Du Liban de nos parents à celui de nos enfants
De nos jours, parler du Liban c’est surtout se souvenir qu’il a été ce doux et merveilleux pays où il faisait bon vivre, où l’hospitalité et l’humanisme de ses habitants avaient un sens et où la prospérité était au rendez-vous.
Toutes ces qualités se sont perdues, au fur et à mesure des
évènements, dans les méandres haineux et désastreux du comportement de ceux qui
savaient ce qu’ils faisaient.
Le plus dramatique c’est qu’il est à nouveau plongé dans ce cycle infernal de
la violence et de l’incertitude dont il ne semble pas pouvoir se sortir.
La haine et la méfiance semblent avoir pris le pas sur la tolérance et la
confiance dans un avenir meilleur.
L’individualisme et l’égoïsme semblent avoir pris le pas sur l’ouverture et la
solidarité envers les autres.
Le communautarisme et le confessionnalisme semblent avoir pris le
pas sur le nationalisme et le dialogue intercommunautaire, indispensable pour une coexistence pacifique.
La confiance aveugle en l’étranger semble avoir pris le pas sur la confiance en
soi et en son frère du Liban, prélude obligé à l’affirmation de son identité.
Cette terre dont nous parlons est une vieille terre d’accueil.
Elle a certes vu défiler tout au long de son histoire, ancienne et récente, sur
ses plaines et son littoral, les armées de toutes les puissances, de l’Est
comme de l’Ouest ; mais elle a surtout été, dans ses montagnes, le refuge de
bien des minorités qui ont été les pourchassées de ces mêmes puissances.
Ces minorités composent encore et toujours l’architecture, l’essence même de sa
population et aucune de ses composantes, aussi imposante soit-elle, ne peut
prétendre avoir le dessus, parce que le nombre n’est pas un critère en soi pour
justifier ou exiger sa vision.
Car sur cette terre, le plus grand n’est pas plus grand que le plus petit et
c’est là que réside son exception.
Ce pays est bien particulier.
Il défie les lois de la logique politique autant démocratique que totalitaire
car appliquer sans aménagements particuliers l’une ou l’autre conduira vers
sa propre négation.
Il défie les lois de la logique économique et refuse de sombrer, malgré la
tendance des indices, dans le chaos.
Il défie les logiques d’état, de l’Est comme de l’Ouest, car elles sont
tendancieuses et n’inspirent pas sa logique.
Il se veut un modèle, un message pour tous ceux qui veulent croire que les
hommes se ressemblent, en dépit de quelques différences dans leurs croyances et
que cela ne pourra, en aucun cas, justifier qu’ils aient pu ou qu’ils puissent
encore s’entre-tuer.
Et pourtant c’est bien ce qui s’est passé et risque de continuer de se passer.
Comme si notre pays ne nous était plus adapté, comme si ce pays avait été créé
de toutes pièces, sans jamais nous avoir été adapté.
Ce « nous » paraît comme impersonnel, comme vidé de son sens originel et
profond au point de ne plus rien vouloir dire.
Connaître ses origines et son histoire est porteur d’espoir et d’espérance.
Rien ne peut davantage représenter son identité que la terre sur laquelle on
a vécu, grandi et qui, pour beaucoup, est endormie à jamais.
Si les hommes et les femmes de ce pays ont perdu la signification de leurs
combats, en se cassant la tête à encore réitérer les erreurs d’antan, à
l’infini, il y a fort heureusement leurs enfants qui eux ont soif d’amour, de
liberté, de connaissance et de bien d’autres valeurs.
Pour eux, la liberté de leurs limites est la limite de leurs libertés.
Personne ne pourra cantonner ces enfants dans une région particulière du pays,
leur interdisant, de facto, de poursuivre leur rêve, de découvrir et de
connaître les limites de l’horizon.
Des Libanais en vie c’est un Liban en vie.
Des enfants libanais en vie c’est un Liban en vie.
Des enfants libanais souriants et contents d’être ensemble, c’est le visage
d’un Liban tolérant, uni et conforme à son identité.
Ces enfants ont besoin de se connaître.
Ils ont besoin de vivre ensemble et de découvrir, du Nord au Sud et d’Est en
Ouest, les villes et villages de ce pays, de leur pays.
Ils ont besoin de se rendre utiles à l’autre, leur compatriote, de l’entourer
et réparer ce qui lui a été détruit, parce que tout ce qui lui arrive leur
paraît totalement injuste.
Un enfant n’a pas à connaître ou à subir la haine ou à affronter la mort avant
même de découvrir ce qu’est la vie.
Il y a au Liban des gens merveilleux* qui consacrent leur temps, et même leur
vie, à faire faire cette découverte aux enfants de tout le pays, sans
discrimination aucune, en leur proposant de découvrir et d’aimer toutes les
régions, et leurs habitants, de tout le Liban.
Ils leur montrent que l’entraide est précieuse même si l’aide n’est plus
formulée.
Ils leur montrent que la vie ne pourra exister et l’avenir ne pourra subsister
que si l’amour comble leur cœur, balayant la haine et la rancœur.
