Doute radical sur toutes les sources d’information
On ferme les yeux des morts avec douceur ;
c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants.Jean Cocteau
Je propose ici une réflexion philosophique sur nos sources d'informations pour prendre du recul et avoir une vue d'ensemble.
Les sources d'informations
Nous recevons nos connaissances sur le monde de différentes sources, en général des média
traditionnels : journeaux, télé, radio. À part la météo, le sport ou des évènements régionaux, nous ne pouvons rarement vérifier directement ces informations qui restent indirectes et non-immédiates. Les média à leur tour utilisent d’autres sources, comme la science, les agences de presse, les instituts de sondages ou des sources étatiques. Il y a aussi les livres et l’internet qui ont en général l’avantage d’être plus indépendants des institutions capitalistes ou étatiques mais peuvent aussi manquer de sérieux. Et nous pouvons de moins en moins faire confiance aux sources habituellement considérées comme serieuses. Or, dans nos sociétés digitalisées et hypercomplexes, nous ne pouvons plus nous satisfaire d’informations qui seraient seulement souvent valides ou même presque toujours valides, au contraire nous devons veiller aux conséquences indirectes de la désinformation : “pas de fumé sans feu” prétendra par exemple le dicton populaire. Il faut ainsi penser à l’énergie et le temps que coûte le travail collectif de corriger la désinformation.
Les sciences
Il est en général admis que la méthode et les institutions scientifiques produisent un savoir fiable, surtout quand il s'agit des sciences naturelles et des sciences exactes. Mais des méta-études montrent qu'un très grand nombre de publications des sciences expérimentales ne sont pas reproductibles (Crise de la reproductibilité). John Ioannidis, l'un des initiateurs de cette réflexion, pense même que, pour des raisons statistiques, la majorité des résultats empiriques pourraient être faux (Why most Published Research Findings are False). En effet, pour un test statistique sur un phénomène donné, on peut avoir des faux positifs (par exemple un test affirme faussement que quelqu'un a été contaminé) et des faux négatifs (la maladie n'a pas été détectée). Or apparement, dans les démarches scientifiques, on accepte typiquement 5% de faux positifs et 20 % de faux négatifs ce qui donne (pour des raisons mathématiques), 36% de faux résultats.
La démarche scientifique est encore entachée de divers biais qui amènent les scientifiques à accepter plus facilement les résultats auxquels ils s'attendent ; et ce d'autant plus qu'ils sont poussées à publier par le fonctionnement actuel des universités ("publier ou périr"). À cela s'ajoute un dysfonctionnement du système de relecture, toutes sortes de tricheries et de corruptions, voire de falsifications organisées d'ampleurs variables comme les "moulins à papier". Par ailleurs, de plus en plus de recherches sont financées par des entreprises privées dont les intentions ne sont pas toujours avouables. Par exemple, l'industrie du pétrole a massivement financé le doute sur le changement climatique.
Les sources étatiques ne nous protègent pas non plus contre la recherche du profit. Par exemple dans son livre Tous cobayes, Gilles-Éric Séralini explique que les instances de contrôle toxologique françaises, ainsi que celles de l'UE et des États-Unis ont participé à l'occultation des dangers des OGM. On peut encore penser à la complexité des débats sur les vaccins, le nucléaire etc. Les statistiques économiques officielles ne sont pas fiables non plus voire intentionnellement déformées, tels le calcul de l'inflation, du chômage ou la croissance économique.
Les agences de presse et le journalisme
Les agences de presse sont une source d’information essentielle pour la plupart des média. L’article “Le multiplicateur de propagande” du site Swiss Policy Research nous explique comment fonctionnent ces agences. Inconnu du grand public, les agences de presse œuvrent quasiment dans l’ombre et apparaissent au mieux en bas d’un article comme petit sigle : ap, reuters, afp. Aujourd’hui, la plupart des média connus n’ont souvent pas les moyens ni l’intention de faire de l’enquête sur le terrain ; leurs informations reposent de fait essentiellement sur les trois agences de presse citées qui ont typiquement 3000 - 4000 employés tandis qu’un journal aussi important que le grand journal suisse NZZ “ne maintient que 35 correspondants à l’étranger”. Ainsi, une information, un article, une image ou une vidéo d’une agence de presse peut se retrouver démultiplié dans la plupart des grands média occidentaux, souvent sous forme identique ou à peine retravaillée. Par ailleurs, les agences de presse dépendent elles-mêmes de sources gouvernementales y compris des services secrets lesquels peuvent aussi poursuivre des buts de désinformations.
On voit donc déjà que les journalistes et les média ne désinforment pas nécessairement intentionellement, il suffit qu’ils diffusent de bonne foi des informations de sources en apparence fiables. Mais les média peuvent aussi être financés ou influencés par des services de renseignements, par exemple l’opération Mockingbird où, pendant les années 1950 à 1970, jusqu’à 3000 personnes ont été infiltrées dans la presse américaine. Ou encore, ils travaillent dans l’intérêt d’entreprises privées, et ce d’autant plus que les grands média occidentaux sont, pour la plupart, eux-mêmes des entreprises privées. À ce sujet, on peut lire le dossier de Manière de Voir “Fake news, une fausse épidémie ?” qui décrit des désinformations diffusées par la plupart des média occidentaux, par exemple la diffusion massive d’un prétendu complot russe et la manipulation de Trump par Poutine ce qui est finalement une énorme (fausse) théorie de conspiration (“Russiagate”).
