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Accueil du site > Tribune Libre > Deux pour cent par an

Deux pour cent par an

2% de croissance par an semble être le minimum que l'on puisse exiger de nos économies modernes. Pourtant, avons-nous vraiment conscience de ce qu'impliquent ces simples 2% à moyen et à plus long terme ?

Je me propose dans cet article d'effectuer quelques calculs simples autour de la notion de croissance à 2% par an, et de démontrer que même ce faible taux est irréaliste à long terme.

Une astuce de calcul

Une propriété intéressante des exponentielles est qu'il est facile, pour des taux de croissance de moins de 10%, d'estimer le temps qu'il faudra (on parle de période) pour multiplier la quantité considérée par deux. On peut utiliser la formule suivante : temps nécessaire = 70/taux d'accroissement. Et c'est tout ! Je vous passe les détails de la démonstration de cette formule (pour les plus curieux, elle est à base de développements limités). Revenons à notre exemple. Pour un taux d'accroissement de 2% par an, il faut donc 70/2=35 ans environ pour doubler notre quantité de référence.

Quelles tendances sur le long terme ?

Développons cette idée. Imaginons que nous produisions une seule baguette de pain et que nous nous fixions comme objectif bien peu ambitieux de faire croître notre commerce de 2% par an. D'après notre calcul, tous les 35 ans cette quantité doit donc doubler. Au bout de 35 ans nous devrons produire 2 baguettes. 35 ans plus tard, deux fois plus, soit 4 baguettes.

Nous obtenons la table de correspondance suivante. Pour passer d'une ligne à la suivante, on ajoute 35 ans à gauche et on mutliplie la quantité par 2 à droite.

Nombre d'années Nombre de baguettes
0 1
35 2
70 4
105 8
140 16
175 32
210 64
... ...
350 1024

Faisons une courte pause pour voir où nous en sommes après 350 ans. Dans 350 ans, et même tous les 350 ans, nous (ou plutôt nos descendants) devrons multiplier notre quantité de baguettes par 1024. Soyons grands seigneurs et arrondissons à 1000. Cela signifie donc que si nos aïeux avaient commencé à produire en 1662 une unique baguette par an, nous devrions absolument en produire 1000 cette année pour ne pas mettre la clé sous la porte. Que se passe-t-il ensuite ?

Nombre d'années Nombre de baguettes
350 1000
700 1 000 000
1050 1 000 000 000


Voilà qui devient beaucoup plus intéressant ! Si on avait demandé aux artisans de l'an mille d'obtenir collectivement une croissance (aujourd'hui considérée comme lamentable) de 2% par an, nous, leurs descendants, devrions produire dès cette année un milliard de fois plus de biens qu'eux chaque année ! Chaque boulangerie de l'époque qui produisait au moins une baguette par an devrait donc aujourd'hui en produire un milliard (soit entre 4 et 5 millions par jour ouvré !), chaque maison de couture qui cousait au moins un costume par an devrait en produire un milliard etc... ! On saisit d'ores et déjà l'absurdité des ordres de grandeur en jeu quand l'échelle de temps augmente un tant soit peu.

Mais ne nous laissons pas impressionner et continuons d'accélérer. Pour faciliter la lecture il nous faut passer en notation scientifique, en remplaçant 1 000 000 par 106 (10 puissance 6, ce qui signifie un 1 suivi de 6 zéros), un milliard par 109, etc...

Nombre d'années Nombre de baguettes
1050 109
2100 1018
3150 1027
... ...
9450 1081


Stop ! Nous voilà arrivés au bout de notre périple. Notre modeste boulangerie a prospéré à travers les générations et après presque 10 000 ans de croissance laborieuse à 2% par an, nous sommes arrivés à produire 1081 baguettes chaque année. A quoi correspond ce nombre ? 1080 est tout simplement l'estimation la plus communément admise du nombre d'atomes dans l'univers connu. Vous avez bien lu. En clair, vous prenez le système solaire, la voie lactée, toutes les galaxies autour, toutes les étoiles et le reste, vous comptez leurs atomes un à un, et vous obtenez 1080, un 1 suivi de 80 zéros.

Et 9450 ans alors ? Cela correspond à peu près au temps qui nous sépare de la dernière ère glacière. A peu près à l'époque des tout premiers agriculteurs, à quelques milliers d'années près. A noter que l'humanité dite « moderne » est bien plus vieille que ça, l'homo sapiens datant de près de 200 000 ans, et que la Terre elle, a 5 milliards d'années. Ce n'est donc pas si vieux que ça, 9500 ans.

