Désillusions et espoirs d’un printemps français
Le mouvement dit « manif pour tous » prit une telle ampleur que l’on en vint bientôt à parler de la possibilité évidente d’un « printemps français », ce grand printemps hexagonal que l’on désespérait de voir surgir tout le long de l’année 2012, quand le martyr de la glorieuse Syrie nous donnait le meilleur exemple, quand la république de droite libérale-sécuritaire avait laissé place à la république de gauche sociale-libérale, aidés de leurs succursales, de leurs sous-branches, de leurs idiots utiles, de leurs harkis, de leurs réseaux. Mêmes loges, mêmes idéologies, mêmes idoles, mêmes scandales, mêmes affaires scabreuses, mêmes trahisons. La brutalité du gouvernement, des forces de police, des forces intellectuelles et médiatiques contre ces familles matraquées par leurs propres fils, ou encore gazées au saint sperme par des FEMEN défendues de toute l’intelligentsia et qui auraient fait bander le moindre éditorialiste parisien gay, détermina un grand nombre d’entre nous à considérer que ce mouvement de salut public, bien que construit sur l’opposition d’une réforme sociétale dont le but n’est pas autre de chose que de polluer le débat national et d’occulter le désastre socio-économique qui attendait la Nation, avait quelque chose d’amplement plus profond, qu’il avait le plus souvent une vraie et puissante signification mystique que personne ne pouvait ignorer.
Le mouvement dit « manif pour tous » prit une telle ampleur que l’on en vint bientôt à parler de la possibilité évidente d’un « printemps français », ce grand printemps hexagonal que l’on désespérait de voir surgir tout le long de l’année 2012, quand le martyr de la glorieuse Syrie nous donnait le meilleur exemple, quand la république de droite libérale-sécuritaire avait laissé place à la république de gauche sociale-libérale, aidés de leurs succursales, de leurs sous-branches, de leurs idiots utiles, de leurs harkis, de leurs réseaux. Mêmes loges, mêmes idéologies, mêmes idoles, mêmes scandales, mêmes affaires scabreuses, mêmes trahisons. La brutalité du gouvernement, des forces de police, des forces intellectuelles et médiatiques contre ces familles matraquées par leurs propres fils, ou encore gazées au saint sperme par des FEMEN défendues de toute l’intelligentsia et qui auraient fait bander le moindre éditorialiste parisien gay, détermina un grand nombre d’entre nous à considérer que ce mouvement de salut public, bien que construit sur l’opposition d’une réforme sociétale dont le but n’est pas autre de chose que de polluer le débat national et d’occulter le désastre socio-économique qui attendait la Nation, avait quelque chose d’amplement plus profond, qu’il avait le plus souvent une vraie et puissante signification mystique que personne ne pouvait ignorer.
Il s’agissait là d’un énième désordre d’Etat, d'une nouvelle instigation, d’une tentative de déstabilisation majeure que d’aucuns parmi nous considéraient de plus en plus comme une occasion inespérée de former sur cette montagne de français en marche sur Paris, les conditions d’une contre-révolution « révolutionnaire » et d’un renversement de la république UMPS. En effet, 2012 n’avait montré aucun signe, malgré l’immense scandale du TSCG. L’urgence de rétablir l’autorité d’une force politique nationale, de restaurer l’aristocratie populaire qui fait le génie français des meilleurs siècles, l’urgence de rétablir tout simplement l’Etat qui semblait se consumer par l’action des « représentants » du peuple, voilà qui semble encore à la minute même, l’impératif le plus crucial que la France ait connu depuis bien longtemps. La mentalité déréglée de la finance mondialisée, depuis 2008, semblait définitivement avoir pris le pas sur la France et sur l'Europe asservies. « Il faut exciter les passions du peuple, pour contrôler celui-ci », disait Gustave Le Bon. Ainsi, moins de quelques semaines après son élection, le président Hollande prétendait faire de l’homoparentalité la priorité, l'impératif social et moral le plus haut, le parangon de la lutte des classes 2.0. De tous les français, gays, minorités ethniques, « riches » et « extrémistes » devaient être les seules préoccupations, établissait Terra Nova. Populisme social-démocrate qui ne différait donc pas tant que cela du vieux sarkozysme d’hier. Tout ceci dans un énorme bain de sang industriel, où l’ironie de l’histoire déployait des sommets d’humour noir, le ministre du redressement productif, incapable de redresser son ménage ou quoi que ce fut d’autre, ne pouvait évidemment pas redresser la moindre usine dans ce pays, emberlificoté qu’il était par l’implacable hollandisme révolutionnaire.
Sarkozy, de son côté, avait admirablement dupé les français. Malgré toutes les évidences, des groupes de soutiens existent toujours, son culte mafieux et roublard est entretenu et sur les réseaux sociaux, une page intitulée « Nico reviens » possède des dizaines de milliers de followers, de pauvres fous. Sa voix de Joe Dassin, ses mimiques de Louis de Funès, son aptitude à mépriser et à singer la culture populaire française contemporaine avait suffi à séduire cette masse. Et aujourd’hui, des milliers de sots sont encore prêts à croire que sous Sarkozy, « Sûr qu’on aurait jamais proposé ce mariage pour tous ». Mais le grand drame de la France, c'est que l'antihollandisme primaire des nostalgiques de la droite forte, est d'une idiotie aussi pure que l'antisarkozysme primaire des années fastes du torchon Marianne. Ce genre de postures enfantines ne faisaient que renforcer l'imbécilité du clivage gauche-droite en question. Si Sarkozy avait été réélu, il aurait probablement dû mettre en application mariage homo et droit de vote aux étrangers, comme il s'y engageait jadis. Or, il n'échappe à personne que le malheureux président Hollande, qui a dû endosser toutes les trahisons et finalement les engagements mondialistes de l’ère sarkozienne, ne sera jamais réélu, si tant est qu'il parvienne à se maintenir au pouvoir jusqu'en 2017. Sarkozy pourra donc éventuellement tenter le scénario du grand retour, à la Silvio.
