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Accueil du site > Tribune Libre > Droit des femmes à conduire en Arabie saoudite : il ne faut pas réduire (...)

Droit des femmes à conduire en Arabie saoudite : il ne faut pas réduire cela à une simple diversion

Certains médias et animateurs se sont moquées du décret autorisant les femmes à conduire en Arabie saoudite. Une attitude condescendante, qui n'aide pas la cause des femmes saoudiennes.

Pour les médias, c’est entendu. Si l’Arabie saoudite a décidé d’autoriser les femmes à conduire, c’est forcément dans le but de se racheter une belle image auprès du monde. C’est pourtant ignorer les années de lutte mais aussi de dialogue avec le pouvoir en place qui ont permis cette avancée extraordinaire. Il s’agit en effet d’un combat vieux de trois décennies, durant lesquelles de nombreuses femmes ont lutté pour se faire entendre. Et la persévérance et la pugnacité de ces militantes sont pour beaucoup dans cette victoire.

Condescendance malvenue
Plus grave encore est donc la condescendance malvenue de certains médias occidentaux qui ne voient pas dans cette décision la capacité des femmes saoudiennes à prendre leur destin en main, ou pire, réduit cette avancée à une simple démarche que politicienne.
Car celles-ci ont glâné, petit à petit, des micro victoires qui les conduisent toujours plus vers une émancipation. On a ainsi pu voir des femmes en plein stade, le 23 septembre, pour la fête nationale de l’Arabie saoudite. On les verra bientôt à la plage, dans une station balnéaire de luxe. Depuis les récentes récessions économiques, elles travaillent davantage, notamment dans le paramédical ou encore l’optique.
Ces avancées constantes, depuis un an, sont hélas traitées avec légèreté par la presse étrangère. Trop souvent, les médias français ou occidentaux se laissent prendre au jeu du jugement, sans se rendre compte que les femmes saoudiennes opèrent une véritable marche contre l’égalité, où chaque succès compte. Dans ce marathon, elles sont d’ailleurs, depuis peu, grandement aidées par un pouvoir politique en place plus à l’écoute et plus conciliant. Le chercheur Brahim Kas, doctorant à l’université Paris 8, appelait récemment dans une tribune du Huffington Post à ne pas sous-estimer l’émancipation réelle qui se cache derrière le plan Vision 2030 : une émancipation réelle de la femme saoudienne.
Autre point, passé sous silence dans les médias, il faut aussi rappeler que si le plan est une chance pour les femmes saoudiennes, l’inverse est également vrai : l’émancipation tant attendue de ces dernières est un facteur de crédibilisation et de succès pour Vision 2030.
En effet, l’autorisation de la conduite pour les femmes a un parallèle : l’ouverture à plusieurs métiers qui leur étaient jusque-là interdits. On pense par exemple aux métiers de chauffeurs particuliers, d’autant plus que les destins d’Uber et de l’Arabie saoudite sont liées.

Nouveau prince héritier, nouveau contexte politique
L’investissement dans Uber avait d’ailleurs été décidé par le prince héritier Mohammed Ben Salmane, qui est également derrière les récentes avancées de ses futures sujettes.
Le jeune « MBS » est en effet connu pour sa volonté de réformes et ses positions iconoclastes. Il n’a pas eu peur de choquer ses propres ministres en leur demandant, par exemple, des rapports mensuels de productivité. Ce faisant, il attire les foudres des plus conservateurs, ce que le fougueux héritier doit gérer avec doigté.
James M. Dorsey, un journaliste fin connaisseur du Royaume, y voit ainsi l'épreuve ultime pour le prince Mohammed, dont l’ambition consiste à réformer son pays à pas de géants. Cette mesure “aura valeur de test pour savoir si le prince héritier Mohamed ben Salman saura introduire des réformes économiques et sociales malgré l’opposition conservatrice”, écrit Dorsey sur son blog. Clarence Rodriguez, spécialiste des droits des femmes en Arabie saoudite, a exactement la même lecture. « Ce jeune trentenaire veut faire évoluer son pays. Il considère qu'il faut contrebalancer les pouvoirs tribaux et les mentalités conservatrices pour éviter une révolte de la jeunesse. » explique la journaliste.
Le même MBS a ainsi organisé un concert de rock en février dernier ou avait allégé la procédure de « tutorat » en mai 2017. Dans cette croisade pour la modernité, le prince héritier « ébranle la société avec beaucoup de prudence », explique Clarence Rodriguez. 
Alors bien sûr, Rome ne s’est pas faite en un jour. Il est facile, pour un public européen, de se gausser dans une attitude souvent arrogante de l’avancée à Riyad ou dans les autres pays du Golfe. 
Mais entre la mobilisation des femmes et le contexte politique favorable, il n’y a vraiment pas lieu de minimiser ce nouveau symbole d’une société saoudienne qui va de l'avant.
Les Saoudiennes n’ont pas besoin de l’avis de donneurs de leçons supplémentaires…
 


