DSK contre-attaque : le sens de sa plainte contre Nafissatou Diallo
C’était le 15 mai 2011 : il y a donc un an, presque jour pour jour, que la tristement célèbre affaire DSK débutait avec l’épisode du Sofitel de New York.
Je ne reviendrai pas ici sur les multiples péripéties, déjà suffisamment connues, de cette interminable et sordide saga. L’Histoire, du reste, n’a pas encore véritablement tranché, faute du recul temporel nécessaire ainsi que des nombreuses zones d’ombre qui demeurent, quant à la vérité, ou non, des faits incriminés.
Une chose semble toutefois évidente, à ce stade de la procédure en cours et par-delà l’existence de ces doutes : c’est Dominique Strauss-Kahn, et non son accusatrice, Nafissatou Diallo, la première et véritable victime de ce procès qui défraya aussitôt la chronique judiciaire et, surtout, de l’incroyable lynchage médiatique, aux Etats-Unis comme en France par ailleurs, qui s’ensuivit immédiatement.
Qu’on en juge : c’est sa position de directeur général du FMI, l’un des postes les plus convoités au sein du monde politique et économique, ainsi que sa probable élection, en lieu et place de François Hollande, à la présidence de la république française que DSK perdit là instantanément. Un meurtre, sur le plan social, symbolique !
D’où ce très réaliste constat : c’est à bon droit que Dominique Strauss-Kahn, auquel échappa donc effectivement là d’importantes « opportunités professionnelles » (c’est un euphémisme) comme ses avocats le disent, contre-attaque aujourd’hui en portant plainte (on notera que ce fut précisément là le jour, en ce 15 mai 2012, de l’investiture de François Hollande à la présidence de la République) pour « dénonciation mensongère », « diffamation » et « abus de procédure » à l’encontre d’une Nafissatou Diallo qui, par-delà même ces incommensurables dégâts moraux et graves préjudices financiers qu’elle lui aura ainsi causés, apparaît à présent comme, sinon une menteuse, du moins une manipulatrice, ne fût-ce que par son flagrant appât du gain, dont l’iniquité n’a d’égale que son indignité, doublée, en cette pénible circonstance, d’un opportunisme de très mauvais aloi.
Comment, du reste, imaginer un seul instant que DSK, ce pestiféré des temps modernes, puisse finir aujourd’hui, sinon par le plus injuste et cruel des sorts, derrière les barreaux de la Santé comme Sade finit autrefois dans le donjon de la Bastille ou Oscar Wilde dans la geôle de Reading ?
C’est, comme que je l’ai déjà souligné, le sens de notre démocratie, de sa véritable modernité à défaut de son réel progrès, qui est là plus sérieusement, et plus profondément, en jeu !
Ainsi, fier d’avoir été l’un des premiers intellectuels, quoique malheureusement trop rares en cet épineux et délicat dossier, à défendre, souvent contre vents et marées, ce sacro-saint principe qu’est, en matière de justice, la présomption d’innocence, je persiste et signe, au risque de m’exposer moi-même à nouveau aux pires calomnies, en cette tribune : je renouvelle ici à Dominique Strauss-Kahn, que mon effort de lucidité tout autant que mon exigence de rationalité n’angélisent certes pas a priori, toute ma compassion d’humaniste attaché à l’impératif respect des droits de l’homme, sans lesquels il n’est point de liberté, absolue et inaliénable valeur morale à mes yeux, qui vaille.
C’est là l’impérieuse et immense leçon, notamment, de l’éthique kantienne.
Ceci dit, heureusement que DSK n’a pas été élu Président de la République : imaginons, si cela avait été le cas, le scandale, de par le monde, et la honte, pour la France, si cet invétéré coureur de jupons - il faut bien, très honnêtement, l’admettre - avait été démasqué par la suite : comme quoi la liberté de mœurs, bien que non répréhensible sur le plan du droit pénal lorsqu’elle ne nuit à personne, est incompatible, au niveau moral et politique, avec les hautes responsabilités d’un chef d’Etat digne de ce nom !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur de l’essai « Du Beau au Sublime dans l’Art – Esquisse d’une métaesthétique », coédité par les Editions L’Âge d’Homme et l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège.
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