Hollande et ses comparses n'étaient donc guère différents, bien sûr. Une Treirweiler valait bien une Bruni-Sarkozy, ou une Cécila Sarkozy-Attias, une Anne Sinclair-Levaï-Rosenberg : mêmes bourgeoisies, mêmes quotas ethniques, mêmes conseillers, mêmes chirurgiens, mêmes garagistes, etc. Secrètement, intimement, les français désiraient le surgissement d'un grand chef capable de mettre à bas cette canaille partout dans le pays. Même les sondages le démontraient, l’autorité était de toute évidence l’or perdu de la France. La rencontre entre Poutine et Hollande donnait l’impression de la rencontre entre deux entités opposées en tous points. Mais le chef ne fait pas tout, et jamais dans l’Histoire de France, celui-ci n’a cherché ou obtenu le pouvoir par le truchement d’un jeu électoral pipé, corrompu par avance. Pour autant, on continue à voter gentiment, à s’abstenir plus massivement encore et sans honte, puisque le calcul électoral semble maintenant si éventé, si répandu, que l’offre politique elle-même en est réduite pour exister et se justifier, à la pure capacité financière et à l’aptitude à la meilleurs soumission aux codes et aux créneaux (aux « niches ») définis dans les grands dossiers des politologues médiatiques. Même du côté des factions nationales-républicaines, des derniers natio-gaullistes, même du côté du Front National actuel, réformé, jeuniste et moderniste, nous voici tous en perte nette d’identité, hésitant même à se présenter aux premières manifestations comme pour éviter de porter un nouvel opprobre et de froisser quelques tactiques communautaires. Mieux vaut en rire.
A la vérité, et sur toutes les affaires, il nous manquait le chef traditionnel, le grand militaire, la figure martiale, princière et paternelle qui surgit éventuellement des tréfonds ou des chicanes de l’Histoire pour sauver ce qui peut l’être encore de la France. Tout cela semblait bien improbable. Le puissant Chavez, lui, vivait alors ses derniers instants parmi les larmes sincères et fraternelles de son peuple navré. Quelques opportunistes, quelques Monsieur Rallié de l’extrême-gauche de la loge capitaliste, se ruèrent devant les journaux pour louer, au nom de la liberté, la mémoire d’un « grand camarade ». D’autres, néo-droitistes, patriotes le jour, cosmopolites la nuit, spéculateurs éternels du bon populisme, au nom de la liberté, crachaient sur l’un des plus admirables nationalistes de notre temps, un vrai chrétien dont ils ne seraient pas capables d'imiter un centième de l'œuvre. Chavez avait toujours basé sa révolution populaire et nationale, sur la pure et fervente énergie du « Christ révolutionnaire » qui le conduisit lui et les siens, à une légende éternelle. Un tel parcours avait impressionné toute notre génération, hors des contingences artificielles du clivage « gauche-droite ».
Voyant monter très rapidement une fièvre incroyable dans le long et glacial hiver de cette année-là, beaucoup d’entre nous écarquillèrent grands les yeux. Les récits mensongers de la révolution "populaire" de 1789 nous étaient désormais si lointains. Nous rêvions alors de révoltes authentiques, charnelles, sociales, de la Commune ou de la fureur lyrique, splendide et romantique du 6 février 34, que les non moins émouvantes Décombres du grand Rebatet nous avait narré en moins de deux pages. Ou même encore, dans la théorie d'action subversive froide et martiale du jeune et talentueux situationniste Debord, et par dérision, de l’énergie gauchiste, folle et facétieuse des premiers mois de 68. Nous en ferions un grand printemps 2013 qui courrait jusqu'à l'Automne incertain, où excédée devant la listes des abus insupportables, des collusions éhontées et des hautes trahisons d’une classe politique bipartite de vieux pervers et de jeunes apprentis félons que nous étions contraints à voir monter en flèche pour signer notre péril ultime, une masse infinie de trois à huit millions de français marcheraient sur et dans Paris, balayant d’un seul coup quarante ans de discorde nationale. Dans les boulevards ré enchantés par un peuple disparu, des centaines de milliers d’énormes drapeaux tricolores claqueraient furieusement dans le vent printanier, dans une nuée de fête et de passion, une lumière limpide et puissante venue du Ciel, inonde une jeunesse ardente et foudroyante, au-devant de cette foule réconciliée, français de souche ou souches d’immigrés, amoureux de la grandeur de la première de toutes les nations, par la foi et la morale. Ce soleil terrible fait scintiller parmi les couleurs d’un peuple bigarre, des dorures consulaires d'un autre temps, des fleurs de Lys, de vieux aigles impériaux dont la poussière s’écaille sous le rayon divin, on sort des tombeaux de l’histoire, des milliers d’héraldiques régionaux, des inscriptions d’or des vieux bataillons du peuple oublié. Au-devant de tout ceci, des régiments de jeunes revenus des guerres de l’Empire, protégeant enfin dans l’ordre et dans une fière discipline, l’enfant comme le croyant, d’un œil plein de fraternité, trouvent enfin le sentiment grandiose qui donnait dans les meilleurs siècles, l’avantage à notre génie civil et militaire.
