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Des Français voudraient bien se syndiquer mais n’osent pas

Les syndicats sont trop faibles. Journalistes, chroniqueurs de la presse des milliardaires, élus de la majorité, dirigeants, patrons le déplorent. En réalité s’en réjouissent. Syndicats trop faibles, salariés désarmés.

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Le taux de syndicalisation en France est un des plus bas d’Europe, 11 % en 2013 et certains le chiffrent à 8,7 % maintenant.Le phénomène a été beaucoup analysé. Pourtant, il y a un aspect qui n’est jamais évoqué : n’oserait-on plus se syndiquer en France parce que ce serait risqué ?

Syndiqué moi-même, à la suite de beaucoup de mes aînés, entourés de parents, d’amis, de collègues, de connaissances proches ou lointaines de ma génération, eux-mêmes syndiqués, j’ai su ce que certains ont vécu à ce titre comme injustices, menaces, pressions.

Mon père, après avoir été élu représentant du personnel peu avant la fermeture de la grosse entreprise qui l’employait en 1966, a mis un an pour retrouver un emploi. A cette époque le travail était pourtant très abondant dans la région. Dès qu’il évoquait son précédent emploi, la place lui était refusée. Finalement c’est un ancien collègue, devenu chef de chantier, qui l’a discrètement recruté dans son équipe.

Dans les années 1960, un ami de mes parents, responsable syndical, s’est enfui d’Algérie pour se réfugier quelques jours chez nous en France parce qu’il était physiquement menacé.

Dans l’entreprise où travaillait mon beau-père, les enfants des employés étaient embauchés prioritairement. Militant syndical n’ayant pas voulu se soumettre à un ultimatum de son patron, ses trois enfants ont dû partir travailler ailleurs et parfois très loin. Ses deux aînés ne se syndiqueront jamais. L’un n’a jamais trouvé de section syndicale dans les entreprises où il a travaillé. L’autre parce qu’il craignait de subir le sort de son père.

Mon épouse a trouvé son premier emploi d’aide comptable dans une concession automobile où existait une section syndicale d’un syndicat très, très modéré. Exceptionnellement cette organisation avait lancé un mot d’ordre de grève nationale d’une journée. Avec quelques collègues des ateliers mon épouse a suivi le mouvement. Quelques mois plus tard elle a été la seule des bureaux à être licenciée lors d’un dégraissage et contre l’avis de l’expert comptable. Quelques années plus tard, dans son troisième emploi, la chose s’est reproduite dans des circonstances similaires.

Un copain ouvrier leader syndical dévoué dans une très grosse société internationale de la région est resté au même poste pénible et au même coefficient de rémunération toute sa carrière. Il est mort avant d’avoir pu prendre sa retraite.
Chez Peugeot, une enquête a abouti à des condamnations importantes avec obligation de reconstitution de carrière pour des militants et des militantes syndicaux lésés de la même façon.

Moi-même j’ai été victime des manœuvres d’un chef de service. Une fois pour m’empêcher d’obtenir un poste et régulièrement pour gêner mon évolution de carrière.
En une occasion il a feint de me menacer.
Avec mon collègue responsable de la section syndicale, nous venions de faire repousser, par l’ensemble du personnel, un changement qu’il voulait imposer. Il exige que nous signions une déclaration affirmant que nous étions les responsables de ce refus comme si avec ça il allait pouvoir nous faire sanctionner. On lui a jeté le papier sur le bureau en lui disant ce qu’on pensait de son intimidation. Notre force : nous n’étions pas seuls.

Regardons le taux de syndicalisation selon le secteur puis, par taille des entreprises :

  • public, 19,8% ;
  • privé, 8,7% ;
  • dans les entreprises de plus de 200 salariés, 14,4% ;
  • dans les entreprises entre 50 et 200 salariés, 11,5 % ;
  • dans les entreprises de moins de 50 salariés, 5%. (source : Capital, 2017.)

Le fait que dans le public et les grandes entreprises du privé les salariés craignent moins de se syndiquer justifie qu’on pose cette question : n’oserait-on plus se syndiquer en France, en tous cas, de manière évidente, dans certains secteurs ?

Quand je regarde parmi la nouvelle génération dans ma famille et leurs copains, chez mes jeunes connaissances, aussi loin que j’élargisse le cercle de ceux-ci, je ne trouve pas un seul syndiqué. Le plus souvent il n’y a pas de section syndicale dans leur entreprise.
Et quand c’est possible parce qu’elle existe, ils pensent qu’ils n’y ont pas individuellement intérêt parce que ce serait mal vu par leur hiérarchie et parfois même par certains de leurs collègues.
En ce moment, ils pourraient faire un jour de grève ou poser une RTT, voire prendre une demi-journée de congé et aller manifester contre la réforme des retraites. Ils reconnaissent ne pas oser.

Alors, serait-il risqué de se syndiquer en France ?
Pour répondre à cette question, demandez-vous si dans votre petite entreprise, dans votre équipe, dans votre atelier, votre service, votre département, vous oseriez vous syndiquer ou proposer à quelques-uns de former une section syndicale si elle n’existe pas.

