Des robots auto-évolutionnaires
Vers des robots capables d'évoluer eux-mêmes au cours des générations.
A “mother robot” (A) is used for automatic assembly of candidate agents from active and passive modules. For the construction process, the robotic manipulator is equipped with a gripper and a glue supplier. Each agent is represented by the information stored in its genome (B). It contains one gene per module, and each gene contains information about the module types, construction parameters and motor control of the agent. A construction sequence encoded by one gene is shown in (C). First, the part of the robot which was encoded by the previous genes is rotated (C1 to C2). Second, the new module (here active) is picked from stock, rotated (C3), and eventually attached on top of the agent (C4). (credit : Luzius Brodbeck et al./PLOS ONE)
L'information, publiée en open source sur le site PLOS One (voir référence ci-dessous) passera peut être inaperçue du grand public, en cette période estivale. Nous pensons que ce serait dommage, car elle peut annoncer l'apparition de robots capables comme les êtres vivants de se reproduire spontanément, d'évoluer au cours des générations et de générer, en interaction avec l'environnement, des descendants plus adaptée et plus compétitifs que leurs ascendants.
Avec un peu d'imagination, on pourra imaginer que le développement décrit dans l'article préfigure l'apparition de robots autonomes capables de s'adapter aux humains, voire d'entrer en compétition avec eux. Certes, dira-t-on, ce sont les chercheurs de l'université de Cambridge qui ont inventé de tels robots, et qui leur fourniront les milieux favorables à leur reproduction. Les robots n'apparaitront pas encore spontanément.
Mais pourquoi ne pas considérer que, dans une certaine mesure à l'avenir, l'invention puisse un jour échapper à ses inventeurs, ou bien, plus vraisemblablement, que cette invention résulte d'une évolution globale associant les humains et les technologies d'une façon telle que ces humains ne pourront pas en rester les seuls maitres. Le risque est déjà évoqué aujourd'hui, à propos des travaux en microbiologie militaire visant à développer des microbes ou virus létaux, pour lesquels n'existera initialement aucun antibiotique naturel, et qui pourraient se répandre accidentellement dans la nature.
Des machines auto-évolutionnaires
Les chercheurs de l'Université de Cambridge, associés à des collègues de l'ETH Zurich, auteurs de la publication mentionnée ici, ont réalisé une mère-robot capable de construire ses propres enfants, les mettre en compétition et sélectionner parmi eux les mieux adaptés à l'environnement. La mère utilise automatiquement ensuite ces derniers pour produire de nouvelles générations comportant les caractères les plus favorables à l'adaptation ultérieure.
Le processus ne comporte pas d'intervention humaine. Il se fait in vivo, si l'on peut dire, ou in silico si l'on préfère, c'est-à-dire dans le monde physique et non dans le monde des simulations virtuelles. Les lecteurs de la publication seront sans doute déçus en constatant que, si la mère-robot est effectivement elle-même un robot capable de mouvements autonomes, ses « enfants » ne seront dans un premier temps que des assemblages de petits cubes plastiques comportant un moteur intérieur. Mais l'essentiel n'est pas là.
Le point important est qu'au cours de cinq expériences séparées, la mère-robot a défini, construit et testé des générations de 10 enfants (les cubes en question), en utilisant l'information résultant de l'activité de la génération précédente pour concevoir la structure de la suivante. Les descendants les plus doués au sein de la dernière génération ont effectué les tâches imposées, soit se déplacer sur une certaines distance dans un temps donné, plus vite que ne le faisaient les plus doués de la génération précédente.
Chaque enfant robot comporte un « génome » unique résultant de la combinaison de 1 à 5 gènes différents, contenant toute l'information nécessaire à la production d'un enfant, notamment sa forme, son assemblage et les commandes des moteurs inclus dans les cubes. L'évolution intéressant l'enfant résulte, comme dans la nature, de mutations à l'occasion desquelles les composants d'un gène sont modifiés et que de nouveaux gènes peuvent être ajoutés ou détruits. Par ailleurs des croisements peuvent résulter de la formation d'un nouveau génome utilisant les traits de deux individus différents.
Pour permettre à la mère à déterminer lequel de ses enfants est le mieux adapté, celle-ci leur impose des épreuves consistant à mesurer le temps que met chacun d'eux à parcourir une distance donnée. Les individus mettant le moins de temps sont conservés en vue de la prochaine génération, les autres sont soumis à des mutations et croisements susceptibles d'améliorer leurs performances.
Le point important est que la mère est capable d'inventer de nouvelles formes d'enfants d'une épreuve à l'autre, y compris en leur donnant des formes qu'un opérateur humain n'aurait pas été capable d'imaginer sans de longues recherches.
Les chercheurs soulignent qu'une évolution virtuelle, simulée sur ordinateur, peut proposer en peu de temps des milliers de solutions théoriques, mais les expériences ont montré que laisser le robot générer lui-même, dans le monde physique, ses propres descendants, produit des enfants finalement plus adaptés, même si le temps consacré à cette production est plus long.
Bon courage donc pour l'avenir.
Abstract of Morphological Evolution of Physical Robots through Model-Free Phenotype Development
Artificial evolution of physical systems is a stochastic optimization method in which physical machines are iteratively adapted to a target function. The key for a meaningful design optimization is the capability to build variations of physical machines through the course of the evolutionary process. The optimization in turn no longer relies on complex physics models that are prone to the reality gap, a mismatch between simulated and real-world behavior. We report model-free development and evaluation of phenotypes in the artificial evolution of physical systems, in which a mother robot autonomously designs and assembles locomotion agents. The locomotion agents are automatically placed in the testing environment and their locomotion behavior is analyzed in the real world. This feedback is used for the design of the next iteration. Through experiments with a total of 500 autonomously built locomotion agents, this article shows diversification of morphology and behavior of physical robots for the improvement of functionality with limited resources.
Référence
Morphological Evolution of Physical Robots through Model-Free Phenotype Development
http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0128444
auteurs Luzius Brodbeck, Simon Hauser, Fumiya Iida
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