A la vue de cette marche glorieuse et de ce soleil ardent, pris d’un mouvement de panique, des hordes de parasites s’agglutinent alors aux frontières et aux ports, ventre à terre au-devant du grondement des pas des femmes et des enfants de la nation, sur les chemins du pays se jettent le caïd de cité, la crapule internationale, le spéculateur, le corrupteur public et le corrompu politique, le grand filou médiatique, le bonimenteur cathodique, l'agent infiltré, le provocateur de discorde, le rapace de Wall-Street comme l'oligarque eurocrate, l'industriel cosmopolite, le mafieux oriental, le nabab de la drogue, du vice et du trafic, tous d’un seul homme rallient le monde libre, ou courent à qui mieux mieux à l’ambassade la plus proche, en attendant de pouvoir donner quelques directives à leur banquier ou à leur avocat avant de quitter le navire jusqu'à l'envoi des troupes coalisées.
Et tant pis même, si devant cette journée inouïe qui replacerait ironiquement la France, libérée par les jeunes mouvements de résistance sociale et patriotique, dans sa fonction naturelle de « lumière des peuples européens », un gouvernement français en exil réfugié à Washington dans l’immeuble « Jean Monnet » (cela pourrait être Doha, Marrakech, Londres, Tel-Aviv, etc.), prépare en accord avec le département d’état américain, un plan d’action coordonné avec l’OTAN visant à « mettre à bas le régime populiste et nationaliste qui vient de prendre le contrôle en France, de mettre fin aux exactions subies par des millions de civils et de restaurer la démocratie et la liberté ». Nicolas Sarkozy, conférencier international pour Goldman Sachs (entreprise financière spécialisée dans la destruction de nations en Europe) et installé à Miami depuis quelques temps, se propose alors d’intervenir comme leader de l’opposition en exil, promet de convaincre les millions d’entrepreneurs, de patrons de PME, d’agriculteurs et d’artisans qui ont rejoint le mouvement national après la double-trahison UMPS.
Ce scénario nous faisait énormément rire, et parfois même peur, de par notre propre suffisance de penser mériter de participer à un tel élan. Pire encore, nous savions que si un mouvement de fous lançait une telle initiative, nous y participerions tête baissée, et terminerions sans doute notre vie au secret, en prison. Mais au moins, nous étions bien supérieurs, bien plus virils et cohérents que les mouvements de l’extrême-gauche bourgeoise. Nous étions en quelque sorte, les ultimes gauchistes, les derniers révolutionnaires dans ce pays, les derniers déterminés à foncer le jour où il faudra faire le coup, un coup d’état ou un renversement du pouvoir par vacance ou par défaut, par couardise, par la fourche ou par l’intrigue, l’avènement d’un grand leader (Le Prince) et d’un gouvernement patriotique (Aristocratie républicaine), de l’établissement d’une démocratie exemplaire (le pouvoir suprême de la volonté populaire), outre de susciter l’admiration de toute l’Europe du Sud, accablée, sous le joug de la finance et d’organisations internationales illégitimes, ne ferait que placer l’Impérium mundialistum devant le fait accompli. C’est bien de notre propre oligarchie mondialiste qu’il nous fallait nous débarrasser en premier ressort. Faire le coup, oui, car nous ne manquions absolument pas de génies, de sages, d’hommes d’expérience, de grands connétables, ni de hauts administrateurs, d’universitaires et de grands officiers, qui ont depuis longtemps donné toutes les preuves de leurs capacités patriotiques.
En revanche, nous en étions à un tel point dans l’Histoire, qu’il nous manquait la preuve formelle que le sentiment national pouvait encore exister de manière générale dans le pays, en dehors de l’environnement beuglant d’une soirée de coupe du Monde. (Et même à ce niveau-là, il n’y avait plus matière à admirer l’équipe de France…)
Il nous manquait l’audace, l’illustre et le panache d’une jeunesse révolutionnaire, innovante, visant au futur et à la grandeur sans antinomie. Il nous manquait le grondement,
Tout cela semblait si plausible et risible à la fois. Les grandes révolutions, conservatrices ou bolchéviques, se passent largement du peuple, élément secondaire lorsqu’il faut passer à l’action. Faute d’une ardeur nationale savamment entretenue par les siècles (comme dans la belle Hongrie d’Orban), il faut que celui-ci ait été privé de pain par le spéculateur (frigo vide, emploi précaire, chômage), ou de jeux par l’oligarque (plus de divertissement, ni d’information officielle), pour qu’il daigne éventuellement s’intéresser à la destinée commune et supérieure.
Bien sûr et de toute évidence, malgré un essor splendide ces dernières années, de nouvelles mouvances socialistes révolutionnaires à gauche, et de nouvelles solutions traditionnelles et nationales à droite, malgré les émouvantes émulations crées par les différents « fronts de la foi » entre français catholiques et musulmans, le rêve fou que nous avions devait en rester là, faute de grand choc social.
Frigide Barjot, célèbre mondaine parisienne et « born-again » catholique, apparaissait sans doute comme une figure intéressante, dynamique et relativement sincère, capable de gérer les aspects communicationnels d’ une opposition massive à l’ordre immoral du système et de ses glaçants anathèmes (« homophobe », « intégriste », « fondamentaliste », etc.) en reprenant des codes de couleurs déroutants (les ballons bleus et rose des manifs pour tous, le détournement des visuels de Mai 68), comme pour dire : « Vous voyez bien que nous ne sommes pas homophobes, puisque l’on parade avec des ballons roses ».
