Déshumanisation de la Société
Constater mais aussi agir...
Préambule : ce texte a originellement été rédigé fin 2009 mais il reste - hélas - d'actualité.
Ce jour d'automne 2009 où j'ai appris qu'une 25ème "Orange Pressée" s'était pendue dans son arrière cuisine je n'ai pu m'empêcher d'avoir un "choc" qui m'a amené à une réflexion plus globale sur notre Société.
Il s'agissait là d'un employé d'une grande Entreprise de télécom, mais le même genre de drame se produit dans d'autres entreprises privées mais aussi dans des entreprises du service public, en particulier du service de l'emploi, un comble !
Qui se souvient, s'il l'a seulement su, de la catastrophe humaine sur fond de dilapidation de centaines de millions d'euros ou de dollars de la fin des années 90 générée par la fameuse "Nouvelle Economie" et sa foire aux Start-Ups NTIC, en particulier à Sophia-Antipolis ? Là déjà ou encore : dépressions, divorces, tentatives de suicides, etc.
Même si ce papier est d'abord une réflexion personnelle, qui n'engage que son auteur, il convient de dire que cette folie collective fut largement à l'origine de la création de l'Association EthiCum.
EthiCum a en effet dès l'origine posé la question "Et l'Homme dans tout ça ?" car ses membres fondateurs étaient concernés par des questions d'éthique d'entreprise mais au-delà et entre autres, par la place de l'Homme dans le monde économique.
Monde où aujourd'hui plus que jamais des gens se suicident pour leur travail ou à cause de leur travail quand ils ne font pas "seulement" une dépression nerveuse, tout cela avec les conséquences dramatiques que l'on peut imaginer pour eux-mêmes et leur famille. Mon "pour eux-mêmes" étant quelque peu superfétatoire en cas de suicide…
Monde où l'on ferme des entreprises et où l'on met des employés sur le carreau - ça fait longtemps que les mineurs de notre pays n'y sont plus - tandis que des milliers de Maliens croyant aller au Paradis par les chemins de l'enfer du désert et puis sous la menace du trident de Poséidon s'échouent sur nos Côtes – quand ils y arrivent – pour se retrouver avec des Afghans dans des jungles calaisiennes ou des centres de rétention.
La question primordiale en amont étant de faire en sorte que ces immigrants n'aient plus de raison économique ou de sécurité de fuir leur pays d'ailleurs… mais ce n'est pas le débat ici.
Ceci posé, nous sommes dans un Monde où il conviendrait de remettre de l'humain là où il n'y en a plus, comme des pompistes dans les stations services, des poinçonneurs dans celles du Métro, plutôt que d'y mettre dans ces dernières des Agents de sécurité avec leurs chiens ou des caméras de surveillance dans les premières pour alimenter un Big Brother qui n'a rien de fraternel et alors que les statistiques du chômage nous rappellent chaque jour le nombre de "sans-emploi".
Il y a aussi du travail à faire pour remettre de vraies personnes qui donnent de vraies informations quand on décroche le téléphone plutôt que de devoir jongler avec toutes les touches du combiné : numéros, étoile et dièse, pour s'entendre dire au bout du compte de rappeler ultérieurement car tous les Agents sont occupés !
Pour autant qu'il y ait un Agent ? Et si oui, qui ? Un Ali qui se fait appeler Alain ?
Et si oui, où ? Dans un joli bureau de nos provinces ou une obscure officine du Maghreb ou du sous-continent Indien ?
Employé avec des droits ou tâcheron sous payé ?
Pour revenir au combiné du téléphone a-t-on noté que parfois la touche qu'il faut presser pour obtenir un opérateur est la touche "zéro" ? Tout un symbole : Touche zéro, degré zéro d'humanité ! Et Opérateur plutôt que Conseiller qui de toute façon est une sorte de robot qui débite des phrases toutes faites, souvent hors propos, mais les plus longues possibles pour faire tourner le compteur à euros.
A-t-on perçu que ce système s'applique aussi à des services dits sociaux qui facturent les appels au prétexte de pouvoir améliorer le service…
Quel service ? Dans 9 cas sur 10, vous obtenez pour tout conseil que celui d'écrire ou de passer au Bureau concerné pour y faire la queue pendant des heures afin qu'un employé non formé puisse vous remettre un document à remplir et renvoyer, ce pour obtenir 2 ou 3 semaines plus tard, par un courrier laconique, les informations que vous auriez pu avoir en quelques minutes… au téléphone par quelqu'un de compétent parce que formé.
Hommes et femmes robots au téléphone ? Nous sommes cernés de robots et de bornes :
A la gare, pour acheter un billet mais ensuite pour le composter soi-même, sous le regard attentif d'un ou plusieurs vigiles.
