Dommage, Depardieu n’est pas allé assez loin
Au début de l'an 2013 s'est tenu un affrontement assez comique entre le premier ministre et l'acteur de cinéma le plus connu du pays. J'ai toujours penché pour le second. Précisément parce qu'il est artiste, son extravagance, ses excès, j'ai envie de les lui pardonner. Je suis très mauvais cinéphile et incapable de citer plus de cinq films où il apparaît, mais Gérard m'est sympathique.
Le premier ministre
Le premier ministre en revanche ne trouve aucune grâce à mes yeux. Peut-être est-ce précisément le manque de talent qui lui vaut cette place. Au moins, comme Raffarin a une autre époque, on ne peut le soupçonner de faire de l'ombre à celui qui l'a nommé.
On attendrait d'un homme politique qu'il soit philanthrope. Ami des hommes, ou du moins de ses compatriotes. Mais le premier ministre regarde ceux qu'il gouverne comme ses administrés.
On attendrait d'un premier ministre qu'il ait des idées. Surtout quand son supérieur hiérarchique – ou nominal - n'en a pas. Mais on constate que le gouvernement ne crée sa politique qu'en mettant sans cesse en balance les groupes de pressions divers et variés, les directives européennes et ses implications budgétaires, avec enfin le degré d'acceptation supposé de chaque projet par les sans-voix qui ont encore une certaine capacité de nuisance.
Le premier ministre et sa clique ne sont que les exécutants d'une recette écrite par d'autres mains. Seul le style change de l'un à l'autre.
Versus l'artiste
La franchise et l'exubérance d'un comédien extra qui confesse publiquement la misère dans laquelle le place son besoin d'argent sans fin me touche. Un peu. En tout cas, entre ces personnes interchangeables et sans talent qui nous donnent à longueur de journées des leçons de vie et Gérard, je penche pour Gérard.
Je ne peux pas le condamner de ne penser qu'à lui dans un moment où les professionnels de la politique gouvernent ce qui leur reste à gouverner contre nous. Gérard a fui la France quand l'intégralité des impôts sur le revenu des travailleurs est égal aux intérêts annuels versés aux banques. Si Gérard avait quitté le pays au moment où celui-ci menait comme l'Islande, une politique pour son peuple, alors je n'aurais pas pris sa défense.
Mais Depardieu dans son exil a le mérite de nous aider à relativiser le paradis démocratique sans nul autre pareil dans lequel nous vivrions, selon les journalistes parisiens qui dictent la vérité quotidienne.
Je ne sais pas si la Russie est une démocratie mais je ne suis pas certain que Poutine gouverne avec aussi peu de soutien que notre bon Hollande. Cela ne fait pas tout, et il semblerait que la confédération russe et l'Etat de Mordovie ne forment pas un cocon de libertés. Malheureusement Depardieu n'est pas allé très loin en critiquant la France ; pour la faire bouger, la sortir de ses certitudes. Il aurait pu parler par exemple de nos prisonniers politiques.
J'aurais préféré qu'il soit un peu plus crédible, qu'il sorte du show... qu'il évite l'affaire du passeport pour faire de la vraie politique. Qu'il aille en Suisse, un pays dont la démocratie a une autre gueule que la notre... Qu'il en dise du bien comme l'a fait Houellebecq qui pourtant est rentré au pays cette année. En bref j'aurais aimé que Depardieu pousse l'extravagance jusqu'à donner une bonne leçon de morale à ce gouvernement moralisateur. Qu'il démasque l'usurpation de légitimité d'une démocratie représentative - outil de l'oligarchie. C'était visiblement trop demander au castelroussin, qui n'est peut-être après tout qu'un ancien pauvre trop content de sa réussite. A force de surnager dans la mare, Gérard Depardieu a pu perdre de vue son écosystème.
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