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11 réactions à cet article    


  • Christian Labrune Christian Labrune 5 octobre 2017 18:40

    à l’auteur,
    Il semble bien en effet, que l’Arabie saoudite ait résolu de changer de direction. Un effondrement inévitable du marché du pétrole dans dix ou vingt ans, ne leur laisse guère le choix : il faudra bien se résoudre à entrer dans la modernité. Macron, en France, se plaignait naguère que son pays fût presque impossible à réformer. Si c’est difficile en France, on peut bien imaginer que ça doit l’être bien davantage dans un pays où le poids de l’obscurantisme religieux que les oulémas s’efforcent de faire perdurer est encore écrasant. Si on ajoute à ces petites réforme qui en annoncent d’autres la condamnation du terrorisme et la prétention tout à fait justifiée d’imposer au Qatar la fermeture d’Al Jazeera ou encore le rapprochement avec Israël nécessité par les tentatives hégémoniques de l’Iran, on peut se dire que les choses vont dans le bon sens.
    Attendez-vous quand même, sur cette page, à essuyer pas mal de propos désagréables venant de gens qui ne comprennent pas grand chose à l’Orient compliqué.


    • Pauline pas Bismutée 5 octobre 2017 19:12

      Effectivement en Arabie Saoudite les réformes ne sont pas impossibles, seulement très lentes a venir...

      D’après pas mal de saoudiens (en général éduqués a l’étranger) cette lenteur est d’ailleurs nécessaire pour que tout ça « prenne racine » ...

      @ Christian
      Peut-être pas, pour les propos désagréables ..sinon ils vont sûrement venir de personnes n’ayant jamais mis les pieds en Arabie Saoudite et encore moins parlé avec des Saoudiens. L’ Orient est en effet très compliqué, mais si fascinant ...

      Depuis le temps que les Saoudiennes attendaient ça ! Et au moins, il sera impossible de revenir en arrière sur ce coup la ..

      PS Le seul truc négatif va être tous les Pakistanais, Indiens, Bangladeshis, etc ... qui vont perdre leur boulot de chauffeurs.


      • McGurk McGurk 5 octobre 2017 19:44

        @FSoltani

        Espérons que ce n’est pas qu’une façade, mais honnêtement j’en doute fort.

        Il est tout à fait possible que ce soit pour donner le chance à l’Occident qui les raille que « leurs femmes ne peuvent pas conduire ». En attendant, il y a toujours d’énormes obstacles totalement absurdes à enlever en vitesse pour que ses femmes puissent vivre libre dans la modernité. Actuellement, elles ont moins de valeurs que les dromadaires.

        Il faudrait également court-circuiter toute cette frange pseudo-politico-religieuse qui a fait stagner le pays dans une sorte de Moyen-Âge moderne. Mais également le pouvoir qui gouverne d’une main de fer et dans un luxe tout à fait insolent.

        * " « Ce jeune trentenaire veut faire évoluer son pays. Il considère qu’il faut contrebalancer les pouvoirs tribaux et les mentalités conservatrices pour éviter une révolte de la jeunesse. » explique la journaliste."