Le français moyen, bien souvent, supporte trop aisément ce genre de fautes de gout. Mais nous dument donc nous y plier un temps, pour manifester avec des centaines et des centaines de milliers de nos concitoyens dans une excellente communion. Et qu’importe la charte des couleurs, toute la France, valeureuse et travailleuse, croyante de Dieu ou de l’Homme, était au rendez-vous, sans doute bien au-delà des expectations du gouvernement. A Strasbourg, je me rendis en février 2013 au grand rassemblement « manif pour tous » qui se tenait sur la place Kléber. Il y avait une vraie symbiose, une agréable électricité dans l’air, une foule admirable et digne, des jeunes, des très jeunes, des vieux, des papas, des mamans, des familles, des noirs, des blancs. Je m’intéressais alors à la sociologie de l’assistance. Aux abords de la foule, qui écoutait les explications de juristes, scientifiques, médecins exposant les arguments techniques contre le projet de loi, quelques passants, bourgeois-bohèmes, idéalistes, libertaires bourgeois, eurocrates de passage, n’avaient que mépris pour ce rassemblement de rétrogrades, esquissaient des grimaces, vitupéraient quelques grognements sourds. Sur le côté, un groupe de jeunes lycéens arrive. L’un d’eux est une sorte d’anarcho-skater abruti, vêtu d’un Eastpack dernier cri et d’un gros baggie sale. Il se met à beugler vainement d’une voix d’éphèbe éraillée quelques saillies pavloviennes, « non aux fachos ! », « bande d’homophobes ! », « no pasaran ». Sa crétinerie en serait presque attendrissante.
J’avais apporté avec moi un petit drapeau français, pas plus grand qu’un magazine, sur lequel figurait un Sacré-Cœur de Jésus. Je le tenais sur la poitrine, et m’engouffrais dans la foule d’un pas décidé. Je n’avais remarqué aucun autre drapeau français parmi trois mille personnes, à ma grande stupéfaction. C’était certes devenu rare un drapeau français à Strasbourg, mais tout de même. Un régionaliste, toutefois, arborait un large drapeau « rot un wiss » (rouge et blanc, ndlr) sans aucun problème. Autrement, il n’y en avait que pour ces petits flonflons bleus et roses que je trouvais certainement efficaces, mais plus probablement disgracieux et assez grotesques. Je remarque que tout le monde dans la foule m’observe avec mon petit drapeau, l’air inquiet. Arrivé de l’autre côté, je me poste quelques pas en retrait. Immédiatement, un journaliste vient me tirer le portrait. La seconde plus tard, une sorte de vielle bobo à cheveux courts m’accoste avec une colère à peine contenue derrière une paire de lunettes à montures noires rectangulaires.
- Qu’est-ce que c’est ? me lance-t-elle.
- Quoi donc, chère Madame ?
- Ce que vous avez dans les mains…
- C’est mon drapeau, Madame.
- Ah, oui ! Je vois, je vois…un drapeau français…mais encore…qu’est ce qu’il y a dessus ?
- Un sacré Cœur de Jésus, chère petite Madame.
- Ah ! Voilà ! Donc, c’est ça. Vous êtes tous des petits cathos, des culs-bénis…et nationalistes en plus de ça …
Sénile et acariâtre, elle s’éloigne en trépignant, sans me laisser le temps de lui conseiller d’aller rejoindre la contre-manifestation bourgeoise et décadente que le NPA et les associations LGBT organisaient sur la place Broglie voisine. Après ce court échange, une sorte de grand gaillard aux allures d’intellectuel de gauche des années 1950 s’approche. Son brassard indique qu’il est du service d’ordre de la manifestation. Sans surprise, il me demande de cacher mon drapeau.
- Je pense que vous comprenez…
- Ne vous en faites pas, cher Monsieur, je ne comprends que trop bien. Ce n’est pas grave.
- On a des instructions claires sur les codes, vous comprenez, les médias…Si vous voulez, prenez donc un fanion officiel. Tenez…
Je saisis le drapeau bleu fluo qu’un bénévole me tend, non sans un certain dégout, mais le conservais pour le souvenir et pour les archives et me laissait un peu aller à la clownerie. Les intervenants sur le podium, se succédaient. Chaque intervention était entrecoupée d’un Gangnam style poussé à plein volume, sur lequel se trémoussaient quelques jeunes bénévoles des diverses fraternités, paroisses ou associations laïques qui organisaient l’évènement. A la vue de cette scène, avec ces retraités, ces paroissiens réduits à cette zumba œcuménique pour se faire entendre et considérer, j’éprouvais un fort sentiment de gêne. Loin de galvaniser la foule, les basses du Gangnam style semblaient plus vraisemblablement engourdir les gens. Près de la scène où je me trouve, je reconnais une gourgandine croisée régulièrement en boite de nuit. S’adressant au jeune homme qui l’accompagne, un grand basketteur noir, elle croit savoir qu’il s’agit d’un concert organisé par une radio jeune célèbre.
- Viens on y va…lui lance-t-il, peu intéressé par la nature de l’évènement.
- Nan mais attends, je crois que c’est le truc où Cauet doit venir… !
Ses espoirs sont déçus par mes quelques renseignements.
C’était bien gentil, les ballons roses, mais ça n’avait pas empêché une ancienne responsable de N Putes, Ni Soumises, aujourd’hui devenue conseillère au cabinet de la Ministre Taubira, de lancer un tweet assassin : « #antifascisme, jai vu paC la #manifpourtous devant #l’Assembléenationale, ils ont tous des têtes de nazi ! ». Décidément, cette communication bon enfant était trop faible, trop ridicule. Il n’était pas toujours bon de reprendre les codes les plus grotesques de l’adversaire. L’initiative plus gaillarde et estudiantine des HOMMEN me parut bien plus sensée.
Dans Strasbourg aux mille clochers, je ne trouvais plus guère de manifestation où j’eus pu faire flotter un immense drapeau tricolore ou pour exécuter une prière publique, comme cela se faisait à Paris dans les vigoureux et admirables mouvements de jeunes croyants. Une prière massive, de 2000 personnes devant un hôtel de ville ou sur la place principale, voilà qui aurait été hautement subversif, terrifiant et pour le coup, vraiment révolutionnaire dans notre époque. Je n’étais bien sûr pas le seul à penser ainsi. Républicains, royalistes, nationalistes, même quelques identitaires païens, même quelques jeunes Pop en souffrance, quelques MJS cathos de gauche, nous étions toute une génération à corréler très précisément la défense de la Foi à la défense de la Nation et de la société.
