Dr. Strangelove aux commandes
« It’s the economy stupid », un truisme à mille lieues du monde des feux follets de l’écologie et du langage épicène, qui nous gouvernent, diplômés de Masters en sciences des religions et autres. Et pourtant, on peut être de gauche et s’y connaître en économie.
Dr. Sahra Wagenknecht (1), prêcheuse dans le désert, passe des moments difficiles parmi les siens. Dans sa dernière tribune dans l’hebdomadaire allemand « Focus » (2), le magazine pour jeunes cadres pressés, elle démonte le mythe de l’inflation, ce phénomène punitif, envoyé par Dieu et Vladimir Poutine, qui dévore le pouvoir d’achat des allemands.
Certes, le conflit en Ukraine cause d’importantes ruptures d’approvisionnement de toute une série de biens, produits par les belligérants, notamment le blé, l’huile de tournesol et l’engrais minéral, fabriqué à base d’ammoniac, une combinaison d’azote de l’air et d’hydrogène, provenant du gaz naturel, mais pour ce qui concerne les sources énergétiques, telles que le gaz, le pétrole et le charbon, la causalité est moins évidente.
En effet, l’Europe n’a pas (encore) déclaré d’embargo sur le gaz et le pétrole russe, par conséquent la Russie continue à livrer les quantités contractuellement convenues, à des prix substantiellement en dessous du prix du marché.
Si, pour des raisons politiques, l’Europe, notamment l’Allemagne, décidait de résilier unilatéralement ces contrats, surtout ceux qui concernent le charbon et le pétrole, la Russie ne se priverait pas de vendre les quantités ainsi libérées à d’autres acheteurs, à des conditions nettement plus avantageuses pour elle. Elle n’aurait aucun mal à les trouver, puisqu’en dehors du cercle restreint des alliés de l’OTAN il y a peu de nations qui participent aux sanctions, dictées par les Etats-Unis.
Ainsi, en ce qui concerne les prix des matières premières sur les marchés mondiaux on parle plutôt de « hausse préventive », ou plus prosaïquement de spéculation (3), et le niveau du prix du pétrole est maintenu à un niveau « convenable » par l’OPEC, le cartel dont la Russie fait partie, mais dont la cotation a déjà passablement baissé à nouveau depuis l’éclatement de la guerre.
Quant au gaz, la hausse des prix doit être attribuée partiellement au fait que déjà en 2021 de nombreux contrats, arrivés à échéance, n’ont pas été renouvelés, et pour lesquels on n’a pas trouvé d’alternative, tel que le gaz liquéfié LNG, car une bonne partie de la production mondiale est absorbé par l’Asie, mise à part le fait que, dû à la complexité de son mode d’extraction, par fracturation hydraulique, son prix est exorbitant et son impact environnemental désastreux.
Parlant de l’Allemagne, mais cela se vérifie certainement dans d’autres pays d’Europe, on constate par ailleurs, qu’il y a une forte disparité entre les prix des sources d’énergie encore disponibles, pétrole, charbon et gaz bon marché grâce aux contrats de livraison avantageux avec la Russie, encore en vigueur, et les prix demandés aux consommateurs. Par conséquent il est fort probable qu’il y ait quelques profiteurs le long de la chaîne logistique, qui d’ailleurs s’étaient déjà sucrés lors de la crise sanitaire, qui risque bien de ressurgir prochainement, le vrai déclencheur du cycle inflationniste. (4)
Couplé à la politique climatique avec ses taxes sur le Co2, la hausse des prix énergétiques a fait bondir les recettes de la taxe à la valeur ajoutée TVA, prélevée par l’état allemand, de 34 % le premier trimestre de cette année par rapport à la même période l’année passée.
Last but not least, l’inflation importée, due à la dépréciation de l’euro face au USD depuis le début 2021, et surtout depuis la crise ukrainienne, une conséquence directe de la politique monétaire expansionniste de la Banque Centrale Européenne depuis la dernière crise financière en 2008.
Celle-ci se trouve donc dans une situation catch 22, car si elle augmente les taux d’intérêt, elle augmente le coût de financement des états, dont l’état allemand, qui, avec ses visées ambitieuses de redevenir une puissance militaire, projette une augmentation du budget de la défense de 100 milliards euros, de l’économie, ainsi que des ménages, ce qui risque de provoquer une récession, tout en étant inflationniste. On appelle cela de la stagflation. Par ailleurs, elle risque de donner le coup de grâce aux marchés financiers et immobiliers, déjà grotesquement surévalués. Si elle ne fait rien, elle risque de devoir faire face à de l’hyperinflation.
A la faiblesse de l’euro face au USD, l’économie européenne pourrait faire face, à la limite, car elle risque d’être temporaire, vu le cataclysme auquel les Etats-Unis se verront confrontés avec sa triple dette, de l’état, des ménages et des entreprises qui dépasse les 55'000 milliards USD, de plus en plus difficile à financer, en vue de la dédollarisation des échanges des matières premières en général, et du pétrole en particulier, sonnant le début de la fin de « Bretton Woods » (5), mais ce qui est plus préoccupant c’est la valeur extérieure de l’euro face à tous les pays producteurs de matières premières, dont, par exemple, la Russie. On en veut pour preuve la renaissance du rouble tel que phénix qui renaît de ses cendres.
Scott Ritter, ancien inspecteur aux armes pour l’ONU en Iraq, qui se faisait traiter de « minable » par le sénateur Joe Biden (6), pour avoir refusé de colporter les fausses allégations de l’administration du Président George W. Bush sur l’existence d’armes de destruction massive, le prétexte pour l’invasion de l’Iraq par les Etats-Unis, répondait à la question d’un journaliste, comment terminer la guerre en Ukraine : « Un simple coup de téléphone par Joe Biden au président de l’Ukraine, lui signifiant d’arrêter le massacre. »
Et Sahra Wagenknecht de conclure : « Jamais, les Etats-Unis ne seraient aussi stupides d’imposer des sanctions envers un pays tiers, sachant que ceux-ci menaceraient la stabilité de sa propre économie. »
- Députée au Bundestag depuis 2009, Dr. Sahra Wagenknecht fut présidente du groupe parlementaire « Die Linke » entre octobre 2015 et novembre 2019. Après ses études de philosophie et de littérature allemande, entre 1990 et 1996, elle soutient une thèse, portant sur « l’interprétation de l’œuvre de Georg Friedrich Hegel par le jeune Karl Marx ». En 2012 elle obtient un doctorat en sciences économiques (magnum cum laude) sur « la relation entre le revenu et l’épargne ». (Wikipedia)
- L’agiotage, une pratique spéculative qui date des temps de la Révolution française, consiste en la manipulation des cours de la bourse afin de faire varier les taux de change ou les cours de la marchandise, dans le but d’en tirer profit, les agios, intérêts, commissions et frais, servant à rémunérer les banques pour les services rendus. Inflation - AgoraVox le média citoyen
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