        Bah oui la bonne blague ! Si la jeunesse se révoltait, elle ferait la peau à tous ces pseudo-religieux et à la famille royale qui a allègrement profité de la manne pétrolière en plongeant le pays dans la merde.


        • Christian Labrune Christian Labrune 5 octobre 2017 20:36

          Espérons que ce n’est pas qu’une façade, mais honnêtement j’en doute fort.

          McGurk
          Vous n’êtes pas le seul à dire que c’est une manière de donner le change. Il reste que pour l’Arabie et pour ceux qui la gouvernent, c’est pour ainsi dire une question de vie ou de mort. La manne pétrolière prendra fin, probablement, plus vite qu’on ne le pense. Sur le plan géostratégique, on voit bien que l’Iran, s’efforce d’étendre sa zone d’influence en Syrie et en Irak, soutient les Houthis au Yémen et tâche de manipuler le vilain petit Qatar. La tentative d’encerclement est évidente, d’où aussi la nécessité de pouvoir profiter du parapluie israélo-américain. Si l’Arabie n’avait pas pris rapidement ce virage, elle était fichue à plus ou moins long terme. C’est donc l’option la plus réaliste qui paraît avoir été choisie, et je ne pense pas que cela puisse être un simple ravalement de façade. Il ne sera probablement pas très facile de museler l’islam wahhabite, ça va prendre bien du temps, mais on ne peut pas dire qu’en France où il prospère, on fasse non plus grand chose pour l’éradiquer. Et cela dans un pays qui est pourtant des Lumières. Songeons que Mohammed ben Abdelwahhab, à qui on doit cette merveille qu’est le wahhabisme, est mort en 1792. Il fut donc, sinistre ironie de l’histoire, l’exact contemporain de nos philosophes réformateurs du politique, sous les règnes de Louis XV et de Louix XVI.

          Alors que certains prêcheurs du wahhabisme en sont encore à considérer que la terre est plate, le régime fait ce qu’il peut pour promouvoir la recherche scientifique et les nouvelles technologies. Quand un pays s’engage dans cette voie, il se trouve assez fatalement conduit à « sortir du religieux », pour parler comme Marcel Gauchet. En Iran, a théocratie paraît se maintenir grâce à une assez abominable police, mais il semble bien que les mosquées y soient de plus en plus désertes : l’overdose d’islam, au bout d’un certain temps, produit d’incoercibles nausées, et les mollahs désormais exécrés par une grande partie de la population finiront bien par tomber dans les poubelles de l’histoire. Espérons que ce soit avant qu’ils aient eu le temps de mettre des ogives nucléaires au sommet de leurs missiles !

          Puisque l’auteur de cet article est iranienne, il serait intéressant que dans un prochain article elle nous parlât de ce qui se passe dans un pays sur lequel, surtout dans une Europe, prête à tout avaler depuis que les accords sur le nucléaire ont ouvert des marchés assez juteux, on raconte à peu près tout et n’importe quoi.


          • Christian Labrune Christian Labrune 6 octobre 2017 10:12

            ERRATUM
            Et cela dans un pays qui est pourtant CELUI des Lumières.
            On aura probablement compris qu’il manquait « celui ». Excuses.


          • McGurk McGurk 5 octobre 2017 21:21

            @Christian Labrune

             
            * « Et cela dans un pays qui est pourtant des Lumières. »

            Qui se sont éteintes il y a un bon moment smiley .

            * "l’overdose d’islam, au bout d’un certain temps, produit d’incoercibles nausées et les mollahs désormais exécrés par une grande partie de la population finiront bien par tomber dans les poubelles de l’histoire. Espérons que ce soit avant qu’ils aient eu le temps de mettre des ogives nucléaires au sommet de leurs missiles !« 

            J’aimerais être aussi optimiste que vous, mais je pense que la misère et la peur vont de pair avec la diffusion et développement de leur courant religieux extrémiste.

