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Accueil du site > Tribune Libre > Du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (suite)

Du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (suite)

Je remercie les lecteurs de leurs commentaires suite à la publication de mon article Du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et je voudrais leur faire part en retour de quelques réflexions complémentaires. Je passe sur les commentaires allant dans le sens de la thèse que je soutiens, à savoir que le vote du Congrès à Versailles le 4 février 2008 est un événement majeur de la transition de notre démocratie vers une autre forme de régime, dont la portée n’a pas encore été suffisamment analysée. Je voudrais en revanche revenir sur deux des arguments exposés dans les commentaires qui ont pointé une divergence de vues.

Le premier argument concerne la réalité de la notion de peuple français. D’une part, l’illusion d’un peuple français ne résisterait pas à l’analyse historique : la population française est en recomposition permanente du fait de ses évolutions démographiques internes et des mouvements migratoires sur le long terme. D’autre part, les consultations électorales ne convoquent jamais le peuple en tant que tel, mais le corps électoral, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens aptes à voter (majeurs, non privés de leurs droits civiques pour des raisons pénales ou médicales).

Concernant les évolutions historiques du peuple français, il ne s’agit évidemment pas d’invoquer une permanence du peuple propre à en faire un objet intemporel. Si la notion de peuple est rattachée à celles de culture et d’histoire, le peuple français d’aujourd’hui n’est pas exactement celui d’il y a plusieurs décennies : en mutation permanente du fait de l’évolution de la population française, des évolutions culturelles et de l’impact de l’histoire récente sur les mentalités, c’est bien le peuple français d’aujourd’hui qui est aujourd’hui l’unique souverain sur le territoire français, seul légitime à décider de son présent et de son avenir.

D’autre part, distinguer le peuple du corps électoral n’apparaît pas particulièrement opératoire dans le cadre du suffrage universel direct, qui est celui des référendums et de la plupart des élections : il est évident dans ce cadre que les décisions réputées prise par le peuple sont celles exprimées par le corps électoral, puisque les autres membres du peuples (mineurs, déchus des droits civiques, etc.) ne peuvent pas prétendre à une part active dans ces décisions. Affirmer la légitimité du peuple souverain comme source de toute légitimité revient donc à accorder au suffrage universel direct un caractère intangible, une forme se sacralité laïque, au sens où briser cette sacralité signifie briser l’édifice tout entier. Le problème demeure de savoir si les élus, et peut-être une partie de la population, ne croient plus à ce caractère intangible de la souveraineté du peuple et admettent une forme de contrôle du suffrage universel par une techno-structure autoproclamée compétente pour ce faire. Les remarques qui soulignent le caractère nécessairement protestataire de tout référendum s’inscrivent dans cette tendance à la délégitimation du suffrage populaire. Le vote de Versailles représente à mon sens la manifestation parmi les parlementaires du déclin de cette croyance dans la légitimité du suffrage universel : le personnel politique ne croit plus en la démocratie, ce qui convient à son entreprise de confiscation du pouvoir.

Le second argument est répété à l’envi depuis 2007 : Nicolas Sarkozy bénéficie de la légitimité du suffrage universel ; il avait annoncé son intention de ratifier une rédaction plus ou moins aménagée du traité de Lisbonne ; il a reçu mandat du peuple pour exécuter ses promesses, le vote de Versailles en fait partie ; en se prononçant pour lui, le peuple français serait revenu sur sa décision de 2005.

La justesse de l’argument concerne la légitimité de celui qui a été élu pour réaliser les promesses qui lui ont valu cette élection. Il n’est pas question ici de contester cette légitimité. Trois remarques peuvent toutefois permettre de dépasser le ressassement un peu mécanique de ce qui n’est qu’un vulgaire syllogisme.

1. Le peuple français s’est prononcé en 2005 sur un texte ; en 2007 sur le choix d’un citoyen pour un mandat. Les deux élections ne se recouvrent pas, il ne s’agit pas ici d’un processus d’alternance comme celui qui voit le peuple se prononcer pour une majorité tantôt de droite tantôt de gauche au sein de la même assemblée.