Nous voilà donc prêts à comprendre ce que veut dire réellement croître à 2% par an : si le premier agriculteur s'était fixé cet objectif de croissance à 2%, et qu'il avait cultivé un unique grain de blé la première année, ses descendants d'aujourd'hui devraient (chacun !) produire autant de grains de blé qu'il y a d'atomes dans l'univers connu (en fait 10 fois plus puisque le nombre auquel nous nous étions arrêtés était 1081, mais à ce compte-là on n'est plus à un facteur dix près)...

Le même raisonnement s'applique très simplement aux autres taux de croissance. A 10% de croissance par an, on avance en gros cinq fois plus vite, on atteint donc un facteur 1080 en moins de 2000 ans ! Au delà de 10% par an les approximations liées à notre formule simplifiée deviennent trop importantes, mais le côté absurde de la croissance exponentielle à des taux même très bas a, je pense, été amplement démontré au cours de cet article.

Reste la question la plus importante : pensez-vous toujours, après avoir lu cet article, que 2% est un objectif de croissance raisonnable ?


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15 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 6 juin 2012 09:22

    Une société qui consomme toujours plus ne peut respecter l’environnement et épuise tôt ou tard les ressources essentielles à la vie. Il ne peut y avoir de croissance infinie sur une planète finie.............
    http://2ccr.unblog.fr/2011/01/03/de-quoi-avons-nous-besoin/


    • Le Yeti Le Yeti 6 juin 2012 10:58

      Oui et j’ajouterai une question : cette croissance passe par de nouveaux soit-disant « besoins » mais sont-ils vraiment utiles ou même ne serait-ce que profitables ? (i.e. Vit-on mieux lorsque l’on parvient à satisfaire ces nouveaux besoins ?)


    • calimero 6 juin 2012 09:53

      Si je comprends bien chacun devra manger plus de baguettes pour que la croissance continue ?


      • xray 6 juin 2012 16:51


        La CROISSANCE 

        C’est quoi, la croissance ? 
        Quand le PIB augmente, le pays fait de la croissance. Quand le pays fait de la croissance, il s’enrichit. Quand le pays s’enrichit, c’est de l’argent pour ceux qui en ont besoins. Va sans dire, de l’argent pour les riches. Pour être pauvre, on n’a pas besoin d’argent. 


        Le PIB est l’indicateur de la Croissance. 
        Le PIB est la somme de l’ensemble des facturations publiques et privées : 

        - Un accident de la route est source de PIB ; 

        - Les malades produisent du PIB ; 

        - Tout vandalisme produira du PIB ; 

        - Tout gaspillage produit du PIB ; 

        - Une tempête dévastatrice produira un énorme PIB ; 

        - Etc. 

        L’oligarchie au pouvoir (Qui a main mise sur le capital de la Dette publique, pour la France, 6 fois le budget net de l’État.) sait très bien que pour produire du PIB, il suffit de générer de la misère et des malades : 

        - Inciter à l’irresponsabilité ; 

        - Générer la misère et les malades ; 

        - Encourager les facteurs de désordres et de misères ; 

        - Financer à outrance le monde politico-associatif nuisibles et les entreprises politico-religieuses malfaisantes ; 

        - Courir après la Croissance. 

        La dette publique ne doit pas être comparée au PIB mais au budget net de l’Etat. Ce qui est beaucoup plus parlant. 

        Le capital de la Dette publique 
        http://n-importelequelqu-onenfinisse.hautetfort.com/archive/2011/12/27/le-capital-de-la-dette-publique.html  



      • kriké 7 juin 2012 10:23

        « des veaux et des cons »

        c’est surtout la lâcheté et cette mentalité d’esclave induit par la famille et l’école
        qui pose problème.
        les répressions sont de plus en plus féroce maintenant


      • Le Yeti Le Yeti 6 juin 2012 10:48

        Une entreprise qui brade ses actifs et ses employés peut devenir bénéficiaire (et donc rentable pour les actionnaires). Financièrement elle est en croissance, économiquement « c’est la chûuuuteu finâaale ! » ...

        Aujourd’hui, les dirigeants politiques sont principalement ennuyés par la balance budgétaire, l’endettement et par les notations tandis que les rouages de leur nations (services sociaux et tissus économique en tête) se désagrègent. VDM ...


        • Le Yeti Le Yeti 6 juin 2012 10:50

          Et la croissance dans une boite de Petri ... Forcément, à un moment ou un autre « ça râpe un peu sur les bords » !


