Drogue, pesticides, OGM : le tiercé de la mort
Deux études récentes (1) montrent qu’en France, le nombre d'oiseaux dans les zones agricoles a diminué d'un tiers en seulement 15 ans, certaines espèces étant en voie d’extinction. Cet effondrement de la population d'oiseaux est à mettre en corrélation avec la découverte en octobre 2017 du fait que plus des trois quarts des espèces d’insectes volants en Allemagne ont disparu en seulement trois décennies.
Le principal élément suspecté pour cette extinction de masse est l'utilisation agressive de pesticides néonicotinoïdes, en particulier l'imidaclopride et la clothianidine, tous deux fabriqués par Bayer. On sait que ces pesticides, de même que les herbicides toxiques au glyphosate, sont les exterminateurs des papillons monarques, des abeilles mellifères et des oiseaux. Mais plutôt que d'interdire ces produits chimiques toxiques, l'UE a approuvé le 21 mars la fusion (d’un montant de 66 milliards de dollars) de Bayer et Monsanto qui fait du nouveau conglomérat la plus grande entreprise d’OGM et de pesticides au monde, et lui donne un énorme pouvoir de contrôle sur l’agronomie d’une bonne moitié de la planète, le critère de profitabilité étant prioritaire sur celui de l'intérêt public.
Avant 1990, il existait 600 entreprises indépendantes productrices de semences dans le monde. En 2009, seulement une centaine avaient survécu et les prix des semences avaient déjà plus que doublé. Mais la nécessaire mise en place d’un contrôle de ces groupes transnationaux va au-delà des questions économiques : c’est tout simplement la vis sur notre planète qu’ils mettent en danger.
Si les pesticides néonicotinoïdes de Bayer éliminent les insectes et les oiseaux, le glyphosate de Monsanto est associé à plus de 40 maladies humaines, dont plusieurs formes de cancers. Les graines qu’il commercialise sont génétiquement modifiées pour survivre à cet herbicide toxique, mais les plantes l'absorbent dans leurs tissus. Chez les consommateurs de ces produits agricoles, humains et animaux, le glyphosate perturbe le système endocrinien et l'équilibre des bactéries intestinales ; il endommage l'ADN et c’est un facteur de mutations cancéreuses. Une étude publiée en 2014 dans le Journal of Organic Systems (2) met en évidence le lien entre l'augmentation énorme des maladies chroniques aux États-Unis et le pourcentage de maïs et de soja OGM cultivés dans ce même pays montrant des corrélations significatives avec l'hypertension, l'AVC, le diabète, l’obésité, des troubles du métabolisme, des lipoprotéines, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, l’hépatite C, les insuffisances rénales, les cancers de la thyroïde, du foie, de la vessie, du pancréas, du rein et de la leucémie myéloïde. Mais les dirigeants ont détourné le regard pour se consacrer à la gestion de leur carrière politique, encouragés par les « argument »s imparables fournis par les lobbyistes en poste à Bruxelles et à Washington.
Pour comprendre l'ampleur de cette menace, il est nécessaire de plonger dans l'histoire du 20ème siècle (3). Ce n'est pas la première fois que Monsanto et Bayer ont mêlé leurs destins. Au cours des deux guerres mondiales, ils ont fabriqué des explosifs et des gaz toxiques en utilisant des technologies partagées qu'ils ont vendues aux deux parties belligérantes. Après la Seconde Guerre mondiale, ils se sont unis sous le nom de MOBAY (MonsantoBayer) et ont fourni les ingrédients pour l'agent Orange dans la guerre du Vietnam.
En 1904, Bayer s'était associé aux géants allemands BASF et AGFA pour former ce qui est devenu plus tard I.G. Farben qui, au début de la seconde guerre mondiale était la plus grande société industrielle d'Europe, la plus grande entreprise chimique du monde et faisait partie du plus gros et plus puissant groupe industriel de toute l'histoire, en symbiose avec le régime nazi qui l’alimentait en business tout en s’en nourrissant lui-même pour alimenter sa logistique.