            Il est bien plus facile de garder les gens dans la paranoïa et la peur (instrument le plus vieux du pouvoir) plutôt que d’instituer une société égalitaire et libre. L’un de mes proches y est allé récemment et la vie s’arrête cinq fois par jour le temps des prières hurlées dans les mégaphones, les femmes sont voilées de haut en bas et traitées comme des objets, etc. Ca n’a pas l’air d’inquiéter qui que ce soit.

            J’aimerais bien croire qu’une surdose de religion aurait l’effet inverse sur la population, mais j’en doute sincèrement. Surtout lorsqu’on y baigne depuis la naissance et que c’est institutionnalisé. Aucune violence ou manifestation envers l’excès plus qu’évident de religion, chaque année ils en rajoutent une couche ( »pas le doit de ci« , »pas le droit de ça« , séparation homme/femme encore plus accrue).

            * »Quand un pays s’engage dans cette voie, il se trouve assez fatalement conduit à « sortir du religieux »« 

            Non justement, c’est le »pouvoir« au service du »divin« (plutôt du pouvoir religieux tirant sa légitimité de »Dieu« ). Plus la technologie est développée, plus elle sert à contrôler le peuple.

            * »Puisque l’auteur de cet article est iranienne, il serait intéressant que dans un prochain article elle nous parlât de ce qui se passe dans un pays"

            Sauf qu’en Iran, la jeunesse en a plus que marre du pouvoir et que les jeunes femmes se montrent de plus en photo sans leur saloperie de voile. Je n’ai pas encore vu ce genre de chose en AS.


            • Pauline pas Bismutée 5 octobre 2017 21:38

              En Arabie Saoudite, le changement pour autoriser les femmes a conduire n’est sans doute pas une façade car la loi avait failli être votée il y a plus d’une dizaine d’années, elle était donc « dans les cartes » ... (et quelques femmes conduisaient quand même, par défiance)

              Pour le reste... sans aucun doute une volonté de se débarrasser des étrangers (et donc de leur influence, si minime qu’elle soit) : un processus de « saoudisation » a commencé il y pas mal d’années déjà, le remplacement progressif des « étrangers » (non saoudiens) effectuant des boulots spécialisés de haut niveau par des saoudiens.

              Ce qui donne des résultats ... intéressants (souvent : pourquoi faire efficace et simple quand on peut faire
              inefficace et compliqué ?) Pour les boulots « subalternes », on garde évidemment les non saoudiens ...

              Mais il y a beaucoup de jeunes qui ne travaillent pas en Arabie Saoudite, et beaucoup ont accès a internet, et/ou voyagent ; ils sont donc relativement bien informés. Le gouvernement va sans doute avoir « le dos au mur » a plus ou moins court terme.

              Quant a l’Iran, les jeunes (et moins jeunes) sont remarquablement ouverts envers les étrangers. J’ai
              même souvent entendu la bas : « encore une mosquée ? on veut des hôpitaux ! » 

              Bref, deux pays avec une jeunesse qui commence a réfléchir ... time will tell ...


              • troletbuse troletbuse 6 octobre 2017 01:47

                https://fr.sputniknews.com/societe/201710051033337447-arabie-femme-volant/
                Lors d’un freinage, le voile lui est tombé sur les yeux


                • zak5 zak5 6 octobre 2017 06:06

                  Les femmes saoudiennes viennent juste de sortir du milieu du 7e siècle, c’est vraiment une révolution !


                  • antiireac 6 octobre 2017 11:57

                    Ces femmes sortent de plusieurs siècles de pourrissement religieux.

                    Vivement que ce coup de pouce royal se transforme en peu de temps en une véritable libération mais à l’allure où vont les choses dans ce pays ce n’est pas gagné 

                    • Naboulio Naboulio 7 octobre 2017 02:43

                      Garde a vous !


                      Ce n’est en effet pas une simple diversion, mais une concession faite a l’occident.
                      Concession ou exigence... Quels sont nos habitudes dans ce domaine ?

                      Disposez !

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