervey Stockman, parti de Giebelstadt, survole d'abors toute la la Norvège, puis se dirige vers la péninsule de Kola, survolant successivement Polyarnyy, Severomorsk et Mourmansk, pour descendre au sud vers Monechegorsk pour ressortir du territoite russe par le nord de la Norvège... et aller se poser à nouveau à Giebelstadt après un vol de plus de neuf heures d'où émerge un pilote broyé de fatigue. A ce moment-là, les U-2 ne sont toujours pas peints en bleu nuit foncé : il ne le seront qu'après les expérimentations ratées sur les "fils" disposés autour de l'appareil pour le rendre plus furtif. C'est donc un avion brillant qui survole pendant plusieurs heures la Norvège dans ses trajets entre l'Allemagne et les bases soviétiques de sous marin de la Marine russe du Nord. Largement de quoi alimenter les visions d'OVNIs... au gré des reflets du soleil sur les surfaces métalliques ; comme cela avait déjà été le cas aux
USA autour de la base 51 lors des tous premiers essais de l'appareil...
La chute de l'avion de Powers ne fut pas sans conséquences en Norvège comme au Pakistan. En position de force avec des débris visibles et un pilote capturé, un Nikita Kroutchev en grande forme effectuera un show médiatique véritable, en menaçant de bombarder en représailles à l'arme nucléaire à la fois Peshawar et Bodø ! Le résultat ne se fit pas attendre en Norvège : le ministre de la Défense Gudmund Harlem fut contraint à la démission le 18 Février 1961, avec comme prétexte le manque de contrôle sur le colonel Vilhelm Evang, le responsable de la base de Bodø, la Norvège retirant en même temps ses autorisations aux missions de reconnaissance américaines. Ce qui n'a pas empêché par la suite l'achat de
F-104 Starfighters dont les les treize premiers exemplaires
seront livrés à Bodø le 7 août 1963. En1967 les vieux Sabres sont remplacés par les
F-5 Freedom Fighters, des
CF-104 Starfighter achetés au Canada complétant la base de Bodø (
avec des pertes, comme avec tous les Starighters !). La Norvège s'est ensuite équipée du
Falcon F-16 officiellement en 1975, deux des quatre escadrons étant stationnés à Bodø. Le premier F-16 a été livré à Bodø en juin 1982 croisant presque au passage le dernier CF-104, retiré du service le 22 avril 1983. Six ans plus tard, l'Otan met le paquet
et remet à neuf toute la base... qui peut accueilir désormais des SR-71 en plus des U-2 (ci-dessous la preuve, photographiée en août 1981, avec un SR-71 bloqué sur place avec un problème d'huile détecté sur un moteur, et Bodø comme aérodrome de secours-
la page complète est ici-).
Pour surveiller les soviétiques, il n'y a pas eu que des survols en avion du territoire. Les côtes scandinaves, objets de l'attention des sous-marins russes ; ont été aussi l'objet d'une surveillance bien plus prosaïque : on y scrutait les périscopes de sous-marin soviétiques avec une méthode bien plus traditonnelle,
a-t-on appris en 2011 seulement. La marche à pieds (ou parfois des vols de mongolfière) ! C'est en Finlande que ça s'est passé, a révélé T
he Economist dans un surprenant (e excellent) article. "L'Occident avait un "besoin désespéré de mise à jour de renseignements sur les troupes soviétiques, la géographie des lieux et sur l'infrastructure", comme le note un rapport officiel de l'Etat norvégien. Donc, au début de 1950, les services secrets norvégiens ont recruté, formé et payé d'anciens combattants finlandais, qui servaient à patrouiller comme des guérilleros derrière les lignes ennemies. Ils ont été envoyés à l'est à la frontière avec leurs caméras pour observer les bases militaires en Carélie, à Kola, ou la région de Leningrad. La CIA et le MI-6 britannique ont financé l'activité. Deux agents de la CIA finlandais formés ont même envoyé survolant la frontière avec un ballon à gaz. Un certain nombre de personnes ont été tuées, ou ont disparu au cours de ces operations". C'est en effet un pan méconnu de la Guerre Froide, qui s'explique avec l'indigence des renseignements sur la région au sortir de la Seconde Guerre Mondiale.
