Des images dans les têtes
Lors d’une conférence, organisée par l’ONG américaine CPAC (Conservative Political Action Conference), dédiée à la « préservation et la protection des valeurs humaines, de la liberté et de la propriété individuelle » en début de ce mois de mars, le célèbre biologiste moléculaire Dr. Robert Malone, découvreur de la technologie vaccinale ARNm, fervent opposant par ailleurs à son application généralisée, après s’être fait vacciner lui-même, opposant de la première heure aux mesures sanitaires dans le cadre de la pandémie du Covid19 et de la censure sur les réseaux sociaux et les médias qui s’ensuivit, prit la parole devant un parterre d’auditeurs et déclara, entre autre : « Nous devons absolument casser le lien qui unit « big tech » (les grandes entreprises de technologie américaines ndlr) et « Intel » (collecte d’informations secrets par l’intermédiaire de l‘état à des fins militaires ou politiques ndlr) afin de nous préserver d’un futur marxiste. » Fin de citation

Un futur marxiste. C’est assez extraordinaire comme remarque. Où est-ce que le Dr. Malone croit que sont partis « les valeurs humaines, la liberté et la propriété individuelle » du peuple américain après quarante ans de capitalisme néolibéral ? En fumée. En quarante ans, une infime classe de puissants capitalistes a littéralement vidé l’état et l’économie américaine de sa substance, avec le concours de la politique fiscale d’une brochette de sept présidents successifs, Ronald Reagan, George Herbert Walker Bush, William Jefferson Clinton, George Walker Bush jun., Barack Obama, Donald Trump, Joseph Robinette Biden. Ce qui reste au peuple américain, ce sont ses yeux pour pleurer et une dette colossale à rembourser. Et ce n’est pas la faute à Karl Marx. (Karl Marx, Le capital, critique de l’économie politique, la nature réelle du capitalisme, 1867 ndlr)
Quand le 40ème Président des Etats-Unis d’Amérique, Ronald Reagan, prit le pouvoir le 20 janvier 1981, la dette souveraine américaine s’éleva à 738 millions USD. A la sortie de son mandat, le 20 janvier 1989, celle-ci s’éleva à 2,1 billions USD. Quand son successeur George Herbert Walker Bush prit les règnes du pays, l’endettement américain passa de 4 à 7 billions USD. Actuellement la dette souveraine américaine s’élève à 31 billions USD, couplée avec un endettement des entreprises de 10 billions et une dette de consommation des américains de 17 billions. Comparé à une capacité de production annuelle de l’économie (PIB) de 25 billions USD, cela commence à faire beaucoup.
La dette de l’état est le résultat d’une accumulation de déficits budgétaires, année après année, suite à une politique fiscale, épargnant les tranches d’imposition les plus élevées et, surtout, les revenus sur le capital et les plus-values. La différence l’état emprunte sur les marchés financiers aux taux du marché auprès des mêmes personnes auxquels il a précédemment accordé des faveurs fiscales. C’est ainsi que l’état se vide de substance et de sa capacité de fonctionner. Le Président Ronald Reagan le disait bien, « L’état n’est pas la solution, l’état c’est le problème. ». En effet, en Amérique il n’y a plus d’état.
On aurait tort, toutefois, de jeter la pierre au Dr. Malone et ses semblables, car le peuple américain est sans aucun doute le peuple le plus endoctriné de la planète.
Pour s’en rendre compte, il convient de revenir un siècle en arrière, quand une poignée d’intellectuels et d’économistes débuta un projet de démantèlement de l’état de providence, sans précédent dans l’histoire du capitalisme, (2), dont un d’entre eux, Walter Lippmann (1889 – 1974), écrivain et journaliste, père du journalisme « moderne », inventeur du concept de la propagande médiatique (1), précurseur du néolibéralisme (2), le formula ainsi : « Ce qui compte, ce n’est pas la réalité, ce qui compte, c’est la manière dont le public la perçoit. Il s’agit donc de façonner cette perception, à travers la communication médiatique, de sorte à ce qu’elle devienne réalité, ce qui présuppose un conditionnement du consommateur des médias par une répétition, sans cesse, des même stéréotypes (pictures in our head ndlr) jusqu’à ce qu’un paradigme devienne immuable.
Ces paradigmes, en l’occurrence, acceptés et intériorisés par la grande majorité des américains avec le temps, sont : la raison d’être de l’exceptionnalisme américain et, par extension, la raison d’être de l’empire américain en tant que vecteur des « valeurs occidentales » dans le monde, mais, avant tout, une haine viscérale de tout ce qui touche de près ou de loin à des notions comme le « socialisme » ou, pire, le « communisme », supposément l’antithèse de la liberté individuelle, si chère à l’américain moyen, et ,de toute évidence, à son élite.
Il n’est pas inutile de se remémorer, dans ce contexte, cette période sombre de l’histoire américaine, entre 1950 et 1954, que fut le maccarthysme, une chasse aux sorcières sans pitié contre toute personnalité publique ou privée, supposément inféodée par le « germe » du communisme, orchestrée par l’impitoyable Sénateur Joseph McCarthy (1908-1957) et son acolyte, l’avocat Roy Cohn (1927-1986), figure emblématique de « ces années de plomb », au carrefour du crime organisé, des services secrets et du Département de justice, avocat de Donald Trump et ami intime de J. Edgar Hoover (1895-1972) , le fondateur du FIBI et son directeur de 1935 jusqu’à sa mort en 1972. (« One Nation Under Blackmail », la fusion entre les services secrets et le crime organisé, donnant naissance au « phénomène » Jeffrey Epstein, Whitney Webb, septembre 2022 ndlr)
La rigidité intellectuelle et le conditionnement des élites américaines dans ce domaine crucial que sont les sciences économiques, se mesure, peut-être, au mieux aux expériences qu’avait faites le professeur Richard David Wolff, le plus éminent des économistes marxistes américains, dans sa jeunesse, lorsqu’il usait ses fonds de culottes à l’université à côté de l’ancienne Présidente de la Réserve Fédérale et actuelle Secrétaire au Trésor, Janet Yellen, la « poster-girl » de l’establishment.
Une fois son diplôme en poche, il souhaitait élargir son horizon en s’intéressant aux sciences économiques hétérodoxes, notamment les thèses de Karl Marx. Aucune université américaine proposait des cours sur ce sujet (aucune) et tous ses professeurs (tous) lui déconseillaient de s’aventurer sur ce terrain glissant, destructeur de carrières universitaires.
Hélas, il faut rendre à Caesar ce qui est à Caesar. Le défunt propagandiste Walter Lippmann et ses acolytes ont réussi le coup de maître, en un peu plus d’un siècle, d’imposer à la société américaine leurs « stéréotypes ». Pour cette raison, un biologiste moléculaire comme le Dr. Robert Malone, libertaire et conservateur, et un économiste progressiste et marxiste comme Richard D. Wolff, trouveront difficilement un terrain d’entente, bien que les deux fassent le même constat d’échec du modèle économique et sociétal en vigueur depuis un peu plus d’un siècle.
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