Des cratères lunaires
Les cratères lunaires sont-ils d'origine volcanique ou météoritique ? Cette question a taraudé les chercheurs pendant quatre siècles avant de trouver une réponse. Réponse qui n'est pas aussi simple qu'il n'y parait…
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La découverte des cratères
Lorsque Galilée pointe sa Lunette sur la Lune à l'automne 1609, une énorme surprise l'attend.
En effet, à son époque, on considérait que les cieux étaient le lieu de la perfection, que les astres étaient des sphères parfaites décrivant des orbites parfaites, par opposition à la Terre, imparfaite et tourmentée.
Or, que voit-il ? Une boule criblée de trous, couverte de zones sombres et claires, hérissée de gigantesques chaines de montagnes…
Il est d'ailleurs la première personne à voir des montagnes "de dessus", puisque personne n'avait encore survolé de montagne en ce temps.
La géographie lunaire est bientôt étudiée par de nombreux savant, des cartes sont tracées, enrichies, et on commence à nommer et baptiser les différents objets de la surfaces : montagnes, vallées, cratères, mers et terres…
L'origine volcanique
Si la présence de montagne sur la Lune ne surprend pas, la présence des cratères en très grand nombre est plus intrigante.
Sur Terre, on connait bien une source de cratère : les volcans.
Bien que l'étude des volcans ne soit pas encore très perfectionnée (la volcanologie débute au XVIIIème siècle), on a plusieurs exemples sous les yeux : rien qu'en Italie, on trouve le Vésuve ou le Mont Albain, avec des cratères et des caldeiras.
Faute de mieux, les cratères lunaires sont donc simplement considérés comme étant d'origine volcanique.
Les astéroïdes
Il faut dire que jusqu'au début 1800, l'existence d'objets errants dans le système solaire, les astéroïdes, est inconnue.
La présence des comètes est attestée, leur rotation autours du Soleil également, mais on ignore qu'elles sont extrêmement nombreuses, et l'on n'imagine même pas qu'elles puissent heurter un autre corps.
Deux évènements surviennent alors : la découverte fortuite de Cérès par Piaggi en 1801, puis l'étude de la météorite de l'Aigle (en Normandie, France) par Jean-Baptiste Biot, qui démontre son origine extra-terrestre.
L'origine météoritique des cratères lunaires va alors émerger. Mais elle va se heurter à plusieurs problèmes.
Une origine météoritique problématique
Au 19ème siècle, il est convenu que la Lune et la Terre partagent à peu près le même âge, et qu'elles sont issues à peu près du même endroit (ou bien une Lune issue de la Terre elle-même, ou bien issue d'un disque de poussière commun ou une Lune capturée après être passée trop près).
Se pose alors un problème concernant les aspects radicalement différents de la Terre et de la Lune : cette dernière est criblée de trous, tandis que la seconde, à l'exception de quelques volcans, est totalement épargnée.
Si les cratères Lunaires étaient d'origine météoritique, la Terre aurait dû subir le même bombardement, et présenter elle aussi de nombreux cratères ! Bien sûr, la Terre avec son atmosphère, ses vents, son eau et ses pluies, subit une érosion importante.
Malgré tout, on ne connait pas de cratères sur Terre autres que volcaniques, même très érodés.
Ou plutôt, on en connait déjà, mais on ignore qu'ils sont d'origine météoritique, comme Meteor Crater (Arizona, USA).
On ignore surtout, à l'époque, le mouvement des plaques tectoniques.
Un autre problème se pose : les astéroïdes arrivant de partout, les cratères devraient alors avoir des formes allongées, dans le sens de leur arrivée.
Or, on ne constate pas ça sur la Lune.
Mais à l'inverse, la théorie volcanique a ses détracteurs : d'abord, les cratères ressemblent un peu à des caldeiras, mais pas franchement à des volcans. Ensuite, on en trouve vraiment en trop grand nombre, entassés les uns sur les autres.
Il n'y a d'ailleurs pas trace de coulées de lave comme on en trouve sur Terre.
Statut Quo
Au cours du 19ème siècle, puis jusqu'à la moitié du 20ème siècle, les deux théories majeures pour expliquer les cratères lunaires, volcanique et météoritique, vont cohabiter.
Quelques autres explications alternatives, fantaisistes vont également apparaitre, de temps en temps : effondrements dus à des cavités sous-terraines, explosions brutales de gaz, éclatement de bulles dans la matière molle primitive de la Lune, etc.
Le retour de la théorie météoritique
De façon tout-à-fait inattendue, la Première Guerre Mondiale va apporter un premier élément décisif pour la théorie météoritique.
On a vu, en effet, que l'un des arguments contre celle-ci était la forme des cratères lunaires, bien circulaires (pour la majorité), qui ne s'accordait pas avec des astéroïdes venant de toute part.
Or, sur le champ de bataille, les soldats vont s'amuser à envoyer des obus de toutes tailles, toutes formes, toutes charges, dans toutes les directions.