"Les services de renseignement des États-Unis et l'Armée de l'Air des États-Unis disposaient en 1952, sinon plus tôt, d'ensembles disponibles de vieilles photographies aériennes couvrant quasi-complètement, les parties de l'Est et du Nord de la Finlande. Certaines des photos étaient d'anciens clichés allemands, et certains montraient également le côté soviétique de la frontière. En 1951-1952, le service de renseignements de l'armée (G-2) a souhaité mettre la main sur de nouvelles cartes plus détaillées et des photos aériennes et a choisi le bureau de l'attaché militaire à Helsinki pour accélérer la livraison venant de Finlande. Toute la côte finlandaise a été photographiée par avion. Tous les ports ont été étudiés et cartographiés ainsi que les routes menant à intérieur. Un intérêt particulier a été porté aux plages de sable fin et le paysage côtier plat, ouvert sur le golfe de Botnie. Des points de débarquement (LPS) ont été marquées sur les clichés" précise l'article. Pour faciliter la chose encore, des officiers flnlandais sont même devenus... américains :
"aussi, après la guerre, plus de vingt officiers finlandais ont fait défection aux Etats-Unis, ont commencé comme soldats et ont bientôt servis, la plupart du temps comme colonels, dans l'armée américaine comme espions dans la guerre de guérilla, ou comme experts de la guerre d'hiver. Le Colonel Aladar Paasonen, le chef pendant la guerre du renseignement militaire, a ainsi aidé le maréchal CGE Mannerheim a écrire ses mémoires et a alors commencé une nouvelle carrière au service de la CIA".
Au même moment encore, les avions sont toujours utilisés, et parfois de façon fort dangereuse : ainsi le 8 mai 1954, où deux Boeing RB-47E Stratojets envoyés par le SAC pour photographier des bases militaires dans le nord-ouest de l'Union soviétique se font poursuivre par des MiGs 19, l'un des deux RB-47 est touché et riposte en tirant lui aussi sur les avions russes. La poursuite les a amenés tous deux au dessus de la Finlande ! Les deux parties plus tard nieront bien sûr l'incident
et la Finlande se taira elle aussi, contrainte et forcée : à l'époque, le pays n'a pas eu un seul radar ou avion de chasse dans la partie nord du pays !!! Au sortir de l'événement qui aurait pu être dramatique, le SAC recommande l'usage de l'U-2, jugé plus inaccessible, au dessus de la Finlande... le 1er juillet 1960,
c'est un autre RB-47 (le N° 53-4281) du 343th Strategic Reconnaissance Squadron et du 55th Strategic Reconnaissance parti de la base de la Royal Air Force de Brize-Norton, qui se fera carrément descendre par un MiG-19 au nord de Mourmansk, tombé en mer de Barents avec six hommes à bord, dont les trois spécialistes des communications enfermés dans leur cylindre en soute principale, à la place des bombes.
Ceux-là ne survivront pas à la chute, les seuls survivants étant le navigateur John McKone, et le second pilote, Freeman Bruce Olmstead, qui ont réussi à s'éjecter, à être repêchés par un bateau russe et se voir emprisonnés à la prison de Lubyanka à Moscou, pour espionnage. Il seront libérés le 24 janvier suivant. Le premier pilote, Maj. Willard Palm, éjecté lui aussi, était entre temps mort de froid dans les eaux glaciales avant d'être repêché. Le principe du compartiment renfermant les techniciens dans la soute à bombe fut aussi appliqué au B-52, comme on le voit ici sur le cliché. En cas de pépin, cela devenait un cercueil assuré pour ses occupants !
Un homme surprenant va s'illlustrer dans cette quête faite en grande partie "pédibus" :
Jesse Cyrus Drain Jr, un américain, lui-même flls de colonel. Des américains visiblement fort marqués par les difficultés rencontrées par leurs troupes lors du débarquement, et surtout après, perdus dans la campagne normande et ses paysages mal connus, visiblement :
"En 1952, des cartes et des photos de fossés sur les prairies, les champs et des marais à travers la Finlande ont été demandées, ainsi que des plans de développement de fossés en général. Les représentants du bureau de l'attaché militaire devaient se rendre à la côte du golfe de Botnie et aller sur place, voir les fossés eux-mêmes, « si possible ». Pour déterminer combien cela gênerait l'avancée des troupes motorisées. Les troupes auraient un moment devant elles des routes en mauvais état et la neige de la Finlande. Les Finlandais pensaient aussi que pendant l'hiver US Air Force ne pouvait pas voler du tout en Finlande, et à l'été, les aérodromes finlandais étaient en très mauvais état, ainsi au début de 1950, seulement trois d'entre eux avaient un tarmac utilisable. L'ambassade des États-Unis déployait une grande efficacité grâce au département de l'attaché militaire, et aux nombreux officiers parlant le finlandais. Un rapport secret du département de contre-espionnage de l'état-major finlandais a déclaré en 1953 : "L'une des principales tâches des attachés militaires occidentaux est d'étudier notre pays comme une future zone de combat, qui est prévue pour devenir occupée par l'Union soviétique et donc de le reconquérir - ou au moins d'engager les troupes ici - et cela devrait à un moment donné être possible". Un répertoire effectué alors que la Stasi de l'Allemagne de l'Est rôdait aussi en Norvège...