Ne serait-il pas plus simple et convivial de faire valider son ticket par un contrôleur ? Pourquoi pas un "Senior" voire un handicapé léger ? Mais il est vrai que le Vigile, là comme dans les galeries marchandes, est probablement en sous-traitance, ce qui permet d'employer des immigrés dans les conditions que des reportages ont clairement montrés.
Robots et bornes encore à la banque pour déposer des chèques, retirer et remettre de l'argent, pour autant que vous ayez une carte idoine car, faute de carte, dans certaines agences, vous ne pouvez même plus déposer des espèces ! Les technocrates experts en déshumanisation de la Société sur fond de rentabilité ont inventé une banque où vous ne pouvez plus déposer votre argent à un être humain, enfin un guichetier…
Robots et bornes self-service toujours, à La Poste, service public, où l'on s'excuse presque de déranger le guichetier, celui encore là, derrière sa vitre blindée, si l'on a besoin d'un formulaire d'envoi en recommandé.
Guichetiers préposés aux tâches qui n'ont pas encore pu être automatisées, tandis que voilà belle lurette que les facteurs ne boivent plus un café avec les gens à qui ils distribuent le courrier puisqu'ils se "contentent" de jeter rapidement les lettres dans des boîtes standardisées installées parfois à plusieurs dizaines de mètres des habitations.
Automates encore aux caisses des grandes surfaces, au péage d'autoroute…
Faut-il parler des radars qui verbalisent automatiquement et souvent stupidement, nuit et jour, quelques soient les conditions de circulation ? Et quand bien même des gendarmes en chair et en os sont postés au bord des routes, ils ne sont plus là pour vous siffler pour vitesse excessive et en profiter pour vous faire un cours de morale mais ils vous verbalisent grâce à une jumelle perfectionnée et la seul trace d'une probable présence humaine est la "prune" que vous recevez quelques jours après avec le matricule du Gendarme, mais bien sûr pas son nom…
Faut-il encore parler des chefs de rayons de la grande distribution dépossédés de leur responsabilité de passer des commandes lesquelles sont désormais établies par un ordinateur qui centralise tout de façon mécanique pour ne pas dire imbécile, laissant pour toute responsabilité aux dits chefs de rayons le soin de surveiller le travail des "Equipiers", petites mains payées au SMIC qui remplissent au mieux les rayons avec ce que l'ordinateur a bien voulu commander.
Que dire des Travailleurs pauvres, ces gens qui vivent pour travailler sans gagner assez d'argent pour vivre ; que dire des SDF - parfois des cadres qui ont perdus leur boulot à 50 ans et sont donc "trop vieux" pour travailler – qui ne trouvent pas un abri décent ; que dire des "Beurs" qui sont payés au noir et des "Blacks" qui ne se font pas de beurre en effectuant des travaux insalubres et pénibles pendant que des traders en chemise blanches empochent des millions de Dollars de bonus par des opérations "à risque". A risque pour qui ?
Traders : robots humains formatés à cracher du cash devant une myriade d'écrans en spéculant avec des monnaies et produits dématérialisés…
Et l'Homme dans tout ça ?
Nous finissons par être anesthésiés, insensibilisés, nous sommes prisonniers d'un système où l'Homme disparaît, avalé par un Moloch qui s'appelle "progrès technologique" dont l'œsophage est tapissé d'un suc digestif qui dissout toute capacité de jugement et celle de se révolter contre l'absurde ?
Comment rester "humain" quand l'éthique individuelle et la morale collective sont broyées dans un maelström d'outillages qui font disparaître les relations humaines "vraies", celles de la convivialité et de cette fraternité gravée au fronton de nos mairies ?
Il ne sert à rien d'être des révolutionnaires - car par nature une révolution ramène toujours au point de départ même après avoir pendus des bourgeois à la lanterne ou cassé des icônes – mais chacun peut et sans aucun doute doit être un inlassable questionneur et "proposeur".
Questionneur des autres, mais avant tout questionneur de soi-même, car s'il est commode de s'en prendre au "Système", auquel au demeurant nous appartenons, que proposons-nous en conscience pour que la Société soit et reste "humaine" ?
Trop tard, le progrès (*) est en route ?
Il n'y a pas de fatalité.
Utopie que de vouloir remettre de l'Humain là où il n'y en a plus ?
L'Utopie n'est pas ce qui n'est pas réalisable, c'est ce qui n'est pas encore réalisé.
(*) NB : Pour ceux que ce "pamphlet" - qui n'a rien de "politique" sauf à ce que l'on revienne à l'étymologie de ce mot - leur laisserait penser que je suis pour le retour de la lampe à huile voire un partisan de la décroissance, je les invite à dialoguer en direct avec moi pour mieux me connaître… S'ils ne sont pas convaincu je leur poserai cette question :
Peut-on penser progrès technologique en pensant en même temps et sur un pied d'égalité, progrès de l'Homme ou même Progrès de l'Humanité ?
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