Voilà pourquoi en particulier dans les entreprises de moins de 50 salariés, seulement 5 % sont syndiqués.
Individuellement ils n’ont aucune protection en cas de besoin.
Individuellement ils n’ont aucun moyen de faire valoir leurs droits.
Individuellement il est risqué de revendiquer.
C’est là l’origine historique du syndicalisme : les salariés seuls n’ont aucun pouvoir mais ensemble ils sont une force légitime.

Les syndicats sont faibles non pas parce qu’ils sont inefficaces. Ils ont le poids que leur donnent le nombre de leurs adhérents. L’intérêt des dirigeants comme de leurs alliés politiques, c’est qu’ils en aient le moins possible.
Tout a été fait pour qu’il en soit ainsi.
Rappelez-vous encore récemment les lois El Khomri sous François Hollande président et Emmanuel Macron ministre … de « gauche ».
Et qu’est-elle devenue, Myriam en récompense pour avoir si bien servi les travailleurs ?
2019, Agnès Buzyn ministre de la Santé la nomme à la tête d’une mission sur l’attractivité des métiers du grand âge.
2021, elle entre au conseil d'administration de Nexity.

Beaucoup même parmi les travailleurs jettent le discrédit sur les syndicats. Par exemple, une rumeur a prétendu qu’un secrétaire général d’une des centrales syndicales était millionnaire. Nombreux sont ceux qui critiquent le syndicat qui « ne fait pas ceci », qui « profite de cela », qui « avantage certains », etc.
Dès que quelqu’un parle des syndicats comme s’ils étaient des personnes, on comprend qu’il n’y connait rien.
Ce qui fait un syndicat ce sont ses syndiqués. Si ceux-ci consentent à se mobiliser le syndicat est fort. S’ils ne le font pas, il n’y a plus de syndicat.
Personne ne décide à leur place.
Ce sont eux le pouvoir et la force.

De la fin de la seconde guerre mondiale à la fin des années 1970 le plus important syndicat français comptait 5 millions d’adhérents.
Du point de vue social aussi, ce fut se qu’on appelle les trente glorieuses : augmentation des salaires, quatrième semaine de congés payés, améliorations des conditions de travail, comité d’entreprise, faible chômage, instauration d’un SMIG (ancêtre du SMIC), etc.
C’était parce que les patrons et les gouvernants de l’époque étaient très généreux à moins que ce ne soit plutôt parce que les syndicats étaient trop puissants.

Ce qui est écœurant c’est que toutes ces avancées ont profité aussi aux non grévistes qu’on surnommait les jaunes. Non seulement ils ne participaient jamais mais en plus ils vilipendaient les grévistes.
Dans l’entreprise où travaillait mon épouse, ils se réunissaient dans un bureau d’où on voyait le portail d’entrée et dénigraient ceux qui tenaient le piquet de grève. Pendant ce temps ils ne travaillaient pas. Et pour finir ils n’ont jamais renoncé à l’augmentation de salaire obtenue par ceux qui s’étaient mobilisés au prix d’une ou plusieurs journées de salaire perdues.
Dans certains pays, les gains obtenus ne le sont que pour les syndiqués. Oh, et là les syndicats sont très puissants !

Alors si vous n’y allez pas vous-même, au moins respectez l’engagement de ceux qui luttent pour eux et sans le vouloir pour vous, petits veinards.


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11 réactions à cet article    


  • chapoutier 11 février 2023 09:44

    Les syndicats sont faibles non pas parce qu’ils sont inefficaces. Ils ont le poids que leur donnent le nombre de leurs adhérents.

    bien sur, mais nos dirigeants syndicaux sont-ils à la hauteur ?

    pourquoi refusent-ils d’appeler à la grève générale ?

      Lire les 4 réponses ▼ (de chapoutier, sirocco, karibo)

    • L'apostilleur L’apostilleur 11 février 2023 10:05

      « ...des français voudraient bien se syndiquer mais n’osent pas. »

      Parfois c’est parce qu’en prenant la carte du syndicat (pas tous) on a l’impression de prendre celle d’un parti. 

      L’essentiel reste de pouvoir faire grève.


      • Gégène Gégène 11 février 2023 10:32

        Les syndicats, ce sont bien les officines

        qui ont appelé à voter Macron au second tour ?


        • nenecologue nenecologue 11 février 2023 10:39

          @Gégène
          Bien sur ! entre les frères la truelle macron martinez et mélenchon, on sait se renvoyer l’ascenceur ... Tous issus du parti socialiste !


        • jef88 jef88 11 février 2023 11:08

          Un vieux et vrai problème ....

          Les syndicats sont inféodés à des partis politiques ! ! !


          • Samy Levrai samy Levrai 11 février 2023 11:37

            A part SUD quel est le syndicat qui n’appartient pas à la Confédération de syndicats européens (CES) ? 

            Donc nous n’avons que des syndicats qui défendent ( et touchent du fric ) pour que nous restions dans ce qui nous détruit ( UE, euro, OTAN ).

            J’appelle ces trouducs des traitres sociaux.

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