2. Les trois candidats arrivés en tête au premier tour en 2007 totalisent plus de 70% des suffrages et ont activement soutenu le texte rejeté en 2005 : score qui rend visible la divergence entre les opinions du personnel politique des partis dominants et la décision du peuple en 2005 ; quelles qu’en soient les raisons, le peuple continue à accorder ses suffrages à ce personnel politique, malgré un désaccord net sur le point précis du texte soumis en 2005. Il faut souligner, ce que comprend tout électeur normalement constitué, qu’adhésion globale à un candidat – ou rejet des candidats adverses – ne signifie pas adhésion exhaustive à chaque point précis du programme de ce candidat.

3. Enfin, si un candidat est élu pour appliquer ses promesses – on ne saura pas l’en blâmer – on peut s’interroger sur la légitimité du candidat, même élu, à contrer frontalement une décision du peuple sur un point précis, d’autant plus qu’elle est récente. Le mandat électif ne donne pas tout pouvoir contre le peuple.

Pour finir, il me semble assez clair que cet argument renforce plutôt la thèse que je défends, à savoir que le suffrage universel n’est plus considéré par le personnel politique que comme une modalité d’organisation de l’alternance, au détriment de la reconnaissance de la légitimité du peuple à prendre les décisions qui le concernent. La forme démocratique subsiste alors même que la souveraineté du peuple est annihilée i.e. réduite à néant.


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9 réactions à cet article    


  • ObjectifObjectif 17 novembre 2009 17:38

    @l’auteur : merci pour cet article clair.

    Le seul moyen de vérifier objectivement que l’on est encore en démocratie, c’est de regarder si les élus sont représentatifs de la population.

    Or il est clair que ce n’est pas le cas.

    On nous a enfumé en nous présentant les élection comme la seule voie vers la démocratie.

    Mais la démocratie d’origine, en Grèce, ne passait pas par une élection : un tirage au sort désignait les représentants du peuple. D’ailleurs on le fait encore, pour les jurés d’assises.

    C’est ce que défend par exemple http://www.clerocratie.com/ même si je trouve ce nom peu attractif...

    Quand aux objections concernant le manque de compétences de représentants tirés aux sorts, je crains que la démonstration des compétences des élus actuels soit peu probante, en dehors du marketing qui permet de se faire élire...


    • foufouille foufouille 17 novembre 2009 18:29

      @ abges
      il s’agissait d’esclave et non de meteque
      et les grecs etaient pas chretien


    • K K 17 novembre 2009 20:13

      @foufouille,


      Je ne suis pas d’accord avec l’opinion d’Abgeshidenheit, mais historiquement parlant, ce qu’il dit à propos des métèques d’Athènes est exact. Les esclaves n’avaient, eux aucun droit, encore moins celui de partir..

    • DESPERADO 18 novembre 2009 12:29

      Sacré Abe
      Toujours aussi subtile.
      La racille allochtone, les métèques etc..
      Toi tu es quoi ?
      Un bon français, n’est-ce pas ? Tu es minable, et les français te crachent à la figure ta haine.


    • Markoff 17 novembre 2009 20:17

      La démocratie est peut-être le « moins pire » des systèmes, comme disait Churchill, mais c’est une illusion et ce ne peut pas être autrement.

      Le peuple, c’est une entité abstraite jamais homogène, donc trés peu représentée par le suffrage dit « universel », surtout quand une « majorité » est élue avec 30 % de 45 % du corps électoral... Une fois au pouvoir, les élus nationaux font ce qu’ils veulent et ne tiennent compte de la vox populi que quand ça les arrange. Il en a toujours été ainsi.
      ( ex : l’abolition de la PDM sous Mitterrand ). 

      Maintenant, une autre question est de savoir si la majorité a toujours raison du fait qu’elle est majoritaire... La réponse à cette question prouve que la démocratie est un leurre.

      La réalité, c’est qu’on signe un chèque en blanc à nos représentants.