Et les cratères d'obus apparaitront systématiquement… bien ronds.
En effet, ce qui forme le trou n'est pas l'objet lui-même, mais son explosion ! Et au moment de l'impact, l'explosion se fait, grosso-modo, égale dans toutes les directions…
Cette même découverte va permettre de confirmer l'origine météoritique de quelques cratères connus et soupçonnés d'être des cratères d'impact, comme Meteor Crater, aux USA.
La dérive des continents
Simultanément, en 1912, Alfred Wegener va formuler une théorie nouvelle qui va révolutionner la géologie : la tectonique des plaques, ou dérive des continents.
La Terre ne serait plus rigide et figée, mais serait recouvertes de plaques, mouvantes, régénérées en permanence, et glissant lentement mais sûrement les unes sous les autres. Sa théorie est contestée, et suscite rapidement de vifs échanges entre savants.
Toutefois, au gré des découvertes géologiques, elle va se trouver peu à peu confirmée, et à partir de la moitié du 20ème siècle, elle va enfin s'imposer.
Or cette théorie va régler définitivement le second problème : l'absence de cratères d'impact sur Terre en grand nombre.
En effet, les cratères lunaire sont âgés pour la plupart de 3 à 4 milliards d'années : or il n'existe plus sur Terre, ou quasiment plus, de terrains datant de cette époque.
Les plaques ont glissé progressivement sous d'autres plus récentes, faisant disparaitre les roches les plus anciennes, et donc les traces de bombardement météoritique !
Les cratères plus récents, peu nombreux, sont pour une grande part sous la mer et très érodés, au point d'être méconnaissables (comme celui du Chicxulub au Mexique, reste de l'impact qui a fait disparaitre les dinosaures il y a 65.000.000 d'années).
Ainsi, à partir de 1960, puis des missions Apollo, l'origine volcanique des cratères s'est faite oublié, remplacée par l'explication météoritique.
Mais il y a bien des volcans !
Aujourd'hui, il apparait évident, pour tout le monde, que les cratères lunaires sont des cratères d'impact.
Sauf que… c'est vrai pour la très grande majorité… mais pas pour tous !
En effet, comme tous les autres corps du système solaire, la Lune a possédé (et possède encore) un cœur chaud et liquide, a connu des épisodes volcaniques, et possède bien des volcans (éteints).
Toutefois, du fait de ses caractéristiques physiques – Composition des roches et des laves, faible gravité, absence d'eau et d'atmosphère – ses volcans n'ont pas vraiment pris la forme de beaux cônes comme sur Terre, restant souvent tout plats, ne laissant qu'une bouche apparaitre.
Voici une petite liste de volcans lunaires intéressants :
Braylay G, est un cratère volcanique, et un bel exemple de faux cratère d'impact. C'est la bouche d'un volcan totalement plat… 24°07'05.74"N 36°24'06.19"O Plus d'infos sur le site de LRO |
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Cratère Prinz : Plusieurs bouches volcaniques sur les flans de ce cratère immergé, avec des chenaux de lave (ou tunnels de lave effondrés) 26°17'56.70"N 43°46'00.19"O |
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Chaîne de volcans, dans la région d'Hortensius, de type volcan bouclier 7°37'04.68"N 27°58'18.35"O Plus d'infos sur le site de LRO |
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Petit volcan au bord du cratère Eddington, conique, avec un cratère bien dessiné 21°21'57.86"N 69°28'40.49"O Plus d'infos sur le site de LRO |
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Deux jolis volcans dans Lacus Mortis, coniques également 43°43'19.08"N 23°51'02.82"E Plus d'infos sur le site de LRO |
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La gigantesque vallée Schröter, avec sa "tête de cobra", vaste bouche volcanique, qui a donné naissance à un énorme fleuve de lave 24°36'24.56"N 49°35'15.99"O |
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Les monts Rümker sont également des volcans, essentiellement sous forme de dômes volcaniques, c'est-à-dire généralement dépourvu de bouche | |
Enfin pour terminer, le très mystérieux cratère Ina, relativement récent (quelques millions d'années), et que l'on pense être d'origine volcanique 18°39'42.81"N 5°17'36.60"E Article sur INA |
Encore du volcanisme ?
Nous avons traité des cratères lunaires, pas du volcanisme lunaire : celui-ci a existé, de façon certaine, et il est visible en particulier par la présence des Mers Lunaires, qui sont de vastes zones basaltiques de lave refroidie, issues généralement de failles dans les très grand bassins d'impact.
La présence d'un volcanisme actuel, sur la Lune, est toujours débattue : certaines découvertes récentes semblent aller dans le sens d'un volcanisme faiblement actif, sous forme de remontée de gaz (voir le cratère Ina, plus haut).
Enfin, pour conclure, on pourra s'amuser de voir que la science, régulièrement, explique doctement un phénomène, avant de lui trouver une nouvelle explication et de railler la précédente. Elle l'a fait dans le passé, le fait aujourd'hui et le refera à l'avenir.
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