"L’unité Est-allemande chargée de l’espionnage en Norvège s’appelait III/A/2 : elle couvrait aussi le Danemark, la Suède, la Finlande, l’Autriche, la Suisse, le Portugal et l’Espagne. Le département comptait 20 employés... L’un des agents avait pour nom de code... Marcel ! On sait qu’il été très actif, mais Jusqu’à aujourd’hui, absolument personne ne sait de qui il s’agit. Il est probable qui soit Norvégien..." précise SeenThis, qui retorque que les norvégiens rechignent toujours à en parler... car ce serait en même temps reconnaître leur collaboration intense avec la CIA américaine, sans doute. Une collaboration secrète qui et allée très loin comme on va le voir...
Drain, de la 75eme division, pouvait facilement superviser les étendues de prairies norvégiennes ou finlandaises, car il avait lui-même combattu héroïquement en Normandie puis en Belgique, lors de la
terrible bataille des Ardennes ("Battle of the Bulge") notamment à Ville du Bois et Petit-Thier, où était parvenu le 2e Bataillon de la 290e et 291e d'infanterie, et où l'artillerie avait rencontré une forte opposition et contre-offensive allemande réussie. "
Les actualités cinématographiques présentées après la bataille des Ardennes, qu’elles soient allemandes ou américaines, montrent inévitablement les images apocalyptiques prises après l’accrochage de Poteau. On peut y voir des Waffen-SS triomphants, en train de se partager des rations et des cigarettes américaines, sur fond de Half-Tracks encore en feu. " L'endroit sera l'objet d'un
massacre de prisonniers américains que l'on inclut dans ce qui est appelé le massacre de Malmedy, perpétré par
le SS Joachim Peiper et ses subordonnés. Un coup direct sur un chasseurs de chars américain avait déclenché un incendie qui avait enflammé les munitions stockées, Jesse Drain alors lieutenant-colonel, avait évité le pire à ce moment-là et recevra la Silver Star pour cet acte de bravoure (en Corée il recevra une seconde Silver Star, une Bronze Star for Valor, la Soldier’s Medal, et la Legion of Merit). C'est en effet le même héros qui va s'llliustrer dans cette patiente cartographie scandinave car c'est
"un attaché américain, le colonel Jesse Drain, et ses collaborateurs qui ont photographié et mesuré les ponts, les routes et les postes frontaliers en Laponie en août 1962 et ont alors « exceptionnellement et effrontément", dû quitter le pays. Les Finlandais étaient également pas moins étonné d'assister au passage des agents de travaux publics un fonctionnaire de l'ambassade travaillant pour la CIA marchant aux côtés des fonctionnaires du gouvernement finlandais, et demandant le poids des tanks que pourraient supporter certains ponts. Le chef du renseignement norvégien Vilhelm Evang a expliqué à ses collègues finlandais pourquoi Drain avait été si actif. Les Soviétiques avaient alors tiré leurs missiles en mer Arctique à partir de leurs sous-marins atomiques sur une distance de 650 kilomètres, et d'autres missiles avaient été lancés depuis le continent vers la mer. Le renseignement américain était en état d'alerte, et avait été demandé à ses agents de "découvrir tout ce qui était possible dans les régions au nord, même les moindres détails."
Selon certains, Vilhelm Evang et Jens Christian Hauge, ministre de la Défense norvégienne, créateurs du Norwegian Intelligence Service (NIS) étaient aussi responsables de la création d'un réseau de "
stay-behind" façon Gladio en Norvège, appelé étrangement "
Rocambole" (ROC en abrévié).
Comme exemple de cette dualité, pendant la guerre, Hauge avait voyagé à Londres sous une fausse carte d'identité, celle de l'ingénieur Ole Lange. En 1948, devenu ministre de la Défense norvégienne, Hauge en avait créé une autre, sous le nom de "sergent Par Kristiansen." Une véritable armée secrète s'organisait alors grâce à eux équipés de matériels radios fournis par le MI6 anglais. Comme formateur, ils avaient le major Sven Blindheim, ancien résistant dans le réseau norvégien Milorg qui servait d'instructeur à la «
Nursery », le centre de formation aux opérations spéciales situé à Fort Monckton, en Grande-Bretagne ; où on trouvera aussi des italiens du Gladio. Blindheim finira par se fâcher avec ses amis et sera même condamné pour avoir révélé les secrets du mouvement
stay behind norvégien. Jens Christian Hauge avait été le chef fort actif du réseau de résistance Milorg durant la Seconde Guerre mondiale, et était aussi devenu agent de l’OSS (le précurseur de la CIA). Ce qui expliquerait grandement les facilités dont à bénéficié Drain pour sillonner tout le pays... le contact entre le NIS et la CIA s'appelant Alf Martens Meyer. Dans son livre de mémoires, paru en 1978, William Colby, le responsable de la CIA ; confirmera bien l'existence du réseau norvégien de
stay behind.