A partir du mois de Mars, le gouvernement s’était mis à hypocritement dénoncer la radicalisation du mouvement, alors que les premiers articles de loi étaient sur le point d’être approuvés par les parlementaires. En effet, les tactiques policières, les provocations, l’impunité des FEMEN, rendaient de plus en plus caduques les stratégies fun et pop de Frigide Barjot. Certains se mirent à sérieusement questionner sa légitimité dans l’affaire, tandis que la classe politico-médiatique, de même que la gauchosphère aux ordres du capital amplifiaient leurs attaques contre une mondaine au passif exhaustif en la matière, portant ainsi le discrédit sur le vaste mouvement. On affirmait d’elle qu’elle fut un temps proche des loges branchées des nuits parisiennes et de la droite bling-bling. Le jugement semblait assez injuste, l’exposé assez exact. Elle avait néanmoins travaillé à initier un grand mouvement de conscience nationale malgré tout. Et puis, il n’y avait pas qu’elle. Il s’agissait de montrer l’envers de ce splendide mouvement qui de la « manif pour tous » était devenu « la grogne pour tous ».
La démocratie parlementaire vue par Krampon.
Au mois d’Avril, l’explosion des affaires, le cynisme de la publication des grotesques déclarations de patrimoine des élus, des magouilles en tous genre, de l’interminable liste des affaires impliquant l’ancien président Sarkozy, expose une République aux abois, digne des meilleurs moments de la IIIe République, digne des plus grands craquements des années 1930. Pour autant, je sens encore bien des gens prêts à voir un jour Jean-François Copé comme le sauveur de la morale et de l’industrie française, je pressens bien des hurluberlus encore aller boire un coup chez Copé la prochaine fois, comme ils l’ont pour Hollande par écœurement de Sarkozy sans encore comprendre que PS et UMP pissent et chient dans le même bac. La fange que l’on y ingurgite y est donc sensiblement la même, hormis quelques particularités de colorations fécales qui ne trompent l’électeur, qu’un temps bref, mais de manière cyclique et répétée.
Fallait-il aussi s’étonner d’apprendre que le Cahuzac s’était fait prendre après un bon tour joué par l’Armée, qui allait se faire sérieusement raboter de dizaines de régiments et de dizaines de millions d’Euros de budget ? Et alors quoi ? Le faucon Sarkozy, qui a si souvent insulté l’honneur de l’Armée Française, n’avait-il pas initié le bel ouvrage ? Cette révélation stupéfiante et salvatrice exposait une affaire de gros sous, de profiteur somme toute très classique. Elle ne fut toutefois pas d’une moindre importance, dans un pays de tradition militaire comme le nôtre. Mais où cela nous mènera-t-il ? Le bon peuple pense l’affaire réglée, une fois le fusible changé.
Mieux encore qu’au moment de Panama, mieux qu’en février 34, le gouvernement au début du mois d’Avril, semblait pris d’inquiétants tremblements. On assistait à des purges succinctes et erratiques, à des dénonciations entre collègues de parti ou de gouvernement. En voyage officiel au Maroc, le Président se ridiculise. Le chômage atteint des records, délocalisations, scandales alimentaires, Nabila et Montebourg, voici le quotidien de l’époque. Alors que le laïcisme maçonnique assumé de plusieurs membres du gouvernement prend des proportions extrêmes, les provocations anticatholiques sont quotidiennes, de la part du gouvernement, comme de l’intelligentsia parisienne conservatrice et bourgeoise de chez CANAL+ et BFM TV. La république toute entière semblait définitivement piégée sous l'influence d'une Eglise aux sols damés, et dont les sbires étaient légions dans ce gouvernement, comme dans le précédent, dans les réseaux d’influences, aux têtes des grandes industries et dans les institutions de l’Etat. Certains, en marge des manifestations populaires, exigeaient même une nouvelle loi 1905, étendue aux « Eglises occultes » dans l’appareil de l’Etat.
Dehors, dans l’hiver persistant, le tumulte des prières ne devait plus être une simple louange à la famille, mais au salut de la France toute entière. On attendait toujours le Printemps.
Pourtant, là encore, où allait-t-on ? Les différents volets du dispositif Taubira (homo-adoption, PMA, GPA) allaient être votés tout le long de l’année, les uns après les autres. Allait-on prétendre prévoir un vaste mouvement d’assaut physique, contre un gouvernement qui prendrait ses jambes à son cou ? Qui y penserait sérieusement aujourd’hui, si ce n’est ce grand mouvement de morale nationale et républicaine ? Même les gauchistes de maintenant ne sont plus révolutionnaires. L’Etat capitaliste et ultralibéral fait la révolution pour eux. Tous justes bons à passer de la soirée mondaine à la manifestation LGBT en un clin d’œil, de leur appartement cosy à l’action « seins nus » devant les caméras de Canal+ et les photographes de Technikart, leur engagement est serein, car sécurisé, subventionné, financé par le mondialisme et par le grand capital.
De Mélenchon à Besancenot et Autain, en passant par qui sais-je encore, Cohn-Bendit, Alexandra Shevshenko ou Caroline Fourest, leur idéal dégénéré est celui du système, celui de valeurs aussi creuses que le progrès (plus de confort bourgeois, plus « d’ouverture », moins de « frontières », plus de « croissance », etc.) et démocratie (plus de droit à plus de confort, à plus de libertés sociétales faute de solutions de progrès social, plus de droits « à la minorité contre la majorité » (Cohn-Bendit), etc.) ; Ils sont installés par leurs aînés et n’ont pas à faire leurs preuves, n’ont pas à combattre, mais plutôt à profiter de cette société qui leur convient et leur correspond, ils y gravitent avec aisance et complaisance tandis que nous y pataugeons lamentablement, sans réel espoir de renversement.