      • Intrepid_ibex 17 novembre 2009 20:46

        Le débat sur l’identité est une initiative louable. En effet, il est temps d’imaginer un projet commun pour les différentes communautés résidant en France.
        Pourquoi réveiller une notion, la nation, qui semble venue du XX ième siècle dans ses heures les plus sombres ? Et bien en raison du « Droit de peuples à disposer d’eux-mêmes ». Cela a l’air anachronique, mais ce mécanisme historique est à la base :
        -de l’éclatement de l’Empire Austro-Hongrois à l’issue de la WWI.
        -du pangermanisme de regrouper les territoires germanophones lors de la WWII.
        -des guerres de décolonisation et de l’émancipation des peuples.
        On continue ?
        -du génocide Rwandais.
        -de l’éclatement de la Yougoslavie dans les années 90.
        -de la scission pacifique de la Tchéckoslovaquie.
        -des affrontements chiites-sunnites en Irak.
        -du problème Kurde en Turquie/Irak/Iran.
        -de l’indépendance du Kosovo.
        etc...etc...
        L’histoire passée et récente montre qu’il est utopiste de vouloir garder des peuples sur un même territoire plusieurs peuples qui ne peuvent pas se blairer, sauf à les « maintenir » par un système totalitaire. L’exemple de l’Irak (Sadam Hussein) et de la Yougoslavie (Tito) est particulièrement parlant. Le pays éclate dès que le dictateur est renversé. A ce titre, la situation des pays occidentaux suscite des interrogations, tant le multiculturalisme, la « diversité » et le communautarisme deviennent la norme. En temps de paix, la cohabitation peut exister, mais les tensions sont excerbées dans un contexte de crise économique. Dans le cas de la France, le dilemme est de conjuguer la population européenne, crispée par la perte de son empire colonial, de la pression à la baisse sur les salaires, et du rejet de l’islam pour certains, avec la population africaine et nord-africaine, affectée par le colonialisme et l’esclavagisme, rejetant les valeurs de l’occident pour certains et victime de racisme.
        Nous pouvons nous questionner en quoi le libéralisme peut-il estomper les différences et susciter le vivre-ensemble. Il n’en est rien. La concurrence mondialisée du marché du travail tend à favoriser les mouvements de population et à affaiblir les états nations. Si l’assimilation dans le nouvel état d’accueil était possible au début du siècle, les nouveaux moyens de communication (internet, TV satellite, téléphone) et de transport (voiture,avion) permettent de garder un lien plus fort avec le pays d’origine.
        Au vu du « Droit de peuples à disposer d’eux-mêmes », le débat sur l’identité nationale de peuples différents (quoi qu’on en dise) reste entier...


        • saint_sebastien saint_sebastien 18 novembre 2009 20:53

          Je ne comprend pas le fait qu’il y ait autant d’article sur cette question.


          Ce débat lancé par les politiques est une fraude , pur et simple. Nico et sa clique n’en n’ont absolument rien à foutre de l’identité française , leur but est uniquement politique.

          Qui a voté Lisbonne contre l’avis du peuple ? qui est pro européen ? qui est atlantiste ? qui a remis la France dans l’Otan ? qui a réduit la francophonie en miette ? qui détruit l’image de la France à l’étranger ? qui américanise la société française ? qui démantèle le patrimoine industriel de la France ? qui met des macdo et des apple stores au Louvre , haut lieu de la culture française transformé en centre commercial ?

          Merci d’écrire des articles pour dénoncer cette farce , il faut refuser d’y participer. On n’est plus dans l’hypocrisie , mais dans l’irresponsabilité et le cynisme .

          Cette farce insupportable doit cesser rapidement. Si elle perdure , alors la France ou ce qu’il en reste est réellement perdue.

          Je ne suis pas contre ce débat , mais contre ceux qui l’initient et qui se foutent de l’identité française , la politique qu’ils mènent le démontre.

          • Markoff 19 novembre 2009 09:49

            Voici quelques réponses :

            Qui a voté Lisbonne contre l’avis du peuple ?  : les élus du peuple

            qui est pro européen ? Presque tout le monde aujourd’hui

            qui américanise la société française ?  : le marché

            qui démantèle le patrimoine industriel de la France ?  : le marché

            qui met des macdo et des apple stores au Louvre ?  : le marché


          • Le péripate Le péripate 19 novembre 2009 09:52

            Qui ramène une baguette de pain à la maison ? Le marché.

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jean


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