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Des mots pour agir, contre les violences faites aux femmes

Rencontrer Eve Ensler, l’auteur américaine de Les Monologues du Vagin, et les femmes qui s’engagent avec elle, c’est marquer un tournant décisif dans sa propre vie. Parler, écrire, quelle que soit d’ailleurs la forme d’expression que nous pratiquons, cela ne peut plus, tout à coup, se concevoir en dehors de l’engagement concret, d’une transmission du réel afin d’engendrer une répercussion sur ce réel pour le meilleur, ou plutôt comme le déclarait sur www.ted.com la romancière militante Isabelle Allende, pour que « le monde ne soit pas meilleur, mais pour qu’il soit bon ».

Un monde bon, ce serait un monde où la violence cesse. Lundi 23 novembre, au théâtre Michel, à Paris, une lecture publique, bénévole, s’est déroulée contre les violences faites aux femmes et aux petites filles partout dans le monde. Cette manifestation mettait en scène des textes extraits du livre « Des mots pour agir », paru aux éditions des Femmes-Antoinette Fouque, le 13 novembre 2009, et dirigé par Eve Ensler.

« Des mots pour agir », c’est un recueil de textes écrits par une cinquantaine d’auteurs américains, auxquels s’ajoutent des inédits français. En introduction, Eve Ensler déclare que nous pouvons aujourd’hui « nous fier aux écrivains », car « plutôt que de chercher à nous dominer, ils nous libèrent ».

Pour avoir assisté à ce spectacle, je lui donne raison. Les lectures ont été incarnées par les comédiennes actuelles, investies, de Les Monologues du Vagin : Stéphanie Bataille (également à la mise en scène), Marie-Christine Barrault, et la dramaturge et comédienne Maïmouna Gueye, également par Aurore Auteuil, Bérangère Bonvoisin, Sylvie Bourgeois-Harel, Fanny Cottençon, Andréa Férréol, Sèverine Ferrer, Marianne James, Christine Orban, Jacques Frantz et Daniel Mesguich. 

Ce soir-là au théâtre Michel, ce que la parole libère en nous, c’est d’abord la conscience, politique, idéologique, celle qu’on a enfermée dans un cadre clos, ronronnant, délimité par les seuls problèmes de notre quotidien. Ce que la parole libère en nous, c’est une quête de justice, même si elle est d’abord un cri de colère avant de se convertir en soin pour autrui.

Puis elle libère le désir d’agir, de mettre son énergie au service de ce qui est non seulement beau mais nécessaire. Si la beauté peut sauver le monde, ce ne sera pas sans intervenir chacun à notre échelle individuelle pour transformer la conscience et les réalités collectives. La beauté, c’est celle de ces mots et de ces voix, ce soir-là, portant de tout leur être les récits des victimes, jouant souvent jusqu’aux larmes, parce qu’il ne s’agit pas tant de jouer que d’accueillir la déchirure vécue par d’autres. Et l’agir, c’est la trace brisée jusqu’en nous de ces voix, parce que ces mots-là agissent jusque dans nos propres chairs et nous rendent capables de combat.

Les textes « des mots pour agir » témoignent, mordent, bousculent, mais ils enchantent aussi, ils nous rappellent que l’écrivain n’est plus cet « enchanteur pourrissant » chanté par Apollinaire, mais un enchanteur renaissant, celui qui peut changer l’horreur en un terreau d’espoir, celui qui proclame le destin que des femmes ont repris en main, leurs libérations volontaires, leur transformation d’une tragédie personnelle en un don pour les autres, pour que plus jamais d’autres ne subissent ce qu’elles ont subi, celui d’hommes aussi qui cherchent à veiller sur elles. L’écrivain est l’enchanteur qui consacre la voix des démunis et la porte jusque dans l’obscurité la plus moite de nos consciences, pointe le moment où l’on aurait pu agir, où on ne l’a pas fait. Mais au lieu de nous engourdir dans la culpabilité, il nous électrifie pour agir, aujourd’hui. Il nous re-connecte au monde tel qu’il est et tel que nous pouvons le changer.  

