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Accueil du site > Tribune Libre > Des divergences sur La Confluence

Des divergences sur La Confluence

Balade au coeur du nouveau quartier sur la presqu'île de Lyon.

Destination : l’extrémité des terres lyonnaises pour une Confluence contrastée. J’embarque depuis les berges du Vieux Lyon pour me retrouver au cœur du XXIème urbain.

A gauche toute, vers cette suite tirée au cordeau de bâtisses hétéroclites. Vise cette cacophonie des formes et des couleurs : du bleu criard, du marron suspect, la désarticulation comme signature, la disharmonie comique à l’arrivée. Tiens, le plus foncé, de trois quarts, on dirait un Wall-e géant qu’on aurait enchaîné loin de sa dulcinée : il est vraiment marron, là, le petit robot sensible. Par temps sinistre, le rictus de cet ensemble aux arêtes désordonnées pourrait effrayer ses hôtes, non ?

Frileux ! Enfin de l’architecture polysémique qui assume la diversité des apparences. Ces volumes à vivre affûtent le regard par une variété dans un alignement sans fausse note. Des teintes qui accrochent, des figures géométriques qui favorisent la singularité des espaces : une rupture salutaire avec l’urbanisme plan-plan.

Admettons la hardiesse. Poussons jusqu’aux intérieurs du quartier. Je tombe sur ça : des façades aux textures rebutantes qui se font face sans respiration possible. Des artères à l’étroitesse révélatrice, le choix oppresse : une concentration sans densité créative. La promiscuité parée de verres ou de matières réfléchissantes, l’avancée est pour le moins limitée et finira par asphyxier les occupants.

Foutaise ! J’oublie l’autre facette des immeubles qui s’ouvrent sur l’espace sans vis-à-vis, une complémentarité engageante en somme. Cette intimité monumentale n’encombre pas, mais incite aux croisements furtifs. Quelques rapprochements pour une Confluence achevée, quoi de heurtant ?

Sublimer à tout prix, le Lyonnais s’affirme presque chauvin… Allons plus loin. Comble de la frime auto proclamée avant-gardiste : un extérieur béton brut avec ouvertures affublées de bois plus ou moins massif. Du déjà-vu, mais pour des motifs bassement économiques : on ne peindra pas les murs de notre nouvelle demeure, j’ai explosé mon budget ! C’est aussi la tendance de la plupart des parkings, nul besoin d’un copiage en plein air.

Pff ! Brisons le petit bout mesquin de la lorgnette. L’initiative de réunir le gris mat des murs et la clarté naturelle d’interstices parés de matière naturelle, là est le charme. N’oublions pas le jardin intérieur et ses boulots en croissance : l’espoir malgré la crise pour notre époque évasive. Fracassons le convenu !

C’en est trop pour mon cortex. Je vais m’abreuver au point d’eau le plus proche : une étendue glauque qui se voudrait sauvage. Au détour d’une rue, l’effet est immédiat : l’immeuble se désarticule. Tellement sûr de son art que l’archi constructeur impose ce bloc qui intrigue, amuse, désappointe, attriste puis révulse. Juste du cynisme qui se fout des habitants. Lorsque l’art chie, l’esthétisme trépasse.

Nenni ! Osons renouveler les codes : l’inattendu décalage invite à lever la tête et s’inscrit dans un ensemble inventif. Un écart avec les règles et la vie s’épice.

Vraiment ? Je me leurre… Passons le petit pont du port calme, presque dormitif, pour se rapprocher du centre commercial ouvert à tous les vents où se cumulent les mêmes enseignes qu’ailleurs. Temple des achats, comme au bon vieux temps du Vingtième. Rien de nouveau sous la bâtisse.

Peut-être, mais la coque aérienne du complexe dégourdit le regard qui s’élance vers les lignes de fuite. Les allées préservées de la foultitude ne contraignent pas à l’acquisition compulsive de biens, elles s’offrent aussi pour le vagabondage serein. Ça rime, un signe d’harmonie, non ?

Ouaip ! Sans doute comme cette enfilade : un gouda façon gruyère ayant reçu un coup de poing gargantuesque et la Sucrière qui saupoudre les lieux de ses vieilleries. Du trompe-l’esprit au nom d’une tambouille d’intentions fumeuses. Lorsque l’interprétation s’impose pour sauver des apparences rejetées, c’est que l’essence artistique a viré au gazole. Vous aurez beau inspirer ses vapeurs avec toute l’exégèse possible, ça restera du carburant qui pue.

Quel scrogneugneu ! L’orange est un cube dentelé avec, en un coin, l’appel d’air salvateur. Oui, ce bâtiment existe, vit même sous nos yeux. Laissons les grincheux se dessécher et goûtons ce fruit juteux aux saveurs soulignées par une Sucrière préservée, témoignage d’une folle époque, d’une activité pesante : de l’authentique pour accueillir les créateurs en quête sincère.