          • HELIOS HELIOS 6 juin 2012 11:10

            Votre demonstration bien sympathique Reprennons nos baguettes...

            en France nous produisons des baguettes et tout le monde en achete celle dont il a besoin. supposons que nous produisions 65 millions de ces baguettes, une pour chacun,

            nous voulons de la croissance, mais, que faire si nous sommes rassasiés avec cette baguette... en produiire quelques unes supplementaires pour rajouter un quignon chaque jour ?
            Voila si nous rajoutons ce quignon, et encore un autre l’annéee prochaine, etc... arriverons nous a 2 baguettes, sans gaspillage ? impossible. a un moment donné il faut s’arreter.

            De nombreux secteurs ont compris le probleme et gerent l’obsolescende de leur produit pour en vendre plus, encore plus. D’autres font pareil avec la mode, l’irreparabilite, l’evolution fontionnelle etc. imaginez que le boulanger trouve un pain qui devienne inmangeable en une demi journée, et bien sur qu’il ne vende pas de demi baguette. Le consommateur achetera 2 baguettes a terme, et nous auront une croissance pendant tout le temps ou les boulangers adapterons leur productivite. imaginez que le boulanger lance la mode du pain rond. le temps d’adaptation permettra une nouvelle croissance du pain etc.

            Dans une monde « normal » celui que souhaite notre president, ce n’est pas la croissance qui est desirable, mais la qualité, ainsi que l’adequation entre le besoin « reel » (et non pas imposé - il y a beaucoup a dire la dessus, surtout lorsque celui ci est dependant de normes).

            Nous devons construire un modele de societe où la croissance n’est pas l’objectif ultime, mais la satisfaction des necessités. Passons tout de suite a ce futur modele.... ne regardons pas les pays qui ont tout a construire (en clair qui n’ont pas assez de boulanger pour leur baguettes)

            Bonne journée


            • calimero 6 juin 2012 13:04

              un modele de societe où la croissance n’est pas l’objectif ultime, mais la satisfaction des necessités

              Ça ne marche pas comme çà : ce sont les nécessités qui découlent de la croissance. Tous les économistes vous le diront : il s’agit d’un postulat indépassable. Jésus lui même aurait déclaré : « La Sainte Croissance pour l’éternité tu ira quérir ».

              Cette évidence théologique admise il existe des solutions :

              - Devenir gros pour pouvoir manger 3 baguettes chacun, ce qui nous laissera un peu de marge. Les étasuniens le font déjà, ce qui leur donne l’avantage de pouvoir consommer plus (eux comptent en hamburgers pas en baguettes).

              - Créer génétiquement des vaches qui mangent des baguettes, les vendre au reste du monde et exporter les baguettes, méthode Monsanto.

              - Financiariser la baguette en ouvrant un marché pour des produits financiers dérivés de crédits et assurances indexés sur la baguette


              • Ariane Walter Ariane Walter 6 juin 2012 14:11

                Ton article est très intéressant. Pour être plus lu, tu aurais dû mettre une photo de fille en maillot de bain sexy. Là, pas de photo, des chiffres... ;Et pourtant quelle belle analyse !!


                • Willien 6 juin 2012 14:53

                  Merci Ariane. J’ai bien cherché des images libres de droit à intégrer dans l’article, mais je n’ai été convaincu par aucune de celles que j’ai pu trouver.


                • aberlainnard 6 juin 2012 18:33

                   

                  bn = b0 (1+t)^n

                  ou en remplaçant b pour les baguettes par C pour capital

                  Cn = C0 (1+t)^n

                  C’est bien pour ça que la rémunération d’un crédit par des intérêts calculés par cette formule est un non-sens économique.

                  Cn = C0 x t x n serait déjà plus raisonnable et du même coup éliminerait cette course folle à la croissance pour payer la dette.

                  Évidemment, ça changerait la vie et le credo des banquiers et des économistes !

                   


                  • aberlainnard 6 juin 2012 18:39

                    Oups !
                    Je voulais écrire Cn = C0 + (t x n)


                  • fcpgismo fcpgismo 7 juin 2012 09:20

                    Seule solution la DECROISSANCE, pour l’ Humanité SOBRIETE EGALITE FRATERNITE


                    • Acid World Acid World 10 juin 2012 12:09

                      Le croissance DE QUOI ?


                      La croissance POUR QUI ?

                      La croissance POUR COMBIEN DE TEMPS ?

                      La croissance POUR VOUS OU VOS GOSSES ?

                      L’excès est une forme de médiocrité.
                      Merci pour ce calcul qui paie pas de mine, mais décrédibilise pas mal de pingouins au discours raisonnable et sérieux smiley

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Willien


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