IG Farben n'était pas une simple entreprise industrielle contrôlée par les Allemands pour réaliser des profits dans le Reich et à l'étranger. C’était une organisation tentaculaire qui, par l'intermédiaire de filiales étrangères et des liens secrets avec des partenaires sympathisants du régime, opèrait une activité d'espionnage planétaire très efficace, le but ultime étant la conquête du monde ... et un super état mondial dirigé par IG Farben. (4)
Le cartel I.G. Farben a été techniquement dissout lors des procès de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale, mais en fait, il s'est simplement scindé en trois nouvelles sociétés - Bayer, Hoescht et BASF - qui restent aujourd'hui des géants pharmaceutiques. Pour cacher sa généalogie, Bayer a orchestré une fusion avec Monsanto en 1954, donnant naissance à la MOBAY Corp. En 1964, le département de la Justice des États-Unis a déposé une plainte antitrust contre MOBAY, mais les deux entreprises mères ont continué à travailler ensemble officieusement.
Dans « Seeds of Destruction : l'agenda caché de la manipulation génétique » (5), William Engdahl affirme que le contrôle et la dépendance alimentaires des populations sont devenus la politique stratégique des États-Unis sous Henry Kissinger. Avec la géopolitique pétrolière, ces politiques étaient la nouvelle clé contre les menaces pesant sur le maintien de l’hégémonie des États-Unis et leur accès sans entraves aux matières premières bon marché du monde en développement. "Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations", avait déclaré Kissinger. "Contrôlez la nourriture et vous contrôlerez les gens."
En réduisant la diversité des semences et en établissant un contrôle exclusif à travers la distribution des semences OGM par seulement quelques sociétés transnationales dirigées par Monsanto et par une campagne de propagande massive et subventionnée par les contribuables américains pour promouvoir les semences OGM et les pesticides neurotoxiques, le contrôle alimentaire mondial est pratiquement réalisé. Un cartel de fait composé de géants de la chimie, de la drogue, du pétrole, de la banque et de l'assurance, mis en réseau à travers des directions imbriquées, récolte les profits des deux côtés, en menant une attaque pharmaceutique très lucrative contre les maladies provoquées par leurs propres produits chimiques agricoles toxiques.
Pourtant, le besoin de ces produits chimiques toxiques est une idée reçue. Dans un article paru dans The Guardian en octobre 2017 (6), le chroniqueur George Monbiot a montré que la réduction de l'utilisation des pesticides néonicotinoïdes augmente la production, car les pesticides endommagent ou tuent les pollinisateurs dont dépendent les cultures. Plutôt que des accords commerciaux internationaux qui permettent aux grandes sociétés transnationales d’imposer leur loi aux gouvernements, il appelle à la réalisation d’un traité mondial pour réglementer les pesticides et exiger des évaluations de l'impact environnemental pour l'agriculture :
« Les agriculteurs et les gouvernements ont été complètement escroqués par l'industrie mondiale des pesticides. Cette industrie a veillé à ce que ses produits ne soient pas correctement réglementés ou même, dans des conditions réelles, correctement évalués. ... Les bénéfices de ces entreprises reposent sur la destruction des écosystèmes. Leur permettons-nous de tenir le monde en otage, ou reconnaissons-nous que la survie du monde vivant est plus importante que les dividendes de leurs actionnaires ? »
Trump se vante d’avoir reçu des prix pour la protection de l'environnement. S'il est sincère, alors que l’Union Européenne a donné son feu vert, il est encore temps pour lui de bloquer la fusion de Bayer et Monsanto. On peut y croire. La plus grande des forces n’est-elle pas la naïveté ?
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(1)- Les oiseaux disparaissent de nos campagnes à une « vitesse ...
(2)- Swanson et al - Organic Systems Journal Vol.9 No.2 (2014)
(3)- Bayer-Monsanto : les noces du diable
(4)- Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir
(5)- F. William Engdahl Home
(6)- Insectageddon : farming is more catastrophic than climate - The Guardian
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