Dictionnaire inquiétant de la crise

La crise du monde est aussi celle du Monde, journal naguère prestigieux, qui accompagna les heures glorieuses des Trente glorieuses, symbolisant la reconstruction de la France et sa pénétrante vitalité culturelle, technique et politique, jusque, disons, vers les années 1990. Sans évoquer les Vingt piteuses, de 1990 à 2010, on fera remarquer que la France n’a fait que stagner avec persévérance et que la situation financière du journal le Monde traduit également le mauvais plis pris par ce journal, reflétant également le mauvais trip que vit la France, ainsi que d’autres nations toutes aussi avancées et pourrait-on dirent, qui avancent de concert dans ce marasme contemporain et cette crise de civilisation dont on ne peut prévoir l’issue. Pour les éditeurs, la crise fait vendre. Pas tant les analyses subtiles mais plutôt les livres écrits pour donner quelques frissons avec des titres souvent calqués sur les films catastrophe. Nous serons tous ruinés, dit Attali. A quand la crise infernale, les dents de Wall Street, le bal des vampires de la finance, y a-t-il un gouvernement dans l’avion, et bien évidemment, la crise pour les nuls avec pour finir le dictionnaire amoureux de la crise. Enfin, le dictionnaire tout court suffit ou à défaut, on le qualifiera d’inquiétant. Je vous suggère ici quelques idées pour concevoir un tel dictionnaire.
Crise des partis. Les députés Fraysse, Braouezec, Asensi, les philosophes Pierre Zarka et Lucien Sève, l’historien Roger Martelli ; tous ont décidé de quitter le Parti communiste avant le 35ème congrès et de le faire savoir dans la presse. Ce qui motive ce départ en fanfare, c’est la décomposition politique et l’impossibilité de tenir le Parti dans l’état qui tel une bicyclette n’avançant plus, ne peut que se casser la gueule. Il faut tout refonder affirment les intéressés. Voilà bien un signe de crise, phénomène dont on sait une chose, c’est qu’il impose une transformation, ou alors se résout par un déclin, une chute. Bref, comme le signifie l’idéogramme chinois, la crise est à la fois opportunité et danger. Le déroulement actuel des événements économiques a sans doute précipité la décision des démissionnaires. Un épisode qui ne nous étonnera pas au vu du contexte très critique en Europe et en France, sur fond de finances internationales.
Crises de gouvernement. Allons-y pour un petit catalogue où l’on mettra ensemble la Belgique, les Pays-Bas avec la monté de l’extrême-droite et une improbable alliance contre nature entre les deux partis traditionnels. Au Royaume-Uni, Cameron et Clegg sont dans un même bateau, mais pour combien de temps ? Nos amis belges votent sans qu’on sache si la Belgique va rester le pays que l’on connaît.
Guerres civiles. A vue de nez, ces quelques mois de 2010 ont montré une concentration d’épisodes conflictuels peu habituelle. Thaïlande, Kirghizstan, deux régimes contestés de l’intérieur. Avec en plus des violences inter-ethniques pour le second. Et beaucoup d’inquiétudes en ce moment.
Guerres diverses. Corée, Proche-Orient, deux parties en conflit avec aussi quelques épisodes sanglants.
Japon. Même si Japon rime avec Alain Delon, ce pays est l’un des plus endettés au monde et c’est un euphémisme que de dire qu’il a vécu avec le plus d’intensité ces Vingt piteuses entamées depuis les accords du Plaza et la bulle spéculative qui s’en suivit. Le Japon vient d’annoncer qu’il aura quelques difficultés à honorer sa dette.
Crise de l’endettement. Le Japon est la troisième économie du monde. La Grèce pointe très loin dans le classement mais elle a eu son heure de célébrité médiatique en Europe. Panique des marchés suite aux notations des agences. Grèce, Portugal, Espagne, Italie. En Europe, le déclin se joue sur le PIGE, un quartet de dettes. Dans le monde, l’émergence se décline à coup de BRIC, Brésil, Russie, Inde, Chine.
Crise sociale aux Etats-Unis. Le président Obama doit être inquiet. Avec les agités du Tea Party et toutes ces factions extrémistes trempant leur haine dans quelque bouillon d’évangélisme pour mordus d’armes à feux et autres bouseux du neurone si bien croqués dans Easy Rider.
Marée noire en Floride. Sérieux avertissement adressé par les forages intempestifs à la civilisation du pétrole. Il faudra choisir entre creuser plus ou creuser son cerveau pour inventer la civilisation de l’après-pétrole.
Volcans, cyclones, tsunamis, pandémies. Phénomènes climatiques et biologiques qui en temps de crise, prennent une importance soudaine.
Crise d’identité. Des nations, des communautés, des religions, des individus connaissent actuellement des crises d’identité, liées au contexte de l’hyper diffusion des images et aux dérives intempestives de l’âme humain en perte de repères, pas encore gagnée par le nihilisme.
Crise d’identité du rock. Le rock lui aussi subit sa crise d’identité. Charlotte Gainsbourg et les BB brunes sont programmés aux eurockéennes de Belfort. Il faut être sacrément mou du tympan pour classer ces deux artistes dans le genre rock. Ou alors reconnaître que le rock n’a pas d’identité en France et que ce serait bien que le ministre Mitterrand organise une consultation nationale sur l’identité du rock français.
Crise de nerf. Pour amuser la galerie, Kouchner s’est énervé à l’aéroport de Montréal après avoir été fouillé. Info sans intérêt.
Mondial. Compétition sportive de haut niveau très prisée pour oublier les effets de la crise.
Chacun complétera ce dictionnaire de la crise en y ajoutant des faits que j’ai oubliés ou omis, ainsi que des événements à venir. Rien de bien étonnant à ce qu’on constate une crise, puisque c’est le lot de l’Occident moderne puis contemporain, alors que la crise de la mondialisation traduit une mondialisation de la crise. Tous les pays étant composés d’humains et pris dans l’engrenage économique, il est naturel de trouver un monde en crise. 2010 est-il un grand cru de la crise ? Il faudrait quelques œnologues de la société pour sentir précisément comment se précise ce millésime 2010 dont je viens de signaler quelques événements mais sans qu’on soit certain que des secousses sismiques soient à redouter.
Fin mot de l’histoire. La liberté économique est une condition de la liberté politique, disait Friedmann. Alors, la crise économique est un facteur pour la crise politique, devrait-on ajouter !
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