Ils leur montrent que l’avenir est entre leurs mains, s’ils veulent bien le
saisir et ne pas le laisser échapper.
Ils leur montrent que personne ne décidera à leur place si toutefois ils le
décident.
Ils leur montrent aussi que leur pays est en droit de réclamer, d’imposer,
d’exiger certaines choses essentielles comme par exemple « que la paix soit
garantie ».
Il impose à ses enfants des vertus, qu’il faudra qu’ils cultivent, comme le
pardon, la tolérance, le respect, l’exigence de soi, le volontarisme et le
patriotisme.
Il exige, quoiqu’il arrive, que soit préservées son indépendance, son unité et
son intégrité territoriale.
Il veut avoir des rapports courtois et amicaux avec ses voisins, des échanges
économiques avec eux dans un cadre bien défini qui réglementera ces échanges.
Il demande à ses enfants d’être respectables et de se faire respecter.
Il veut être un exemple de cohabitation fraternelle en son sein et un modèle de
partenariat en dehors de ses frontières.
Il demande à ses enfants de ne pas être influençables, par les visées
territoriales quelque peu hégémoniques de ses voisins. En tout cas, de ces
visées, lui n’en a aucune et n’en aura aucune.
Les erreurs réitérées sont la preuve d’une immaturité à défaut d’une
irresponsabilité grave par les répercussions qu’elles engendrent surtout à
l’échelle d’une nation.
Cela mériterait des explications et la vérification que les leçons ont bien été
retenues.
Il demande à ses enfants, d’apprendre les leçons du passé et d’en tirer les
conclusions, de connaître leur Histoire et de ne jamais l’oublier.
Il demande à ses enfants de prendre garde, car il peut être la cible de
convoitises proches ou éloignées.
Non parce qu’il est riche (pas une goutte de pétrole) mais par calculs
stratégiques ou économiques pouvant amener certains à le sacrifier sur l’autel
de la politique géostratégique.
Il leur demande de rapidement se rendre compte qu’il s’agirait là d’une duperie
associée à une hypocrisie visant à satisfaire certains appétits bien loin, en
tout cas, de l’intérêt du pays.
Il demande à ses enfants d’être ouverts aux autres sans être influençables,
d’être fiers sans être dédaigneux et arrogants, de pardonner sans se faire avoir,
de comprendre les autres sans être naïfs, d’être fraternels sans se faire
engloutir, d’exiger sans être tyranniques, et sans complexes d’être grands et
exemplaires.
C’est une fois que les Libanais seront devenus des patriotes que leur patrie
sera unie, libre et indépendante.
C’est une fois que les Libanais seront devenus des patriotes
qu’un désir unique, devenu enfin national, de vivre en paix, jaillira tout
naturellement.
Alors le Liban pourra coller à l’image que nous lui aurons imprégnée et saura
se défendre et se faire respecter.
Économiquement il rencontrera la prospérité, politiquement il exercera la «
démocratie » comme aucun autre pays de la région.
Nous pourrions parfaitement arrêter ici notre récit, mais....
... mais les enfants du Liban, tout comme les enfants du monde entier, ont
droit au même traitement, qu’ils soient d’un côté ou de l’autre de la
frontière.
La vie a autant de valeur où qu’elle soit.
Elle ne saurait être l’exclusivité de certains.
L’amour et le respect de son prochain pourraient, sans autre considération,
dépasser les frontières.
Il ne serait pas inconcevable d’imaginer un trait d’union entre tous les
enfants de ce Moyen-Orient, offerts en sacrifice aux forces de la haine et de
la mort.
Il ne serait pas inconcevable d’imaginer que chez nos « ennemis », des gens
formidables consacrent aussi leur temps et leur vie à sauvegarder l’essentiel,
en prônant justement cet amour du prochain, sans autre considération qu’un
avenir plus juste, plus équitable et plus fraternel.
Sommes-nous, véritablement, si indépendants les uns des autres ?
La paix d’un Etat n’est-elle pas tributaire de celle de ses voisins ?
Il faut donc oeuvrer et tout faire pour rendre le monde dans lequel on vit plus
juste, plus humain, plus solidaire, pour prospérer et pour espérer récolter un
jour un monde pacifié et en paix.
L’idée de « la marche sur les sentiers de la paix », sans armes et sans haine,
peut parfaitement concrétiser, au-delà du symbole très fort, la volonté
farouche de coexister et de vivre en paix.
Les frontières représenteront le point de ralliement des populations de chaque
côté de la frontière, signe de paix et de bienvenue.
De là, le passage de l’autre côté est indispensable, toujours à pied et dans un
esprit de pèlerinage.
D’immenses rassemblements auront lieu, au passage, à Beyrouth, Tel Aviv, Jérusalem (haut lieu symbolique), Gaza,
Damas, pour ne citer que ceux-là.
Un seul mot d’ordre lors de ces manifestations, issu d’un sentiment
profondément universel :
« La Vie maintenant, la Paix maintenant ! ».
Qu’il est bon de rêver !
Mais, s’agit-il d’une clairvoyance à long terme ou d’une utopie ?
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