Didier Roustan au paradis des footeux
Toute une époque s'en est allée avec le départ de Didier Roustan vers les terrains des cieux. Sorti vaincu d'un match déséquilibré face à cet impitoyable et cruel adversaire qu'est le cancer, il aura fait partager sa passion du sport jusqu'à la fin, commentant encore un match de l'Euro en juin dernier.
Notre génération a grandi et vieilli avec Didier Roustan, d'abord jeune chroniqueur à Téléfoot sur TF1, l'incontournable émission du dimanche midi dans les années 1980. Il assurait déjà les suivis de matchs internationnaux, à l'ombre des Thierry Roland - Jean-Michel Larqué, indéboulonnables et irremplaçables commentateurs au chauvinisme populaire qui ravissait la France populaire, cette France profonde qui pratique le foot le week-end pour évacuer son difficile quotidien. Le football, c'est le peuple des quartiers modestes urbains et des petites communes rurales, un lien entre des gens qui ont pourtant peu de points communs. C'est la France demi-finaliste du mondial 1982 mise à terre par Harald Schumacher, victorieuse de l'euro 1984 avec le coup-franc de Platini puis de la coupe du monde 1998 avec Zidane, celle du peuple qui vibre et se redécouvre patriote le temps d'une rencontre sportive.
Didier Roustan fut apprenti-footballeur à l'AS Cannes, d'où il se fit renvoyer pour son comportement rebelle et turbulent. Passé par TF1, il rejoint ensuite Canal+ dans les années 1990 à l'époque où la chaine incarnait une image jeune et innovante. Puis ce fut l'équipe 21, dont il fut "président d'honneur" ces dernières années, à l'heure du diner où les téléspectateurs préfèrent le sport et les chansons de TV Mélody au baratin politique et convenu des chaines infos, où l'annonce du dernier massacre au couteau est discerté, entrecoupé de publicités pour des marques de voitures et de lessives.
Car Didier Roustan nous faisait aimer la télévision : bonne humeur, gouaille populaire, goût du dialogue, naturel et spontaneité. A l'image des Eugène Saccomano, des Robert Chapatte, on avait l'impression de boire un coup au café des sports en leur compagnie.
Les Cassandre rétorqueront qu'il incarnait le pain et les jeux. Oui, on ne retiendra pas ses éventuels engagements politiques et c'est tant mieux. La télévision est censée être un divertissement et rien d'autre. On ne refait pas le monde devant son écran plat, on s'amuse, on se change les idées : les chroniqueurs sportifs sont dans leur rôle. Une logique détournée par la propagande, la politique, qui n'ont evidemment pas épargné le sport condamné à diffuser du "vivre-ensemble dans la diversité".
Il n'en a pas toujours été ainsi ; Téléfoot et Stade 2, les deux émissions cultes de la télévision française de la génération Didier Roustan n'avaient pas la prétention de rééduquer le petit peuple. C'était un espace à part, où la liberté de s'exprimer était préservée. Une époque révolue, une génération d'autrefois, une disparition qui nous laisse songeur et nostalgique. Et encore, et toujours ce satané cancer qui atteint autant nos proches que nos personnages publics favoris ; comme le covid il ne fait pas dans la discrimination sociale, il s'attaque à tout le monde...
Souhaitons à Didier Roustan un repos éternel parmi de verdoyants terrains de football où il aura retrouvé ses idôles de jeunesse. On peut trouver sur Youtube sa première émission TV en 1978, à l'époque du mondial argentin. Comme le temps passe...
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