Eve Ensler est de ces écrivains-là, et tous ceux qui participent au recueil « des mots pour agir » et tous ceux qui portaient ces mots ce soir-là sur scène. Elle a conclu cette manifestation par un discours -en français- pour rappeler les violences continues en France : une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint et ce Lundi-là, une femme est brûlée vive à l’essence par son mari ivre à Meaux. Le mouvement V-day, qu’Eve Ensler a fondé, soutient partout dans le monde des actions contre les violences faites aux femmes. Chacun d’entre nous peut organiser une vente de bienfaisance, ou jouer par exemple localement une représentation de Les Monologues du Vagin et reverser les recettes à une association qui lutte pour les femmes. Ou tout simplement acheter le livre "Des mots pour agir" dont les bénéfices reviennent au V-day.

Sur scène sont également intervenues les politiques françaises Michèle André et Nicole Ameline, l’écrivain engagée Taslima Nasreen, et Christine Schuler Deschryver, la représentante de V-day au Congo et directrice d’un centre qui accueille les femmes et filles victimes de violence (http://www.vday.org/meet-vday/activist-spotlights/christine-schuler-deschryver). Son témoignage, que les larmes interrompaient, est un de ces moments qui vous écarquillent l’âme de façon définitive. Au sujet de la guerre civile au Congo, dont l’arme principale est le viol des femmes et des toutes petites filles jusqu’à la mutilation et la mort, je vous invite à lire les deux témoignages de Eve Ensler, traduits en français sur ces adresses : http://sisyphe.org/spip.php?article3329et http://www.alterinfo.net/Congo-l-homme-qui-sauvait-des-femmes-laissees-pour-mortes_a22280.html

Se sont inscrits pour toujours dans ma mémoire les phrases les plus vives de cette soirée, la bienveillance d’Eve Ensler avec qui j’ai échangé avant la représentation, l’intensité renversante du regard de Maïmouna Gueye me tendant son texte en cours de représentation, la force qui nous a reliés, tous, et qui nous a permis de toucher du doigt ce que pourrait être « un nouveau contrat humain » comme l’écrit Antoinette Fouque, la fondatrice des éditions des Femmes et co-fondatrice du M.L.F (Mouvement pour la Libération des Femmes), un contrat dont les impératifs ne sont ni économiques, ni raciaux, ni de l’ordre de l’arraisonnement d’autrui, mais un contrat qui fait triompher en nous, autour de nous, l’universelle capacité de compassion. Et d’agir.

Laureline Amanieux.

Documents joints à cet article

Des mots pour agir, contre les violences faites aux femmes

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16 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 26 novembre 2009 10:44

    Il est très rare que je sois en accord avec François Fillon. Toute règle souffrant une exception, j’approuve à 100 % son initiative d’ériger en grande cause nationale en 2010 la lutte contre les violences faites aux femmes. A condition qu’il ne s’agisse pas là d’une énième annonce non suivie d’effet.

    Votre article est important parce qu’il touche l’un des problèmes les plus aigus de notre société. Une société qui se prétend pourtant, par la voix de ses élus et souvent avec une insupportable suffisance, au sommet de la civilisation alors qu’elle continue d’engendrer des comportements touchant parfois à la barbarie. Merci pour cet article, et puisse la voix d’Eve Ensler et de toutes celles (et ceux) qui lui emboitent le pas, être entendue.

    A toutes fins utiles, je vous renvoie à l’un de mes récents articles « Violée, humiliée… Détruite  » qui illustrait l’un des aspects les plus sordides de cette inacceptable violence.


    • Neris 26 novembre 2009 20:18

      Et la lutte contre les violences faites aux hommes, c’est pour quand ?


    • Bardamu 26 novembre 2009 11:29

      « Les Monologues du vagin » !... et pourquoi pas : « Dialogue avec une verge » ?

      On sombre en plein pathos !
      Ou quand le ridicule a depuis belle lurette cesser de tuer !

      La lutte des sexes encouragée par un libéralisme à la dérive n’est là aujourd’hui que pour vouer aux gémonies une lutte des classes qu’elle souhaiterait désuète.

      Nonobstant pareilles manifestations hystériques, je pense que le délire s’essouffle, sentant sa fin venir.

      Et tandis que le vagin aboie, ma bistouquette passe, tranquillou !... insensible à ses vagissements-là !

      Le violence est économique avant d’être uniquement destinée aux femmes.
      Arrêtons cette surenchère grotesque et malsaine dans la concurrence des souffrances, des victimisations !

      Une bourgeoise féministe -formule quasi pléonastique- mérite sa baffe symbolique -réduction de ses revenus financiers !-, quand dans le même temps une caissière gagnerait à être moins malmenée -par le porte-monnaie !