La véritable force révolutionnaire aujourd’hui en France, est une contre-révolution, une révolte de néo progressistes (conservateurs de gauche comme de droite, défenseurs du réel et de la nature) contre l’offensive d’une classe néoconservatrice (libéraux-libertaires de gauche et de droite, défenseurs d’un capitalisme hédoniste et révolutionnaire), ce qui fait déjà beaucoup pour une « dissidence » si mal répartie, si démunie et si anonyme. Ce n’est pas Frigide Barjot qui nous mènera à L’Elysée. Elle s’y trouve déjà, serrant la paluche à Manuel Valls. « Quand même » !
Qui aurait pu imaginer qu'un beau jour, les habituellement très placides et très prudes élus de l'UMP se feraient de si ardents défenseurs de la morale et de la nature, au point de fomenter une rixe au cœur même de l'assemblée nationale, pour un rictus, un regard mal placé ? Que faut-il en penser ? Pour notre part, nous n'avons pas changé de ligne. Tout ceci révèle encore une fois, la fausseté de cette droite, irrécupérable, opportuniste à jamais, profitant de la moindre pointe de populisme pour se refaire une virginité, séduire de nouveaux gogos, convaincre d’anciens déçus du sarkozysme de revenir (« on a changé, vous savez ! »), en somme, exact opposé de la droite nationale, « valeureuse » et traditionnelle, sociale et patriote, celle qui lutte réellement, dans le silence et sous les coups de matraque, contre la Loi Taubira et contre toute autre tentative mondialiste, ultralibérale ou européiste. La vérité est simple, il manquait 7 voix aux socialistes pour approuver les articles de Loi au mois d’Avril. Ces voix furent toutes fournies par l’UMP !
Comment départager entre leur arrivisme général et une très éventuelle sincérité chez un ou deux petits élus de ci, de là ? Comment trancher à propos d’un député qui en temps normal se couche sans discussion face à l’européisme et face au mondialisme, qui aujourd’hui rue dans les travées de l'Assemblée pour aller empoigner et savater son collègue social-démocrate ? Que dire de cet autre, qui retrouve des allures d’étudiant insolent devant un cordon de CRS l'empêchant de rentrer dans le palais Bourbon ? Oui, un cordon de CRS qui empêche des députés UMP de pénétrer dans l’Assemblée Nationale, après plus de 10 ans de sarkozysme d’Etat ? Etrangement, personne n’aura la larme assez généreuse pour pleurer sur le sort de ces indignés UMP. Ils avaient voulu le sarkozysme appliqué jusqu’au bout ? Ils devraient se réjouir de voir le hollandisme révolutionnaire, parachever l’œuvre avec superbe !
De l’avis médiatico-politique, il paraitrait donc, que même nos amis de l’UMP se seraient radicalisés, au point d'accumuler coups de force et esclandres. Ils passeraient même pour de véritables martyrs, tout dévoués à contrer ce projet criminel. On croirait presque que le parti tout entier se relèvera de la guerre Copé-Fillion grâce à son « combat » contre le mariage pour tous. Bien des élus locaux, anciens sarkozystes regrettés ou petits caciques de la démocratie chrétienne ont senti là un excellent filon. Et Fillion, justement, comme d’autres petits arrivistes, de finauder : « plus grande place à l’Union », « attention à ne pas brusquer les valeurs… », « L’union oui, l’adoption mouaif, la GPA, non quand même… », « Copé va trop loin, c’est évident », « Vous plaisantez ? J’ai moi-même ouvert un centre LGBT dans ma ville… »…Il y a des publics, des discours, des parts de marché pour tout le monde. Le quinquennat, la Ve, c’est open bar pour la canaille politicienne.
Cette Loi Taubira, en plus de poursuivre l’instigation généralisée de la néo-barbarie ultralibérale au cœur de nos systèmes nationaux, aura l’autre mérite, peu remarqué, de réenclencher, de scénariser à nouveau le clivage « gauche-droite » de la manière la plus extrême et caricaturale possible. Ainsi, toute la gauche serait naturellement « pro », toute la droite serait naturellement « contre », l’extrême-gauche serait « giga-pour » (mais cool), et l’extrême-droite, « giga-contre » (mais pas cool). Même les jeunes téléspectateurs de D8 et NRJ12 sont à même de le comprendre.
Classique schéma qui ferait logiquement de l’UMP, soudainement redevenue conservatrice en la matière, le fer de lance de l’opposition anti-mariage gay, ou même de l’opposition nationale. Même les parlementaires PS ricanèrent sans crainte, quand les élus UMP réclamaient avec front que pour le projet de loi Taubira, un référendum national soit tenu, ce qu’ils n’avaient certainement pas exigé quand il s’agissait de faire voter l’impératif TSCG qui en matière de trahison à la cause nationale, est sans doute autrement plus grave et lourd de sens. Bien au contraire, ils n’avaient alors que mépris envers l’avis de la masse abrutie, soumise à fond il est vrai… et n’avaient que collégialité eurocratique avec leurs confrères socialistes qu’ils retrouvent inévitablement chaque premier mercredi du mois dans toutes les coteries du beau Paris. Voilà où se trouve encore aujourd’hui, notre République impuissante, revenue à ses inévitables déviances parlementaristes, conduite par des incapables, des étrangers et des sournois.