Un autre sujet (qu’il faudrait développer plus amplement) concerne les manquements à la
neutralité de la part des réseaux sociaux et des moteurs de recherche. Ainsi, un encadré dans le dossier de Manière de Voir cité précédemment explique que toute une série de sites pacifistes ou de gauche ont perdu depuis quelque temps une part importante de visibilité. Quelle est l’ampleur de filtrages, voire de suppressions de contenus, de la part des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, c’est-à-dire de quasi-censure par des entreprises privés ?
Wikipedia
Wikipedia se présente comme une encyclopédie collaborative, démocratique et politiquement neutre. Mais cette prétendue neutralité s'avère fallacieuse, on découvre au contraire un fonctionnement hierarchique, des superviseurs ou administrateurs en général anonymes qui peuvent rejeter des contributions ou exclure des contributeurs, des partis pris pro-occidentales ou pro-israéliens ainsi que la diffamation des adversaires, des éditeurs payés par des entreprises ou des services secrets etc. Le fondateur, ainsi que la directrice actuelle se retrouvent eux-mêmes très proches des hautes sphères de pouvoir. Doit-on parler d'une opération de désinformation comme le fait Swiss Policy Research ? De toute façon, on s'amusera à lire la fiche Wikipedia sur Swiss Policy Research essaie de discréditer ce cite (disponible en anglais ou en allemand). De citer souvent Wikipedia dans ce texte montre certainement la complexité de la recherche de sources d'informations fiables dans notre époque : mais en général, Wikipedia permet au moins de faire connaitre un sujet publiquement admis...
Les sources non-gouvernementales
La désinformation ne s'arrête pas forcément non plus aux soi-disant ONG ou organisations de l'ONU, au contraire, leurs prises de positions reflètent souvent un parti pris pro-occidental injustifié. Ainsi, lors de l'affaire des couveuses au Koweit, Amnesty International soutient des accusations injustifiées. D'après un
article de Telepolis (en allemand), l'ONG Reporters sans frontières présente également un biais pro-occidental et ne montre aucune transparence lors de son évaluation de la liberté de presse. Et ce ne sont pas des cas isolés, au contraire il existe des stratégies de création artificielle de mouvements de contestation avec une fausse apparence d'authenticité, des faux militants etc, appelées Astroturfing, par exemple un activiste blanc américain qui se présenterait comme un autochtone Hongkongais.
Par ailleurs, le financement en milliards de dollars des mouvements de critique sociale ou contestataires comme LGBT, Black Life Matters ou #MeToo par des super-riches bien connus, est-il vraiment si anodin et rassurant ? On trouvera à ce sujet beaucoup d'informations sur influencewatch : une riche documentation sourcée, les montants des versements etc. Quelle est l'ampleur et l'impact réel, historique de ce phénomène de financement ou création de mouvements contestataires ?
L'État et le pouvoir
Les liens proposés permettront d'étudier les sujets précedemment mentionnés plus en profondeur. Mais la problématique de la désinformation généralisée ne peut pas être facilement appréhendée. Pour se faire une idée il faudrait aussi pendre en compte l'État profond, les opérations sous fausse bannière, les "PsyOp" (opérations de manipulations psychologiques), les stratégies de déni plausible et y inclure évidemment une analyse de la propaganade médiatique classique, y compris à travers publicités, cinéma et séries. En outre, se pose la question de l'ampleur de l'opposition contrôlée : En quoi les partis politiques, syndicats et média qui posent une critique radicale, jouent-ils le jeu d'une fausse opposition ? Ou ne sont-ils pas eux-mêmes aveugles ou désinformés ? Et il faut aussi bien sûr prendre en compte et analyser les différentes dynamiques de synergies entre l'État, les média, l'industrie, les groupes d'influence, la finance, les nouvelles technologies etc, ainsi que la tendance à tabouïser certains sujets. (Cela sera le contenu d'un autre article).
Conclusion
Pour vérifier la fiabilité d’une information ou d’une source d’informations (ou pour en douter), nous avons souvent besoin d’autres sources auxquelles nous faisons davantage confiance. Or, sur quoi se baserait cette confiance, les mêmes doutes ne seraient-ils pas permis ? Il n’existe pas de chemin simple vers la vérité pour des informations qui ne sont pas directement vérifiables, des contextes d’informations souvent hautement complexes qui nous interesse ici, et où la fausseté ou la déformation ne saute pas forcément aux yeux, d’autant plus quand la désinformation est intentionnelle. Cependant, à partir du moment où nous avons commencé à douter des sources habituelles, nous pouvons progressivement apprendre à reconnaitre la désinformation en la confrontant à d’autres informations et leurs éventuelles contradictions. Des fois, il s’agit aussi simplement de découvrir un autre point de vue ou de découvrir des faits en soi incontestés, mais qui trouvent leur importance dans une recontextualisation adaptée. Cependant, c'est un long processus d'apprentissage...
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