Assez ! J’ai l’esprit en friche, je dois me poser : les Docks 40 feront l’affaire. Une fraîche boisson à quelques mètres de l’affluent qui galope dans son lit : les véhicules de l’autre rive semblent remonter le courant en trombe. Rouille et vert-de-gris surplombent la verte pelouse synthétique : planer entre deux consistances pour tutoyer la synthèse. L’ivresse réversible de la découverte, des ressentis en chantier, des paradoxes qui submergent : que les eaux de la Saône et du Rhône se rencontrent, se mélangent et s’écoulent jusqu’au delta, miroir méditerranéen de notre Confluence, avant l’épanouissement maritime.

(Photos de Loïc Decrauze)


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8 réactions à cet article    


  • Parrison Parrison 28 mai 2012 12:23

    Bonjour Loïc, et merci pour cet article sur lequel je suis tout à fait d’accord.


    Avez-vous baissé les yeux... ? le bas de chaque immeuble n’est toujours pas terminé... En guise de décoration on a bouché les arcades de plots, on a gardé quelques gravas pour donner l’illusion que les travaux sont en cours... 

    On n’a pas eu non plus le temps de finir les « mixed borders », qu’à cela ne tienne, les herbes folles s’y sont installées, au moins c’est vert, c’est déjà ça...
    Nouvellement installée dans la superbe Lyon, j’ai embarqué sur un des « vaporetti » depuis les berges de Saône... très agréable voyage qui permet d’admirer les immeubles des quais, Tilsitt entre autre, rien que pour ça, il faut se réjouir de l’existence de Confluence, mais rien que...
    Quittés ces quartiers à l’architecture remarquable, on atteint des rivages moins riants, de vieilles péniches amarrées de longue date agonisent dans l’indifférence, les aménagements du quai annoncent ce qui suit... Confluence...., on nous a donc ménagé la transition, le choc ne sera pas brutal, rien qu’affligeant . 

    La première réflexion est que c’est du « design » pour bourses plates, mais quant on connaît le prix auquel on a proposé ces appartments, on est soulagé d’être resté sourd aux boniments des vendeurs... 

    Le quartier est calme, une ville fantôme, sans âme... Le centre commercial est du même tonneau... on reste sur sa faim en termes d’architecture., de coups de coeur, d’originalité, la majorité des boutiques se trouvent en ville, comment justifier le déplacement quand on a tout sous la main... ? 
    Le manque de moyens est criant, tout semble avoir été « tiré » pour coller au budget...


    L’art de bousiller son environnement, l’art de faire de l’argent en abusant le client...

    Salutations
    Laeti



    • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 28 mai 2012 13:46

      Merci pour ce témoignage édifiant...


    • La mouche du coche La mouche du coche 13 octobre 2012 17:26

      Pour répondre à cet article d’idiot utile au système capitaliste, voici une vidéo sur la laideur de l’architecture contemporaine qui dit elle la vérité :

      http://www.youtube.com/watch?v=rNozfdE8jCM


    • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 28 mai 2012 18:03

      Merci pour ce témoignage passionnant d’une authentique et sensible Lyonnaise.


    • jluc 28 mai 2012 17:50

      Bonjour Loïc,

      perso, Confluence ne m’apparaît que comme une composition de boites : une boite trouée, une boite tordu (c’est plus drôle), des empilements de boites... en acier, en béton, en bois....
      Vos photos sont très parlantes : Les rues, la place nautique... sont des alignements de boites juxtaposées presque à l’infinie. Le vide qui en résulte, le vide autour de ces boites, est sans forme perceptible, sans signification... menant vers rien... On ne l’identifie pas ; on ne s’y identifie pas. L’espace autour de soi est complètement schizophrénique ! Un décor pour cinéma fantastique ?


      • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 28 mai 2012 18:02

        Merci pour votre réaction, vous êtes encore plus sévère que moi. Dans l’annonce de mon texte à mon fichier de lecteurs j’indiquais : « Balade au cœur du nouveau quartier sur la presqu’île de Lyon qui a un effet curieux, l’écriture schizophrénique." On se rejoint encore par l’emploi de ce terme.


      • ARMINIUS ARMINIUS 29 mai 2012 07:08

        La confluence aurait-elle manqué son coup ? Il s’agit il me semble d’un projet d’éco-quartier qui doit répondre aux aspirations de ses habitants : lieu de vie avec espaces verts et eau, proximité des commerces, administrations locales , écoles et accessibilités facile. Coté architecturale une recherche certaine pour être en phase avec le futur : exercice de style assez périlleux et qui demande a être jugé sur le long terme...n’oubliez pas que les parisiens trouvaient la Tour Effel horrible et voulaient sa destruction ! pareil pour Beaubourg, le Bauhaus, Hundertwasser etc...
        On peut préférer les « barres » années soixante et les pavillons avec nains de jardin...
        Bon j’exagère mais n’oubliez pas que Paris ne s’est pas fait en un jour, Lyon et ses nouveaux quartiers répondent aussi à ce principe...


        • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 29 mai 2012 19:51

          Sans doute avez-vous remarqué que mon texte ne se limite pas à la dénonciation pure et dure. Il s’interroge, se contredit, et la fin est plutôt une tentative de synthèse des deux approches.

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