Considérer sérieusement l’opposition UMP au projet de loi Taubira relève de la plus intense bêtise. Une stupidité aussi haute, que de croire un instant, comme Merluchon jadis, dans le Hollandisme révolutionnaire. Courrez, courrez, peuple de Fronce ! Ce serait méconnaitre ce qui conduit cette mouvance, ce serait oublier que les projets pro-homo de Sarkozy dans les années 2004-2008 ont simplement été ajournés dans l'agenda de la destruction de la France, pour être finalement assumés avec plus de force et de naturel par les socio-démocrates du Parti Socialiste.
Ceux qui hier et aujourd’hui encore, louent le sarkozysme avec une effarante nostalgie, qui voient en Fillon ou Copé, voire en Wauquiez, le futur président français, sont de la même trempe que les soutiens de Madame Hidalgo à la mairie de Paris ou de la même espèce que les anciens électeurs de François Hollande. Tout se paye.
Alors, à la vue de ces eunuques du combat national, on a la claire impression d’un script-reality show rondement mené, où les rôles sont distribués d’avance, où les postures d’opposition (droite forte) et de gouvernement (gauche irréprochable) se veulent outrancières, hypocrites, cyniques, entendues, pour capter l’audience, pour scinder les parts de marché et rouler les gogos dans le pétrin.
Qui peut un instant affirmer, de façon tranquille, sûr de lui-même, sur une antenne publique, en plein jour, sans crainte, comme l’infect Pierre Bergé, que le gros des bataillons anti-mariage gay, ne seraient que ces cohortes d’immondes, cette France de droite, catholique et « antisémite » (sic !) ? De très nombreux publics de gauche se retrouvent en réalité dans l’opposition à ce projet, des élus socialistes des DOM-TOM (la France a vibré à l’écoute du superbe discours du député martiniquais Nestor contre le projet Taubira) et d’autres régions particulièrement religieuses (Vendée, Alsace, etc.) aux milieux intellectuels de la critique radicale de gauche (Michéa, etc.), en passant par la grande variété de scientifiques, de médecins, psychologues, professeurs, juristes, ayant participé à la pédagogie visant à exposer les méfaits du projet.
Et dans la rue parisienne et dans chaque grande place de France, un mouvement de défense, de raison, de passion et de tradition continue de vibrer, spontanément, pour faire bloc contre ce projet délirant et ses suites néfastes. Pour autant, comment prétendre encore faire un prétexte de révolution de cette affaire, qui semblait autant être un débat-piège (pour y désigner et y enfermer toutes les nouvelles catégories de déviants et d’extrémistes), qu’un prétexte fort utile pour épuiser l’ardeur du peuple français et l’aveugler, alors que dans le même temps, PS et UMP appliquent l’agenda de terreur économique, la continuation de la braderie nationale, l’achèvement de toutes les soumissions à l’ordre européiste et mondialiste, l’écroulement de l’Etat, notre industrie, de l’artisanat et du monde agricole.
Comme l'ambitieux De Gaulle avant-guerre, comme les cyniques néo-cons américains, faudra-t-il souhaiter l’avènement d’un événement de nature à pouvoir renverser l’ordre (nation ou mondial dans les cas précités) et appliquer notre modèle de révolution nationale ? Fallait-il, comme nous le conseillait Ploncard, imiter la technique maçonnique, l'intrigue et la ruse de l'ennemi ? Tout cela nous semblait autrement dangereux que d'opérer avec splendeur et panache, à la manière de Benito, marcher sur l'Elysée le regard haut, dans un attirail fringuant, une jeunesse magnifique et ardente rapporter le Salut de la Nation aux élites intellectuelles, aux génies naissants, aux innovateurs, chasser avec joie tous les jocrisses, tous les mirliflores, tous les profiteurs et les spéculateurs.
- Il y a des fois où je rêverais d'une nuit des longs couteaux à la française...voyez-vous...juste afin de remettre quelques éléments basiques à leur place, nous avoue avec une amertume rageuse, un éminent intellectuel de la place.
Si le gauchiste libertaire des années 1960 a vu se réaliser toutes ses rêveries par la révolution néolibérale et capitaliste des années 1970 (le baba-cool devenant le yuppie), nous n'avions pas ce bénéfice que de pouvoir croire un instant que notre utopie pourrait se réaliser de la même manière. Encore une fois, contrairement au gauchiste bourgeois, nous devions trimer, lutter pour au final être condamnés un jour à renverser ce pouvoir. Si nous rêvions encore, au moins étions-nous bien conscients de notre risible faiblesse.
Les frigidaires sont relativement remplis, les nuits de la jeunesse sont toujours plus insouciantes ou préoccupées de vaines inquiétudes, rêvant moins de sauver la France, que de trouver un job de serveur à Miami, Séoul ou Melbourne. Même le plus misérable punk à chien créchant devant le MacDonalds du centre-ville, de même que le jeune salarié semi-précaire moyen affalé devant son écran plasma dans son trois-pièces, ne considérerait pas un instant nécessaire ou compréhensible le surgissement d'une révolution, d'un mouvement strict de libération nationale dans cet écrin sociétal où la révolution (libérale et libertaire) est quotidiennement en marche, où le bonheur disponible ou perceptible, suffit à faire croire, via tube cathodique ou via le iPad, à un monde où le progrès, le confort et la démocratie sont des acquis amplement suffisants à l’épanouissement du citoyen global moderne, déraciné, dépossédé (comme disait Debord) de sa terre, mais enraciné dans le flux mondial, volant de nation-hôtel en hôtel-nation, s’adaptant au lieu d’adapter, allant à contresens de l’évolution de la dignité humaine depuis des siècles. Comme dit Hugues Aufray, si les écologistes étaient écologistes, ils seraient nationalistes (nation, donc terre, donc nature) et opposés au mariage gay (nature humaine, ordre naturel, etc.)