      L’auteurE, il faudrait penser le social !... les coups ne viennent pas forcément d’où l’on croit, et certains vagins gagneraient à se taire, voire à soliloquer tous seuls à la maison.

      Il y a des sex toys pour cela maintenant, si un excès de réel les effraie, ces vagins-là !
      Idéologie à la Brigitte Lahaie que ceci !

      Monologue du Vagin" !... ma bistouquette se marre !


      • Fergus Fergus 26 novembre 2009 11:39

        Vous avez tort d’en rire, Bardamu. Je n’ai pas vu la pièce, mais j’ai lu le texte d’Eve Ensler, et il est d’une rare pertinence, à la fois drôle et grave. Strictement rien à voir avec la pornographie !


      • Bardamu 26 novembre 2009 12:49

        Des extraits de cette chose récités sur les ondes par la grande prêtresse du psy-cul, la nommée Brigitte Lahaie, ont suffi à me faire rire à gorge déployée !

        L’homme moderne est si habitué aux délires qu’on lui donne journellement en pâture qu’il est désormais incapable de déceler la farce sous couvert de propos hiératiques empreints de componction !

        Les précieuses ridicules chères à ce bon Molière sont de retour, semble-t-il !... et elles ont endossé le costume étriqué de féministes plus coincées que résolument libérées ! 


      • claude claude 26 novembre 2009 20:23

        comme d’habitude, vous faites dans la dentelle, la classe et l’élégance.

        votre détestation du genre féminin frise l’odieux.
         smiley  smiley


      • anty 26 novembre 2009 21:05

        Faut bien lire ce qui est écrit
        ce gars n’a rien contre les femmes
        mais ils se moque des certains excès de la connerie féministe et ma foi le crois qu’il a raison.
        Amen


      • MICHEL GERMAIN jacques Roux 26 novembre 2009 22:06

        Brigitte Lahaye lit Camus et Camus devient un âne, c’est bien ce que vous voulez dire ? 


      • MICHEL GERMAIN jacques Roux 26 novembre 2009 22:10

        Pardon, Brigitte Lahaie (qui est elle au fait ?), c’était pour Monsieur Bardamu...


      • Bardamu 27 novembre 2009 08:58

        @Claude :

        Ne seriez-vous pas un peu lesbienne ?... à défaut d’être avisée !


      • claude claude 26 novembre 2009 20:22

        bonsoir,

        je viens de lire le texte :

        Congo : l’homme qui sauvait des femmes laissées pour mortesil est d’eve ensler.

        je savais que les hommes étaient capables du pire, mais pas à ce point. ces femmes sont nos sœurs, comment peut-on laisser faire une telle atrocité ? ce que je ressens est indéfinissable : un mélange d’hooreur, de peine, de douleur profonde qui prend les tripes, et d’admiration infinie pour ces femmes courageuses et ce médecin.

        que peut-on faire pour les aider ?


        • anty 26 novembre 2009 20:35

          Non , à la violence contre les femmes mais non non plus contre les récupératrices
          de malheurs des autres à de fins politiciennes.


        • claude claude 26 novembre 2009 20:56

          dans mon émotion, j’ai oublié de remercier laureline pour son article.

          je vais commander ce livre et le transmettre aux gens que je connais. car c’est en parlant qu’on peut mobiliser du monde pour arrêter le massacre.

          au travers des femmes, c’est le monde qu’on assassine, car comment préparer l’avenir si les enfants ne peuvent plus naître ?


          • anty 26 novembre 2009 21:00

            Les assassinées se porte bien en France 52.5%en moyenne.

            Vers 80 ans elles sont 2 fois plus nombreuses que les hommes.


          • MICHEL GERMAIN jacques Roux 26 novembre 2009 22:00

            Anty...Il paraîtrait même que les femmes feraient plus souvent des enfants que les hommes également, alors qu’elles se taisent donc si ceux qu’elles mettent au monde, qu’elles nourrissent deviennent un jour des types qui les violent ou les tabassent...non, vraiment, elles exagèrent...


          • anty 26 novembre 2009 22:59

            Tu as oublié

            qu’elles les éduquent aussi

            alors comment se fait-il qu’ilya tellement de violeurs ?

            Faut-il interroger la mère nature ?

            Ah so j’ai compris c’est la mère nature qui est la violeuse

            Bon alors pourquoi reproche-t-on aux hommes d’être les violeurs ?

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