Des avantages de l’Ostracisme politique
A l'age d'or de Périclès, les citoyens d'Athénes ne se contentaient pas d'élire leurs magistrats. Leur système d'institutions disposait une particularité qui n'existe pas dans nos démocraties modernes mais qui mériterait, aujourd'hui bien plus qu'à aucune autre époque, qui mériterait, donc, d'étre remise au goût du jour.
Je veux parler de l'Ostracisme.
Pas du sens moderne qu'on a donné a ce terme mais bien de la pratique démocratique du bannissement de la cité des magistrats fautifs qui était pratiquée non seulement à Athènes mais aussi en bien d'autres cités comme Syracuse, Argos ou Éphèse.
ΕΞΟΣΤΡΑΚΙΣΜΟΣ
Cette saine institution permettait aux citoyens de voter chaque année pour savoir s'il etait utile de chasser de la cité, et ce pour une durée de dix ans, un citoyen que le peuple considérait politiquement indigne, néfaste ou dangereux ou tout simplement qui oripilait ne majorité de ses concitoyens.
Une condamnation que les citoyens pouvaient révoquer à tout moment voire avant même le début de son application mais dont la capacité de dissuasion sufisait à temperer les exces de promesse des démagogues, les tentations des profiteurs ou les calomnies des intriguants et contribuait à donner à l'amour de la vertu dans les affaires publiques des arguments bien concrets.
Bref, Une sorte de "casse toi pov' con" à l'envers, la vulgarité en moins.
A Athènes, ce sont des fragments de poterie, nommés Astrakon (coquillage), qui servaient de bulletins de vote. On y a retrouvé de très nombreux tessons portant les noms de citoyens qui avait été soumis à cette forme d'élection à l'envers.
Les qualités de cette institution que je trouvais jusqu'ici désuète et anecdotique m'apparaissent désormais de manière flagrantes si bien que j'en suis venu à regretter que les esprits des lumières qui ont conçu notre système représentatif n'aient pas perçu les énormes services qu'un tel dispositif présenterait pour notre démocratie.
Le retour de l'enfant prodigue
Cette évidence s'est imposée à moi pour la première fois à l'occasion d'un événement très précis : le passage de DSK sur TF1 après son retour en France.
Et les récentes rumeurs sur son départ définitif présumé dans la presse "people" m'a confirmé que je ne dois pas être le seul à avoir eu le même sentiment profond.
Car il y a tout de même dans cette affaire sordide ce que les anglais appellent un "éléphant dans la pièce que tout le monde feint d'ignorer".
Cet éléphant c'est qu'il y a une troisième victime de ce scandale.
La victime dont personne ne parle
L’enquête de police et justice ont donné, assez naturellement, à Mme Diallo un statut de victime. Les amis de DSK ont de leur coté, sans vergogne, tenté de présenter ce dernier comme la victime d'une cabale voire d'une justice expéditive.
Mais il est une victime dont personne ne se soucie, et surtout pas ceux qui devraient parler en son nom : et c’est la France.
Car il faut se rappeler que le personnage en question avait l’honneur d’occuper un poste de premier plan sur la scène internationale, ou, même si ce n’était pas là sa mission première, il représentait tout de même notre pays.
Une France qu’il a humilié aux yeux de la planète entière, donnant de nous l’image d’une nation de gros obsédés, violeurs, suffisants et incapables de se refréner.
Une sale image que nous allons traîner un bon moment.
Le silence de nos gouvernants sur ce point et l’accueil que lui a réserve TF1 a son retour en France montrent a quel point le milieu politico-mediatique est coupé des réalités, incapable de partager l’humiliation que cette indignité nationale nous a fait subir et que chaque citoyen français a immanquablement ressenti au plus fond de lui.
Cette pathétique tentative de remettre en selle le vieux satyre déchu qui nous a couvert de honte a profondément offensé les gens ordinaires.
Ce n'est plus un fossé c'est le grand canyon
L'incapacité du microcosme politique à percevoir cette profonde blessure de l’orgueil national est une grave faute et un aveux implicite de son isolement croissant vis à vis du peuple.
Une distance qui, visiblement, n'est pas aussi grande ans les journalisme "people" lequel bruisse depuis quelques jours de rumeurs donnant DSK partant pour une installation définitive en Israel où il posséderait une maison.
Pour tout vous dire, j'ai ressenti à cette nouvelle une sorte de soulagement inattendu. Une issue enfin se présentait à l'indignité que nous fait subir depuis cet été cette affaire écœurante qui n'en fini pas de rebondir.
DSK partiait en exil ?
Enfin nous pourrions tourner la page et l'oublier, lui, sa douche, son Sofitel, son Carlton et ses "fautes morales" incongrues.
Mais non. Il parait que ses avocats ont tout démenti.
C'est alors que j'ai compris toute la grandeur du système athénien de l'Ostracisme.
Car il y a parfois des gens qui ne comprennent pas que "non" signifie "non".
Il y a des hommes qui pensent que l'on peut s'imposer aux femmes sans tenir compte de leur refus, sans se soucier de piétiner leur fierté, de souiller leur honneur.
De même il se trouve des hommes politiques pour penser parvenir imposer leur présence inopportune à des concitoyens dont ils ont bafoué la confiance, ridiculisé la réputation et souillé l'image à l'étranger.
Des hommes pour qui tout cela n'est qu'une faute morale sans guère de conséquences.
C'est pour ces hommes là que les Grecs avaient inventé l'Ostracisme.
Aussi il est temps que nous songions à revendiquer la restauration de cette juste et indispensable institution et que nous marquions nos tessons de trois lettres : D S K.
Si jamais il y eu dans l'Histoire un parfait candidat à l'Ostracisme démocratique, c'est bien lui.
Même s'il ne part pas, même si l'Ostracisme politique n'est jamais restauré, DSK est déjà en exil.
Un exil qu'Olivier Weber a très bien décrit dans Le barbaresque :
L’Espagne n’avait plus grande importance à mes yeux, car j’avais compris qu’il n’est pire exil que celui du cœur.
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