Dans un ordre sociétal où le sondage fait l’opinion, il était toujours étonnant que nous sommes dirigés depuis trente ans par des dirigeants atteignant des pics d’impopularités toujours plus hauts à quelques mois d’exercice. Pour ma génération, le printemps français devait avoir lieu, devait prendre place, devait être l'honneur de notre jeunesse, avide d'être la première à avoir accompli la résurrection d’un roman national devenu le conte horrifique de la décadence d’une Nation première.
Cet espoir, inédit depuis l’entrée dans nos jeunes années de réflexion, devait être placé tout entier dans les suites que devait prendre l’intense et splendide mouvement populaire. Nous étions à quelques jours d’un vote déterminant pour l’aboutissement de ce premier volet. Les incursions des manifestants, laïcs et croyants de toutes sortes étaient maintenues, bien que l’on commençait ici et là, à railler un combat perdu d’avance. Sottise, puisque nous étions encore des centaines de milliers en France, à avoir perçu dès l’entrée en lutte pour le Salut de la France, un combat qui dépassait le piège sociétal. Il n’était pas question d’en rester là. Des sommets de démagogie étaient atteints. On apprenait sans surprise, que les pouvoirs publics (la préfecture de Paris) avaient bidonné les estimations et les images des dernières manifestations de Mars, minimisant gigantesquement l’ampleur de la mobilisation. A la vindicte médiatique, on livrait des jeunesses nationalistes ardentes, qualifiées de racailles violentes. On faisait comprendre au chaland que l’on avait affaire-là, à une dangereuse agitation de réactionnaires de toutes sortes. Pire encore, le 21 Avril, sur le parvis de l’Assemblée Nationale, un malheureux frère se trouva seul au milieu d’une grosse rangée de CRS, alors que manifestants catholiques et forces de l’ordre avaient joué à chat et souris une bonne partie de la soirée. Les matadors ne furent pas tendres ! Et voilà que désormais, comme au temps des congrégations et des fiches, on envoie nos propres fils tabasser nos prêtres ! Quelques jours avant cette affreuse ratonnade, l’affaire de la destruction de l’Eglise Saint-Jacques d’Abbeville devait nous signifier encore à quelle barbarie nous étions revenus.
« Indignez-vous ! », disait le brave Hessel, de concert avec l’oligarque se frottant les mains. Le temps de l’indignation était bien passé. Hélas, la tension était telle, que chacun ignorait si l’héroïque mouvement populaire allait péricliter et ne laisser qu’amertume aux millions de français s’étant mobilisés, ou s’il allait au contraire et contre toute attente, perdurer, s’amplifier, et oui, se radicaliser, se structurer enfin pour porter l’audacieuse et urgente contre-offensive de 2014.
2014, sera l’année décisive pour le grand chambardement transatlantique. Du résultat des élections européennes, dépendront les destinées de maints peuples européens. « Lumière des peuples », n’est-il pas, chers amis, que notre pays la France, doive bel et bien, et d’urgence, initier les conditions d’une vaste et imprévue révolution politique et sociale, pour que l’Europe enfin soit délivrée de l’Union Européenne, pour que l’Europe retrouvée, des nations libres et égales en liberté, en fraternité et en souveraineté, puisse être léguée aux descendances ?
Conscients des divers projets de l’Union Européenne pour les deux prochaines décennies, il nous apparaissait très clair, que l’histoire divine nous accordait à peine plus d’une année pour être les trésoriers de cette vague dorée et inespérée, les avant-gardes de notre génération, encore largement sous-estimée à l’heure où je vous écris. A peine plus d’une année pour établir, par tous les moyens de notre temps et de notre tradition, les conditions d’un printemps français qui serait peut-être, même s’il devait échouer lamentablement devant l’artificialité des luttes occidentales contemporaines, l’ultime et le plus glorieux de tous ceux de notre peuple.
Un de nos étudiants, vendeur à mi-temps chez De Fursac, procura à notre petite équipe une flopée de chemises bleues nuits d’un stock d’invendus de saison. A la suite d’une délation pitoyable d’un veilleur antifasciste bourgeois, le journal local nous accorda un encart et quelques déclarations tronquées, arrachées d’un entretien téléphonique apparemment sans traquenard. Nous n’étions point fâchés du titre racoleur dont ils nous avaient affublées : « Un think-tank de jeunes ultras révolutionnaires à Strasbourg ». Nous étions ainsi connus en ville par un article à la rubrique « Culture », tout juste à côté du grand Evgeny Kissin, et d’un article sur l’artiste WoodKid, touchant ainsi lectorat eurocrate et bourgeois-bohème. Le journaliste, un certain Balthazar A. Elssler, nous qualifie alors de fascistes new-wave, à « chemises pourpres ». Le soir même à l’Opéra du Rhin, nous étions vus en vedettes, répulsives (Guy Verhofstadt manque de renverser une jeune femme en tentant d’esquiver notre passage), ou admiratives (Daniel Cohn-Bendit nous prend pour un boys band pop-rock). Grisés, nous avions ressuscité un genre oublié depuis les années 1950, celui du fasciste de salon, cher à Nimier et ses Hussards. Pourtant, les réac’ mondains à la Zemmour, à la Faye ou à la Frigide Barjot nous semblaient bien inoffensifs et assez peu subversifs, puisque nous n’avions que cela à faire. A l’Université, quelques bourgeois gauchistes étaient dépassés par notre tactique purement situationniste. Ayant perdu tout esprit révolutionnaire, toute énergie subversive, ils tombaient comme des mouche quand ils nous voyaient conseiller aux jeunes éphèbes réticents à leur médiocrité, Debord et Maurras, tout d’un seul trait.
Guillaume de Gail, extrait de l’essai, « Les Chemises Pourpres », 2013.
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