Mais il faudra attendre 1995 pour qu'un ouvrage norvégien signé Ronald Bye et Finn Sjue confirme définitivement l'existence de cette armée secrète
("Norges Hemmelige Haer – Historien om Stay Behind", ou
"L’Armée Secrète Norvégienne. Histoire du Stay-Behind"). En réalité, comme le dit l'ouvrage
"Les réseaux stay-behind en France : 1945-1962",
"excepté l'Islande, qui ne disposait pas d'armée, et le Canada, qui n'était pas sous le coup d'une invasion soviétique, tous les quatorze autres pays membres de l'OTAN avaient des armées stay-behind, ainsi que les quatre pays neutres : Suisse, Suède, Finlande, Autriche. Il fut découvert que les services secrets des pays concernés entretenaient des armées secrètes en relation avec la CIA et le MI6, qui leur fournissaient du matériel militaire dissimulé dans des caches d'armes, des moyens de communication« Contrairement au Parlement et à la population, les membres de 'exécutif de chaque Etat étaient tous au courant de ces activités clandestines, mais n'avaient qu'un faible, voire aucun, pouvoir sur les armées secrètes et sur l'ingérence des services secrets anglo-saxons dans leurs affaires intérieures"
La moisson réunie au sol par Drain sera de fait assez phénomènale : "les négociations avec le service de cartographie finlandais ont donné des résultats : dans les années 1950, les Finlandais on remis aux États-Unis pas mois moins de 100 000 exemplaires de cartes de photos aériennes et des photos de zones dont ils n'avaient eux-mêmes pas les cartes. De même, les services secrets suédois ont obtenu des Finlandais toutes les cartes, les photos et les cartes marines qu'ils voulaient. En retour des photographies sur papier de bonne qualité , les Américains ont envoyé aux Finlandais (600 000 de pages envoyées par la valise diplomatique) des renseignements sur les pays socialistes. Tout était très secret, parce que la divulgation de cette disposition entraînerait des difficultés avec des conséquences désastreuses. La livraison de photos a continué jusqu'à la deuxième moitié des années 1970, et à la fin les Finlandais ont eu des photos satellite en retour. Le contre-espionnage finlandais remarqué que les agents américains avaient eu des contacts directs avec le service officiel de cartographie, et les officiers finlandais ne portant pas d'uniformes ont été vus se rendre à l'ambassade américaine pour échanger des données ou du matériel." On est loin des extra-terrestres, avec cette nuée de touristes déguisés photographiant patiemment tout le pays... en cas de conflit futur !
Restons sur terre, en effet. En Norvège, en fait, des OVNIs intriguent depuis longtemps, ou plutôt des lueurs étranges que la CIA serait bien incapable d'expliquer par des vols d'U-2. Et ce ne sont pas les magnifiques aurores boréales, communes plutôt ici,
comme celles qu'on peut admirer à Trondheim et qui ravissent les touristes. Le
phénomène se produit à Hessdalen depuis des années (au point qu'on y a installé une
station automatique pour filmer les événements !). Selon une explication récente plausible, la nature des terrains de la vallée dont une rivière charriants des composés sulfurés et des pentes aux roches ferriques se comportant comme une
vraie pile électrique serait à l'origine du phénomène, l'air s'ionisant naturellement sous leur influence pour créer ses effets lumineux. D'autres évoquent le radon dont est aussi chargé le sol des lieux. Il n'empêche : la vidéo des "orbs" ainsi créés et
tout ce qu'il y a de plus saisissante ! Pour en revenir à notre OVNI brillant posé à Bodø, difficile de savoir lequel exactement été résident là-bas. Au musée de Bodø, on en a bien un, tout noir
, suspendu au plafond du bâtiment du
Musée de l'Aviation du pays. Le hic, c'est qu'il arbore le N°56 953.
Or ce numéro correspond à un avion biplace d'entrainement U-2 CT, aperçu à Beale (en Californie) en 1986 pour la dernière fois, selon des techniciens l'ayant croisé. Deux modèles de U-2 A ont été transformés sur place en biplaces : les
56 6721 et 56 6953. Il semble bien que c'est le même qui est suspendu à Bodø, comme l'est celui installé au
musée anglais de Duxford.
Celui-là porte le numéro 66 692, alors que c'est le 56 692 au départ, lui aussi reconverti en U-2 CT en 197
2 après un incendie à bord et
redevenu à nouveau "single". Cet avion étonnant à l'art d'entretenir le mystère jusqu'au bout...
une source intéressante sur l'U-2 :
une bio intéressante de pilote de RB-47E
sur les vols espions
sur la "capsule" emportée par le B-47